50. La main dans le sac

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J’avance rapidement. Je dois retrouver le groupe qui me précède. Sans pour autant leur tomber dessus. Il ne faut pas non plus que je sois vu. Pas avant un moment, du moins. Sinon, ils m’ordonneront de retourner dans les ruines. Par "ils", je veux dire "Adrien", bien sûr. 

Pris d’un élan d’agacement envers l’entêtement de mon mari, j’accélère encore davantage le rythme. Je commence à avoir l’habitude de cette forêt, à présent et elle ne me fait plus si peur que ça. J’arrive assez bien à y avancer et je ne me cogne plus comme avant à toutes les branches. Bien sûr, ce n’est pas pour autant que je la préfère aux routes bien droites et goudronnées des Cités. 

Je marche depuis bien dix minutes, maintenant, et toujours aucune vue du groupe… Et s’ils avaient pris un embranchement plus tôt ? J’aurais aimé leur emboîter le pas plus tôt mais je ne pouvais pas le faire devant les autres Anti-Civiques… 

Je me fige soudain en entendant un bruit qui ne semble pas provoqué par un animal sauvage. Je tends l’oreille. Oui, on dirait bien un éclat de voix humaine. Je me frotte les mains, ravi. Je les ai retrouvés. 

J’avance prudemment en prenant garde d’être bien dissimulé par les arbres. Je me cache derrière un arbre et jette un regard discret. Les dix Anti-Civiques de l’expédition sont bien là. Il y a quatre filles et six garçons. Je distingue Adrien parmi eux et mon cœur s'emballe. Mon mari est beau. Plus que tous les autres, je trouve. J’ai envie de courir me jeter dans ses bras, mais ça serait idiot. À la place je me recroqueville derrière le tronc et attends quelques secondes avant de les suivre. 

Ce petit manège se poursuit tout le reste de la journée, à l’exception d’un très court arrêt pour déjeuner. Nous marchons pendant plusieurs heures. Contrairement à moi, les membres du groupe semblent infatigables. Aucun d’entre eux ne réclame une pause alors que je l’aurais personnellement fait depuis longtemps. Je commence presque à regretter de les avoir suivis. 

Enfin, alors que j’allais m’écrouler de fatigue, ils s’arrêtent enfin dans une clairière. Je me laisse tomber sur le sol, épuisé. Le soleil est en train de se coucher et la forêt se remplit d’ombres. Les jeunes gens sortent des sortes de grands tissus. À ma grande surprise, ils les transforment en des sortes de petites cabanes qui leur serviront d’abri pour la nuit. Voilà qui me semble bien pratique ! Pour ma part, je n’aurais qu’un buisson et une maigre couverture pour me protéger d’une éventuelle pluie… Bien sûr, je pourrais dévoiler ma présence pour pouvoir partager l’une de ces cabanes en tissu avec mon Conjoint. Mais nous sommes encore trop près des ruines. Si je suis découvert maintenant, je serais renvoyé. Oui, je dois attendre le dernier moment, quel qu'en soit le désagrément. 

Le ciel est gris et une unique goutte tombe à côté de moi. Je réprime un grognement et jette un autre regard de regret en direction des cabanes en tissu. 

Une heure ou deux passent. Le temps se maintient fort heureusement. Les jeunes gens allument un feu et préparent leur dîner. Pour ma part, je me contente de grignoter quelques biscuits secs et de boire quelques grandes rasades d’eau. C’est toujours mieux que rien. Je ne dois pas épuiser trop vite mes provisions. 

Mes yeux se ferment tout seuls. Je ne vais pas tarder à m’endormir. Je m’apprête à sortir ma couverture lorsque j’entends des craquements non loin de là. 
Je regarde devant moi. Trois filles s’avancent dans ma direction. 

Je me fige aussitôt, m’applatissant dans les fougères. Je suis bien trop proche. Je retiens mon souffle, le cœur battant. 

— Vous avez entendu ce bruit ? demande une fille. 

Je me mords la lèvre. Je n’aurais pas dû me baisser si rapidement. 

— Un animal, sans doute, suggère quelqu’un d’autre. 

Le Conjoint (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant