A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

62 ~ Du whisky et des patates

Je pousse la porte de ma chambre, harassée par cette lourde journée d'entrainement. Tous mes muscles me font atrocement souffrir et je n'ai qu'une seule envie, c'est de plonger sous les couvertures. Je sursaute lorsque j'aperçois une silhouette sur mon lit et lâche un cri de surprise. Je reste abasourdie quelques instants avant de secouer la tête pour remettre mes idées en place. Je claque la porte de ma chambre dans mon dos et fonce droit sur mon lit pour empoigner cet intrus par le col.

– Jean Kirschstein, je peux savoir ce que tu fous dans ma chambre ? beuglé-je.

Je parviens à déloger ce parasite de mon lit et tente de le trainer jusqu'à la porte pour le foutre dehors.

– Lâche-moi, espèce de demeurée, j'ai piqué une bouteille, se défend-il.

Sa phrase a piqué ma curiosité à vif et je m'immobilise avant de me tourner vers lui, intéressée. Je lui lance un regard méfiant et attend qu'il me sorte des preuves. Jean esquisse un sourire en coin tout en sortant une bouteille de whisky de sa veste. Je le toise un instant de haut avant de lui arracher la bouteille des mains et de l'examiner attentivement. Mes lèvres s'incurvent en un large sourire tandis que j'ouvre la bouteille pour boire quelques gorgées. Je grimace lorsque le liquide me pique le fond de la gorge. Je me retourne vers mon lit et constate que Jean en a profité pour retourner s'y asseoir.

– T'as cru que c'était la chambre de ta mère ici ? Vire ton cul de mon lit, et plus vite que ça.

Jean ricane, ne me prenant pas au sérieux, et me tend un panier en osier contenant quelques patates encore fumantes.

– J'ai ramené à manger aussi, explique-t-il.

Je lève les yeux au ciel et pousse un long soupir avant de me résigner à m'asseoir à ses côtés. Je reprends une gorgée de whisky et regarde d'un drôle d'œil le panier en osier.

– Du whisky et des patates, quelle soirée grandiose ! ricané-je.

– J'aurais peut-être pu ramener mieux si tu n'avais pas dévalisé le stock de saucisson du bataillon, rétorque-t-il.

Je lui adresse un salut du majeur et bougonne lorsqu'il m'enlève la bouteille des mains pour s'abreuver à son tour. Je fixe un instant le panier rempli de patates fumantes et finis par en saisir une et la couper en deux. Je tends une moitié à Jean et commence à grignoter l'autre partie.

– Ben dis donc, tu comptais inviter tout le régiment dans ma chambre ou quoi ? plaisanté-je.

Il doit bien y avoir une dizaine de patates là-dedans, j'espère qu'il n'a pas prévu d'inviter toute la base pour un petit apéro surprise. Jean s'apprête à répliquer lorsque le grincement de la porte de ma chambre retentit à nos oreilles. D'un même mouvement, nous tournons nos têtes vers l'entrée de la pièce pour voir le visage curieux de Sasha scruter ma chambre d'un regard avide. Elle nous observe de ses grands yeux fureteurs et son nez se retrousse, comme si elle flairait quelque chose. Timidement, elle pénètre dans ma chambre, toujours en scrutant attentivement chaque recoin.

– Qu'est-ce que tu viens foutre ici ? demande Jean la bouche pleine.

– Je pourrais te retourner la question, tête de gland, grommelé-je.

Je donne une claque à l'arrière de la tête de Jean et prends une nouvelle gorgée de whisky. Une douce chaleur s'empare de moi à mesure que je vide la bouteille, et je dois dire que ce n'est pas désagréable. Jean grommèle dans sa barbe et Sasha commence à bafouiller des excuses tout en tortillant ses mains à cause du stress.

– Je ... Désolée, j'ai cru sentir une odeur de ...

Ses yeux sortent presque de leurs orbites lorsqu'ils tombent sur le panier en osier posé entre Jean et moi. Son regard s'émerveille et sa bouche s'entrouvre, alléchée par l'odeur des patates fumantes.