A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

81 ~ Le calme avant la tempête

Je prends une grande goulée d'air en poussant violemment la porte menant au toit. J'étouffe dans ce bâtiment angoissant, et je ne supporte plus la lourdeur de ses murs. J'ai abandonné les quelques recrues dont j'étais chargée et leur ai donné quartier libre pour l'après-midi. De toute manière, l'expédition aura lieu demain, je ne peux donc plus rien faire pour ces pauvres âmes en perdition. J'ai la désagréable impression qu'ils vont tous mourir et que je ne peux rien faire pour empêcher cela.

J'avance prudemment sur le toit de la base mais n'ose pas m'approcher trop près du bord. Si qui que ce soit m'aperçoit, et plus particulièrement le caporal Livaï, je suis une femme morte. De toute manière, je pense qu'il doit déjà être au courant que j'ai déserté mon poste puisque mes recrues se baladent librement dans la base. Je ricane d'ailleurs intérieurement lorsque je vois l'une d'elle se faire réprimander par un supérieur dans la cour.

Je m'assieds au centre du toit et ramène mes genoux contre ma poitrine en poussant un long soupir. Je ne pourrai pas participer à l'expédition de demain, et je ne sais pas très bien comment accueillir cette nouvelle. Enfin, c'est ce que le caporal a laissé entendre lorsqu'il m'a sortie de ma cellule. Apparemment, il a peur que je les trahisse une nouvelle fois, mais je ne vois pas très bien pourquoi je ferais ça. Je travaillais pour Kenny, et Kenny est mort, alors je ne vois pas à qui il a peur que je me rallie. A Reiner et les autres ? Même si je le voulais, je ne pense pas qu'ils voudraient de moi après ce que je leur ai fait.

Bon, il faut voir le côté positif des choses. Au moins, je ne risque pas de mourir bêtement. Je n'aurai à affronter aucun titan, qu'il soit normal ou contrôlé par un humain, et je ne risque donc plus de me faire dévorer toute crue. A deux reprises, j'ai plongé la tête la première tout droit au fond du gosier d'un titan, et pour rien au monde je ne voudrais réitérer cette atroce expérience. Un frisson s'empare de moi en repensant à l'atroce douleur que j'ai ressentie lorsque ce maudit titan a sectionné ma jambe d'un simple coup de mâchoire. Ce jour-là, j'ai frôlé la mort une fois de plus, ce qui arrive bien trop souvent à mon goût.

– Je savais que tu serais là.

Mon pouls s'accélère dans ma poitrine en reconnaissant cette voix qui se veut neutre. Je sens mes joues chauffer à mesure que ses pas s'approchent de moi. Je plante mes ongles dans les paumes de mes mains, redoutant ses réprimandes pour avoir abandonné mes recrues à leur triste sort. Etonnamment, aucune remontrance ne sort de sa bouche, et il s'assied silencieusement à mes côtés. Je n'ose pas tourner la tête dans sa direction car je sais pertinemment qu'il me dévisage de ses froides prunelles d'acier, et j'ai bien trop peur d'y lire de la déception.

– Tu ne devrais pas être en train d'entrainer tes recrues ? finit-il par demander d'une voix rauque.

Je pousse un long soupir tout en haussant nonchalamment les épaules. Je finis par relever la tête de mes bras pour fixer le soleil déclinant dangereusement à l'horizon. Une légère bourrasque de vent nous saisit de plein fouet, m'arrachant un frisson, ou peut-être que je frissonne à cause de cette proximité entre nous. Nos bras se frôlent presque tant nous sommes proches.

– A quoi bon ? soufflé-je. Ils vont quand même mourir demain lors de l'expédition. Et puis, je trouve ça drôlement ironique que ce soit moi qui les entraine alors que je ne viendrai même pas avec vous.

J'ose enfin lancer un regard dans sa direction et me renfrogne lorsque je capte son rictus moqueur.

– Tu es si naïve, Rose. Si tu crois que tu vas te la couler douce ici pendant que tout le monde risque sa vie, tu te trompes lourdement. On ne va certainement pas se priver d'un bon élément simplement parce qu'il y a une faible probabilité que tu retournes ta veste à nouveau.