30. Un secret

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Nous restons silencieux un long moment, collés l’un contre l’autre. La chaleur  d’Adrien et du second feu qu’il a allumé finissent par me réchauffer suffisamment pour que j’arrête de claquer des dents. Le soleil est haut dans le ciel et je commence déjà à souffrir de la faim. Une sensation que j’avais rarement ressentie car le Système veille à nourrir à temps chaque Citoyen. 

— Nous ferions bien de nous mettre en route, soupire mon Conjoint. La route sera longue et il fera trop sombre la nuit venue pour continuer à avancer. 

Je fais la moue, fatigué. 

— Le rassemblement des Anti-Civiques est-il encore loin ? je gémis en me mettant péniblement sur mes pieds. 

Mes vêtements ont un peu séchés, mais sentent mauvais et me collent à la peau.

Adrien hausse les épaules. 

— Quelques jours de marche. Tout dépendra de notre avancée, je dirais. 

J’ouvre de grands yeux. 

— Quelques jours ? Nous allons passer des jours dans la forêt ? 

— Quoi, tu pensais que mes camarades et moi vivions à deux pas de la Cité ? Tu crois que ce serait très prudent ? 

— Je ne sais rien, moi, je grommelle, de mauvaise humeur.
 
Quand est-ce que Adrien comprendra enfin que je n’ai rien d’un criminel et que je n’ai pas la moindre idée de la façon dont ces gens-là réfléchissent ? 

Sans faire attention à ma contrariété, le jeune homme  sort de sa poche un petit objet rond. Derrière une paroie en verre se trouve une petite flèche qui tourne. 

— Regarde, j’ai réussi à sauver cela lors de notre traversée ! 

— Qu’est-ce que c’est ? 

— Une boussole, chéri. Une invention très ancienne qui sert à s’orienter et qui remplace très avantageusement ton cher Système. Cette flèche indique toujours le nord. Sans cet outil, nous risquerions de nous mettre à tourner en rond.
 
— Ah… 

Adrien observe soigneusement cette fameuse invention et commence à avancer dans une direction donnée. Je le suis en traînant des pieds. Notre pause n’a pas suffit à me redonner des forces et la perspective de nous battre à nouveau avec les branchages ne m’enchante pas. Le sol est recouvert de grosses racines et il faut sans relâche regarder ses pieds pour ne pas trébucher. Dans le même temps, il est également nécessaire de regarder devant soit en raison des branches qui nous barrent le chemin. Plus d’une fois, Adrien est obligé de faire demi-tour pour m’aider à me dégager de sortes de longues tiges recouvertes d’épines qui s’étaient accrochées à mes vêtements, m’entaillant la peau. Mon Conjoint, pour sa part, se déplace aisément et j’envie sa dextérité. J’ai l’impression que la nature ne veut pas de ma présence ici et fait tout pour m’empêcher de profaner son sanctuaire. 

À mon grand effroi, je vois soudain Adrien bondir sur un buisson. Il en ressort avec un animal aux grandes oreilles qui se débat dans sa main avant de s’immobiliser. Je recule de trois pas, horrifié. 

— Que… qu’est-ce que c’est que ça ? je m’écris. 

— Un lapin. Pourquoi ? 

— Que veux-tu faire de cette bête ? 

— Le manger. 

Je recule encore davantage et manque de butter contre l’une de ces satanées racines. 

— Qu...quoi ? 

Adrien roule des yeux. 

— Voyons, Max, tu as déjà mangé du lapin ! 

Le Conjoint (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant