Le jour suivant, nous marchons main dans la main sur le chemin du travail. Je suis heureux de notre rapprochement, si bien que je ne peux pas m'empêcher de sourire. Je suis même triste lorsque vient le moment de nous séparer. J'aurais aimé passer une nouvelle journée entière avec mon Conjoint.
Adrien se tourne vers moi pour me dire au revoir comme d'habitude. Au lieu de se contenter de m'adresser un signe de main, il m'attire cependant contre lui et presse ses lèvres contre les miennes. C'est un baiser très chaste par rapport à ceux de la veille. Mais il me remue des pieds à la tête. Je me retrouve à m'agripper à son cou, entrouvant la bouche pour en demander plus. C'est finalement Adrien qui doit me repousser doucement.
- À ce soir, mon petit Conjoint chéri.
Il me sourit d'un air un peu coquin et j'ai soudain hâte d'arriver à la fin de la journée pour sentir à nouveau ses lèvres contre les miennes et ses doigts enroulés autour de ma main.
Adrien s'éloigne déjà sur le chemin. Au lieu d'entrer directement dans l'entrepôt comme je le devrais, je le regarde quelques secondes avancer de son pas vif. Une nouvelle fois, je le trouve beau et je me sens fier et plein de joie d'être son Conjoint.
J'entre dans mon travail le sourire aux lèvres.
- Tu as passé une bonne journée de repos ? me demande mon collègue François après m'avoir salué.
- Oui, merci. Et toi ?
- Également.
Nous n'entrons pas davantage dans les détails. Les autres citoyens de l'entrepôt évitent de m'interroger sur ma vie privée. Je sais que ma situation conjugale les met mal à l'aise.
Octave, notre chef, nous rassemble ce jour-là au milieu de l'entrepôt.
- Mes chers concitoyens, nous dit-il avec un sourire chaleureux. À partir d'aujourd'hui, nous allons avoir quelques jours de plus grande intensité de travail. La fête de la Cohésion se prépare et nous allons y jouer un rôle important pour la préparation des aliments.
J'échange avec mes collègues des regards excités. La fête de la Cohésion a toujours été ma préférée. Elle a lieu tous les ans à la fin de l'hiver. Après un discours des conseillers dans l'amphithéâtre, les Citoyens sont invités à se rassembler par petits groupes libres et à partager ensemble un repas. Contrairement aux autres jours où nous recevons habituellement nos rations, chacun dispose d'un élément comme le dessert ou un fruit à apporter. De cette façon là, nous sommes amenés à partager et à recevoir, à échanger avec les autres afin que chacun soit rassasié. Je trouve cette symbolique magnifique. J'aime l'idée de faire partie d'un tout. D'être utile à tous à mon niveau.
Alors que nous déjeunons après cette longue matinée d'efforts, mon chef vient s'asseoir à côté de moi.
- Dis-moi, Maxence. Puisque tu es nouveau dans la Cité, as-tu été invité par quelqu'un pour la fête de la Cohésion ?
Je réfléchis. Je ne connais bien sûr personne à part mes collègues. Si Adrien a reçu des invitations, il ne m'en a pas parlé. Il est tellement solitaire qu'il ne serait pas étonnant que personne n'ai songé à lui.
- Non, je réponds donc.
- J'en organise une chez moi. Passez-y toi et ton... Conjoint.
Je souris timidement.
- D'accord. Je... je lui en parlerai.
Mon sourire s'efface dès que mon chef détourne le regard. Je suis très heureux de cette proposition, bien sûr, mais je crains la réaction d'Adrien. Quelque chose me dit que cela ne va pas lui plaire. Le connaissant, il préférerait que nous passions la fête de la Cohésion juste tous les deux. Ce qui n'aurait aucun sens, bien sûr.
En fin de journée, je pénètre dans la cellule familiale. La lumière est allumée. Pour une fois, Adrien est revenu avec moi. Cela me fait plaisir. J'espère qu'il sera moins fatigué que les autres jours et de meilleure humeur. Il lui arrive souvent d'être ronchon le soir. Presque toujours, en réalité.
Lorsque j'entre dans le salon, il est allongé de tout son long sur le canapé, les yeux clos. Cela lui donne un air plus jeune et innocent et une bouffée de tendresse me prend. Il y a quelques temps, cela m'aurait choqué de le voir prendre la place de la femme et des enfants. Mais à présent je me suis habitué à ses petites transgressions. Après un bref moment d'hésitation, je me décide à en faire de même et m'assieds sur le fauteuil de l'homme.
Mon Conjoint ouvre un œil.
- Allons bon, marmonne-t-il. C'est toi le chef maintenant ?
- Il faut croire.
Je souris avec satisfaction. Adrien se frotte les yeux et se met en position assise. Il tapote la place à côté de lui.
- Viens plutôt là.
Je ne me fais pas davantage prier et viens me blottir à ses côtés en repliant mes jambes. Adrien passe ses bras autour de moi et me fait un bisou sur le sommet de ma tête. Je louche sur sa bouche, espérant un prompt baiser.
- As-tu passé une bonne journée, mon petit Conjoint chéri ? me demande-t-il. As-tu prévu de nous inonder de brocolis les prochains jours ?
Je relève la tête pour le laisser embrasser mes lèvres. J'aime ces moments de douceur, où nous nous comportons comme un couple normal. J'aime sentir les mains d'Adrien me toucher. J'aime goûter ses embrassades.
- Nous sommes en train de préparer la fête de la Cohésion, je réponds. Tu vas être content. Certains citoyens recevront un gâteau au chocolat à partager.
Adrien m'embrasse le cou et me fait m'allonger sur le dos, me dominant de son corps.
- J'adore le chocolat, me confie-t-il, les yeux brillants.
Je m'en doutais bien. Mon Conjoint aime tout ce qui est sucré et mauvais pour la santé.
- Tu aurais été content de travailler à ma place, aujourd'hui. J'ai passé la matinée à ranger des tablettes de chocolat sur des étagères.
- Miam. ça me paraît presque aussi appétissant que toi.
Il pose sa tête juste à côté de la mienne. Son souffle vient faire voltiger quelques-unes de mes mèches. Je frémis et un gémissement s'échappe de mes lèvres.
- Et si tu m'en rapportais une demain ? me chuchote-t-il à l'oreille. J'ai envie de chocolat maintenant. Je ne veux pas attendre la fête.
Je sursaute.
- Je ne peux pas en voler ! Elles appartiennent à la collectivité !
- Juste une. Personne ne s'en rendrait compte.
- Ce serait tout de même un vol !
Mon indignation fait disparaître tout plaisir et je me redresse, choqué par sa proposition. Il relève également le buste en se renfrognant.
- Très bien, laisse tomber.
Il se lève et me tourne le dos. J'entends la porte claquer et comprends qu'il est allé s'enfermer dans la chambre. Je reste seul sur mon canapé, le cœur serré.
Je n'arrive pas à comprendre Adrien. Et cela me rend triste.
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Le Conjoint (bxb) [terminée]
RomanceDans un futur lointain, les êtres humains vivent sous le contrôle du Système qui dirige tous les éléments de leur vie. L'année de ses dix-huit ans, chaque citoyen est accouplé à une citoyenne. Le jour où vient son tour, Maxence se retrouve cependant...