Je reste prostré sur ma couchette toute la journée suivante. Mes yeux gonflés par le chagrin fixent le plafond sans but. Alors que je m’attendais à me faire à nouveau interroger ou relâcher, je ne suis visité par personne, sauf par une Gardienne qui vient m’apporter à manger le midi et le soir et refuse de répondre à mes questions. Je mâche les aliments sans en sentir le goût par pur habitude alors que je n’ai pas faim. Mon esprit ne cesse de songer à Adrien et je dois lutter à tout instant pour penser à autre chose. Le destin de mon ancien Conjoint ne me concerne plus. Je me surprends cependant plus d’une fois à espérer qu’Adrien ait pu échapper aux Gardiens. Il est débrouillard et connaît toutes sortes de cachettes. Cette pensée fait de moi un quasi Anti-Civique, au fond. Mais ce n’est qu’une pensée et elle est ma seule source de réconfort.
Les heures s’écoulent et je reste allongé. Ma couverture sent toujours aussi mauvais mais j’ai trop froid pour m’en séparer. J’entends vaguement des bruits de pas dans le couloir plus furtifs que ceux de la Gardienne. Est-il déjà le matin ? Ma cellule est dépourvue de fenêtre et je suis privé de repère temporaire. Je me serais sans doute presque aussitôt désintéressé des bruits s’ils n’avaient cessé juste devant ma serrure. J’entends à présent une clef tinter. La porte s’ouvre et je me redresse à moitié. J’espère qu’on vient me relâcher et que je vais pouvoir rentrer me prendre une bonne douche pour noyer mon chagrin.
La lumière du couloir est éteinte et je ne peux pas voir celui ou ceux qui doivent se tenir non loin de moi.— Maxence.
Je sursaute en reconnaissant cette voix qui chuchote.
— Adrien ?
Il fait toujours trop sombre pour que je puisse discerner quoi que ce soit. Mais je sens une étreinte familière me serrer et je respire à pleins poumons l’odeur de mon Conjoint. Une bouffée de colère mêlée de soulagement me prend.
— Max… J’ai eu si peur pour toi… Viens, filons d’ici !
Mon ancien Conjoint essaie de me tirer par le bras mais je ne me laisse pas faire.
— Qu’est-ce que tu fais ? je proteste en me débattant.
— J’organise ton évasion, bien sûr !
Le ton du jeune homme est un brin agacé et il agrippe encore plus fermement mon poignet.
— Je ne partirai pas.
J’entends un soupir.
— Max… Tu es dans une cellule des gardiens de la paix… Si tu crois que…
Je le coupe.
— Tu es un Anti-Civique.
Un petit silence s’ensuit et la main de mon ancien Conjoint se desserre.
— Évidemment, ils te l’ont dit…
À sa façon de réagir, je comprends qu’Adrien ignore que je l’ai dénoncé. Sinon il ne chercherait pas à organiser mon évasion. Il me détesterait et ne voudrait plus jamais avoir affaire à moi.
Je prends soudain conscience du fait qu’il me faudrait crier pour avertir les gardiens. Mais, bizarrement, je m’en sens incapable. J’ai déjà fait ce que j’avais à faire en dénonçant mon Conjoint. J’ai l’intime conviction que sa fuite ne me concerne pas. Tant que je n’y prends pas part.
Adrien tire soudain plus fort sur mon bras et je me retrouve debout.
— Viens avec moi, insiste-t-il. Tu n’es plus en sécurité ici. Ils vont te faire du mal.
Je serre les dents en résistant.
— Ils ne vont pas me faire du mal. Ils vont m’interroger une nouvelle fois et me laisser repartir. Je n’ai rien fait de mal, moi.
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Le Conjoint (bxb) [terminée]
RomanceDans un futur lointain, les êtres humains vivent sous le contrôle du Système qui dirige tous les éléments de leur vie. L'année de ses dix-huit ans, chaque citoyen est accouplé à une citoyenne. Le jour où vient son tour, Maxence se retrouve cependant...