48. L'expédition

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Je tourne et retourne ma bague sans me lasser de ce geste. Toutes les cinq minutes au moins je ne peux m’empêcher de l’admirer. Ce n’est qu’un simple anneau en métal pas très droit, mais je l’adore tout de même parce que c’est Adrien qui me l’a offert pendant notre mariage. Depuis je le porte au doigt et ne l’enlèverai plus jamais. Mon Conjoint - non, mon mari - possède le même. À chaque fois que je vois sa main gauche, je ressens un sentiment de possessivité. Adrien est à moi et à moi seul et, maintenant, tout le monde est bien obligé de le reconnaître. 

Je souris tout seul en me remémorant ce jour merveilleux. Je m’étais procuré des vêtements blancs et quelqu’un m’avait prêté une jolie ceinture dorée. Adrien s’était préparé de son côté et nous n’avions pas eu le droit de nous voir avant la cérémonie. J’avais dû patienter un long moment avant de pouvoir me rendre au milieu de la clairière que nous avions choisie pour nous marier. Mon Conjoint était déjà là. Il était magnifique et je suis resté sans voix un long moment. Adrien lui-même me fixait en silence, les lèvres étirées dans un sourire inhabituellement timide. Nous nous sommes avancés l’un vers l’autre dans un état second, sans nous préoccuper le moins du monde de la foule. Beaucoup de personnes étaient rassemblées. Linda, l’une des élues, Christiane, mon ancienne cheffe, un certain nombre des enfants que je garde. Même Marthe est venue, même si elle semblait faire un peu la tête.

Je me sentais un peu nerveux et angoissé, mais quand Adrien m’a pris dans ses bras, j’ai compris que ma décision de l’épouser était l’une des plus fortes et raisonnables que je n’ai jamais prise dans ma vie. Quand mon nouveau mari m’a embrassé, juste après nous être dit oui, j’ai bien cru que j’allais m’évanouir de bonheur. Nous sommes restés collés l’un à l’autre si longtemps que des personnes de l’assistance ont commencé à glousser. Nous nous sommes écartés légèrement en rougissant et tout le monde a applaudi. Nous étions déjà liés auparavant, bien sûr mais à présent nous sommes unis pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort nous sépare. C’est ce que l’élue qui nous a marié a dit. Et j’espère que ce sera surtout pour le meilleur. 

Je tourne une dernière fois ma bague avant d’aller passer un coup de balai dans le salon. J’aime que notre appartement soit propre et chaleureux pour le retour de mon mari. Puis j’attends un moment qu’il rentre enfin de son travail. Pour ma part, j’ai eu le droit de retrouver mon ancien poste avec les enfants et je recommence à rentrer à la maison bien plus tôt qu’Adrien. 

Lorsque mon mari  entre dans le vestibule, je comprends tout de suite qu’il a quelque chose de désagréable à m’annoncer. Son visage est fermé et il met deux fois plus de temps que d'habitude à retirer ses chaussures. 

Je m’avance vers lui et mets mes mains sur les hanches. 

— Qu’est-ce qu’il y a ? je lui demande avec impatience. 

Le jeune homme se redresse sans me regarder directement. 

— Trois fois rien, ne t’inquiète pas, marmonne-t-il d’un ton faussement dégagé. 

Je fronce encore plus les sourcils. 

— Quoi donc ? j’insiste. 

Il me jette un regard agacé et me contourne pour accéder au salon. Il se laisse tomber sur le canapé et je le suis de près. 

— Assieds-toi, ordonne-t-il en tapotant la place à côté de lui. 

Je lui obéis avec méfiance. Habituellement, nous fêtons nos retrouvailles par des câlins ou des baisers. Ce soir, Adrien reste cependant tendu et sur la défensive et je pressens que je ne vais pas aimer ce qu’il va m'annoncer. 

Le Conjoint (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant