Adrien m’apprend finalement à utiliser ce pistolet, ainsi qu’une grenade.
— Tu ne seras pas obligé de blesser quelqu’un, Max, me répète-t-il pour la centième fois. Je veux simplement que tu ne te retrouves pas complètement démuni face à des Gardiens de la Paix si nous nous faisons repérer.
— Hum... , je réponds, peu convaincu.
Mon mari roule des yeux.
— Il est préférable que tu ne les manipules pas, de toute façon. Tu risquerais plus de toucher tes alliés que des ennemis !
Je lui jette un regard noir et fais la moue. Certes, je ne vise pas très droit…
— On peut arrêter pour aujourd’hui ? je le supplie.
Le jeune homme cède.
— D’accord, d’accord. Il est temps de partir.
Je lui rends son pistolet avec soulagement et nous rejoignons les autres Anti-Civiques. Nous avons pris l’habitude, ces trois derniers jours, de nous entraîner au maniement des armes tous les matins après la petite collation à laquelle nous avons droit. Cela nous permet aussi de nous isoler. Après ce qui c’est passé l’autre jour, je me sens toujours un peu gêné en présence de nos compagnons de voyage. L’un d’entre eux, un garçon nommé Arnaud, aime bien se moquer de moi à ce sujet. Et il ne manque pas de le faire aujourd’hui en nous voyant surgir des bois.
— Ah, vous voilà, s’exclame-t-il avec un grand sourire. Nous commencions à nous inquiéter et nous demandions s’il ne fallait pas partir à votre recherche. Mais nous avions trop peur de tomber sur une scène traumatisante.
Son sourire s’élargit tandis que mes joues chauffent.
Mon mari hausse les épaules.
— Mêle-toi de tes oignons, lance-t-il à son camarade d’un ton indifférent.
Adrien parvient parfaitement à garder son calme, dans ce genre de situation. J’aimerais être comme lui et ne pas rougir comme un imbécile à chaque fois que quelqu’un se permet la moindre allusion.
L’une des filles se lève. C’est une jeune femme nommée Sarah qui doit avoir deux ou trois ans de plus que moi.
— Mettons-nous en marche sans plus tarder, décide-t-elle. Avec un peu de chance, nous atteindrons la dixième Cité dans une heure ou deux.
Je suis pris d’une soudaine bouffée de stress. Une heure ou deux ? Je vais retourner dans la dixième Cité d’ici aussi peu de temps ? Je ne me sens pas prêt.
Remarquant mon trouble, mon mari vient me prendre par la main et presse ma paume entre ses doigts. Je lui jette un regard reconnaissant, un peu frustré. Je voudrais qu’Adrien m’embrasse, mais je crains les moqueries que cela engendrerait…
Nous rassemblons nos affaires pour reprendre notre périple à travers la forêt. Les Anti-Civiques sont surexcités par la perspective de réellement commencer leur mission d’ici la fin de la journée. Ils n’arrêtent pas de discuter entre eux, s’imaginant ce que pourrait être la vie sans le Système. Selon eux, il n’y aurait plus ni Citoyen ni Anti-civiques. Les hommes formeraient à nouveau un seul peuple.
Pour ma part, j’avance en silence. Pour la millième fois, au moins, je ressasse les paroles d’Adrien l’autre jour. À propos du Système et des attentats. Une part non négligeable de moi refuse toujours de le croire. Une autre se pose de sérieuses questions… Après tout, j’ai été emprisonné après avoir dénoncé Adrien. Selon mon mari, j’aurais été tué parce que je ne rentrais plus dans le moule du parfait petit Citoyen. Pourtant je n’avais fait que mon devoir. Pourquoi le Système éliminerait-il les personnes qui le servent ? N’est-il pas supposé les protéger ?
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Le Conjoint (bxb) [terminée]
RomanceDans un futur lointain, les êtres humains vivent sous le contrôle du Système qui dirige tous les éléments de leur vie. L'année de ses dix-huit ans, chaque citoyen est accouplé à une citoyenne. Le jour où vient son tour, Maxence se retrouve cependant...