A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

39 ~ Yo-ho-ho ! Et une bouteille de rhum !

Je me tourne et me retourne dans mon lit sans parvenir à trouver le sommeil. Il faut dire que les ronflements de mon voisin de chambrée ne me sont guère d'une grande aide. J'ai l'impression qu'il a avalé un ours tant il est bruyant. Qu'est-ce que je regrette mes deux premiers jours à l'infirmerie où j'étais seule ...

Ce matin, un nouveau blessé a été amené à l'infirmerie. Une charrette lui aurait roulé dessus et aurait rendu sa jambe dans un piteux état. Toute la journée, il n'a fait que geindre et se plaindre, et à présent il ronfle comme un hippopotame. Ma tranquillité s'est envolée avec l'arrivée de cet énergumène.

« Tu dois rester alitée et te reposer Rose », ne cesse-t-on de me répéter. Mais comment diable voulez-vous que je me repose avec un tremblement de terre ambulant à mes côtés ?

Etouffant sous mes couvertures, je les ôte rageusement et me lève de mon lit pour aller m'asseoir sur l'appui de fenêtre. Mon corps me fait beaucoup moins souffrir qu'il y a deux jours, je peux à présent marcher sans que cela ne soit trop douloureux pour moi, mais je continue tout de même d'avoir mal, particulièrement aux abdominaux. Un vilain hématome aussi noir que mon âme a décidé d'élire domicile sur mon bas ventre, inquiétant les infirmières. Eren Jäger n'y est pas allé de main morte, et je compte bien me venger un jour, bien que le caporal semble s'occuper de son cas.

Je fixe la lune, haut dans le ciel, et soupire tristement. Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour utiliser mon équipement tridimensionnel et voltiger entre les arbres de cette forêt. Le plus dur pour moi lorsque je suis à l'infirmerie ou aux cachots, ce n'est pas la gestion de la douleur ou encore du froid, mais c'est bel et bien la sensation d'être prisonnière entre quatre murs.

Je ramène mes genoux contre ma poitrine et les entoure de mes bras. Mes ongles s'enfoncent dans mes biceps en repensant à Eren Jäger et à son guet-apens. Je ne lui ai rien fait, et pourtant il m'a tendu un piège pour mieux me tabasser. Et tout ça pour quoi ? Parce que j'ai libéré Reiner. Non, parce que j'ai libéré « le traitre », alors ça fait forcément de moi une traitresse.

Mes ongles s'enfoncent plus profondément dans ma chair, jusqu'à me faire saigner. Des larmes finissent par poindre aux coins de mes yeux mais je ne fais rien pour les retenir. Eren ne peut pas comprendre ce que j'ai ressenti, personne ne le peut. C'est facile pour eux de me juger, mais qu'auraient-ils fait à ma place ? Je suis certaine qu'Eren aurait fait la même chose que moi pour sauver Armin ou Mikasa.

Il faut que je me rendre à l'évidence : quoi que je fasse à présent, je serai considérée comme une pestiférée et rejetée par les autres. Seul Jean se montre un tant soit peu amical et semble ne pas juger mes actes, et je lui en suis reconnaissante.

« Ils ont tapissé les murs de ta chambre d'insultes. »

Le caporal a refusé de me donner plus de détails, mais il m'a assuré que tout ce bazar serait nettoyé avant que je ne réintègre ma chambre. Il n'est pas difficile pour moi d'imaginer ce qu'ils ont bien pu écrire.

« Traitresse. » « Traînée. » « Salope. »

Ce sont toujours les mêmes insultes qui reviennent. Quoi que je fasse, tout le monde semble garder en mémoire ma petite sauterie avec Reiner, et le fait que je l'ai aidé à s'échapper n'a rien arrangé à mon cas, bien au contraire.

Des larmes continuent à affluer le long de mes joues, mais je retiens mes sanglots pour ne pas réveiller mon voisin de chambrée. Je regarde la forêt avec envie. Une légère brise agite les branches des arbres et je donnerai n'importe quoi pour sentir cette brise sur ma peau.

Mon ventre qui gargouille est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. J'essuie rageusement mes larmes et me dirige à pas de loup vers la porte de l'infirmerie. Tout le monde, aussi bien les infirmières que le caporal, m'a ordonné de me reposer et de rester alitée, mais j'en ai marre d'être un animal en cage.