91 ~ Eveil

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Je suis étonnamment sereine lorsque j'ouvre les yeux pour observer le ciel bleu et sans nuage de Shiganshina. Le soleil brillant haut dans le ciel semble nous narguer, jurant avec le massacre qui vient de se produire. Mes idées sont brumeuses et une lancinante migraine m'assaille. Je ferme les yeux pour tenter d'apaiser mon mal et me redresse lentement en position assise. Lorsque mon mal de crâne se calme un peu, je rouvre les yeux et observe rapidement les alentours.

De ce que je peux voir, je suis allongée au sommet du mur Maria. Je n'ai pas le temps de détailler plus attentivement l'environnement qui m'entoure qu'un énergumène se jette littéralement sur moi et me coupe la respiration. Je retombe lourdement sur le dos et marmonne dans ma barbe lorsque ma migraine se réveille.

– Rose ! s'exclame Jean. Tu es vivante, espèce d'abrutie.

Il me serre si fort dans ses bras qu'il me coupe toute arrivée d'air. Je tente tant bien que mal d'éloigner cette sangsue de moi mais Jean s'accroche fermement et ne semble pas décidé à me lâcher. Je martèle son dos de coups de poing, mais cela ne semble avoir aucun effet sur lui. Que du contraire, il resserre un peu plus son étreinte autour de ma taille.

– Tu m'écrases tête de gland, hoqueté-je.

Jean semble seulement réaliser à cet instant qu'il m'empêche de respirer et s'écarte de moi, gêné. Je bougonne en m'asseyant sur ma couchette de fortune et prends quelques grandes goulées d'air avant de pousser un long soupir. Lorsque j'ai enfin repris mon souffle, j'ouvre la bouche pour parler mais les mots s'étranglent dans ma gorge au moment où mon regard se pose sur ma jambe gauche.

Les battements de mon cœur prennent un rythme effréné dans ma poitrine tandis que ma respiration devient hasardeuse. Je manque d'air, j'ai l'impression que je vais étouffer. Je prends ma tête entre mes mains et agrippe violemment mes cheveux pour tenter de dissiper mon angoisse. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je m'attendais à voir ma prothèse, comme c'est le cas depuis quelques mois. Pourquoi ma jambe a-t-elle repoussé comme par magie ? Comment ? Quelle est donc cette sorcellerie ?

– Ma ... ma jambe, bredouillé-je.

Mes yeux commencent à s'embuer, et j'ignore si les larmes qui menacent de couler sont des larmes de joie ou d'effroi. Décidément, je n'y comprends plus rien. Je me suis habituée à cette prothèse, elle est devenue le prolongement de ma jambe. J'ai mis du temps, mais je suis parvenue à faire le deuil de ma jambe et j'ai accepté l'idée que plus jamais je ne la reverrai. Alors comment se fait-il qu'elle soit à nouveau là ? Aurais-je rêvé l'attaque de la forteresse d'Utgard ainsi que la perte de ma jambe ?

Percevant ma détresse, Jean pose ses deux mains sur mes épaules et me lance un sourire qui se veut rassurant. Je me mords violemment l'intérieur de la joue pour ravaler mes larmes et les empêcher de couler abondamment. Je ne vais quand même pas pleurer juste pour ça ? Je ne sais même pas si je suis heureuse ou déçue d'avoir récupéré ma jambe.

– Calme-toi, me sourit Jean, je vais tout t'expliquer.

Je lâche mes cheveux et pose une main sur ma poitrine pour tenter d'apaiser ma respiration. Après de longues minutes d'angoisse, les battements effrénés de mon cœur finissent par ralentir et retrouver un rythme normal. L'idée que ma jambe est bel et bien revenue commence à germer dans mon esprit, et je finis par l'accepter.

– De quoi est-ce que tu te souviens ? demande Jean.

Je fronce les sourcils et tente de me remémorer la bataille sanglante de Shiganshina. Une fois de plus, cet enfoiré de Bertolt m'a bien amochée, et je serre les poings en repensant à la chute de pierres brûlantes dans le puit où je me suis réfugiée. Après que ce connard se soit transformé, le titan cuirassé s'est relevé. Nous devions l'attaquer, mais le titan féminin est apparu et Jean et moi avons décidé d'aller l'affronter. Malgré mes blessures, je suis parvenue à sectionner la mâchoire de cette peste, juste avant qu'elle ne me balaie comme un vulgaire moucheron. Un frisson de dégoût parcourt ma colonne vertébrale en me rappelant l'atroce sensation de mes os qui se brisent en percutant violemment un mur.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant