41 ~ L'heure du thé

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Après plus d'une semaine et demi alitée de force à l'infirmerie, je suis enfin autorisée à me déplacer à nouveau librement dans le bâtiment. Durant cette convalescence forcée, le caporal demi-portion s'est assuré personnellement que je respectais ses ordres et que je me reposais à l'infirmerie, notamment en chargeant certains soldats de ma surveillance. Fort heureusement, je n'ai pas passé l'entièreté de mon séjour ligotée au lit, mais j'ai fait l'objet d'une surveillance ardue.

Mon visage n'a plus de traces de mon passage à tabac, il n'est plus tuméfié. J'effleure ma peau du bout des doigts et réprime un frisson en sentant les cicatrices laissées par le souffle chaud du titan colossal. Il faut que je me fasse une raison : ma peau ne redeviendra jamais aussi lisse et laiteuse qu'elle l'était avant que j'intègre ce foutu bataillon.

Mes mains aussi sont dans un sale état. Ma peau y est très fine et toute fripée. Moi qui avais des mains si douces et délicates avant, elles ne ressemblent plus qu'à un amas de chair boursoufflé. Perdue dans mes pensées et dans la contemplation de mes cicatrices, je sursaute lorsque Jean, assis à mes côtés sur un muret, prend la parole.

– Tiens, tiens, on dirait que les ennuis arrivent.

Je relève la tête pour voir Eren et deux autres hommes marcher dans notre direction. Le premier, à la droite d'Eren, est légèrement plus petit que lui. Ses cheveux roux reflètent les rayons du soleil et ses yeux bruns me fixent avec une rare haine que même Eren n'a jamais eue à mon égard. Le second homme, à la gauche d'Eren, fait bien deux têtes de plus que ce dernier. Il paraît très maigrichon et empoté. Son regard reste braqué sur ses pieds, comme s'il était effrayé, si bien qu'il ne regarde pas où il va et finit par se prendre un poteau.

Jean et moi pouffons discrètement de rire à cette vue, sous le regard noir du rouquin. Je devine aisément qu'il s'agit des deux acolytes qui ont accompagné Eren lorsqu'il m'a tabassée. Alors ces deux idiots font également partie de la 104ème brigade ? Il ne me semble pourtant pas les avoir déjà vus. Après, il faut dire que je n'ai pas spécialement tenté de sympathiser avec mes camarades.

Eren semble être aussi frais qu'une fleur, probablement grâce à sa capacité de guérison. En revanche, les deux autres portent encore les douloureuses marques de leur confrontation avec Livaï. Le gnome disait donc vrai, il les a tabassés à son tour. Bien qu'ils l'aient cherché, c'est peut-être un peu extrême comme punition. Je suis plutôt mitigée. D'un côté, répondre à la violence par encore plus de violence ne nous avancera à rien objectivement, c'est un cercle vicieux car, à leur tour, ils voudront se venger. Mais d'un autre côté, pour le bien de mon ego et de ma soif de vengeance, je suis ravie qu'ils aient été châtiés.

Les trois hommes arrivent à notre hauteur et s'arrêtent. Je peux voir de la tristesse dans le regard d'Eren. Est-ce qu'il regrette réellement ce qu'il m'a fait ou bien est-ce qu'il joue simplement la comédie ? En ce qui concerne le rouquin, il n'y a pas de doute. Il me voue une haine illimitée que je ne peux comprendre puisque je ne sais même pas qui il est. Le regard mauvais qu'il me lance ne fait que renforcer mon sourire en coin. Le grand maigrichon, quant à lui, semble effrayé. Je peux même voir des larmes menaçant de couler aux coins de ses yeux, ainsi qu'une belle trace rouge sur son front, vestige de son altercation avec le poteau. Je me demande ce qu'il peut bien faire dans le bataillon d'exploration, s'il se pisse déjà dessus devant moi, je n'ose imaginer sa réaction face à un titan.

– On est désolés pour ce qu'on t'a fait, entame Eren.

– C'est le caporal Livaï qui nous force à dire ça, précise le rouquin.

J'arque un sourcil face à son intervention et réponds à son regard noir par la plus grande indifférence, ce qui l'énerve encore plus visiblement. Je commence à comprendre le caporal Livaï, c'est tellement jouissif de rester indifférent aux états d'âmes des autres et de les laisser s'énerver dans leur coin. Eren le fusille du regard et le rouquin baisse la tête, comme un chien qui aurait fait une bêtise. C'est bel et bien Eren le meneur de ce groupe de bras cassés.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant