A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

50 ~ Poids mort

Une fois de plus, je suis restée quelques jours alitée afin de reprendre des forces avant d'être retransférée au quartier général du bataillon. Durant ces quelques jours, les soldats ont ratissé l'enceinte du mur Rose mais n'ont plus trouvé aucun titan, il semblerait qu'ils étaient tous amassés à la forteresse d'Utgard. Les habitants des villages évacués ont donc rapidement pu rejoindre leur domicile.

En revanche, le mystère pèse toujours sur le village de Ragako. Les habitants semblent s'être volatilisés sans laisser de traces, la seule présence vivante encore présente au village est ce titan avachi sur la maison de Connie. Ce dernier semble d'ailleurs convaincu qu'il s'agit de sa mère et que, pour une raison qu'on ignore, elle a été changée en titan. Connie, Hanji, et une équipe minutieusement choisie ont été envoyés à Ragako pour creuser plus profondément cette question.

J'ai également appris que Christa cachait jusqu'ici un lourd secret. Apparemment, elle a intégré le bataillon sous une fausse identité pour une raison qu'elle n'a pas voulu nous révéler. Son véritable nom serait Historia Reiss, c'est du moins ce qu'elle a confié à Ymir. En parlant d'Ymir, cette dernière est actuellement retenue dans les geôles du bataillon d'exploration, le temps que l'on puisse tirer ses intentions au clair. Pour l'instant, le bataillon garde secrète sa faculté à se transformer en titan, mais les brigades spéciales ne devraient pas tarder à être mises au courant et à se battre bec et ongles pour la récupérer. Après tout, le bataillon a déjà la mainmise sur Eren, il paraitrait logique qu'Ymir soit confiée à un autre corps d'armée.

Durant ces quelques jours de repos, j'en ai profité pour écrire un long compte-rendu détaillé de la bataille d'Utgard. J'ai prêté un soin tout particulier à la rédaction du passage concernant Ymir et sa faculté à se transformer en titan, me disant que cela intéresserait peut-être Kenny. J'ai également détaillé la manière dont je me suis sacrifiée, ou du moins ma jambe, pour sauver Eren. J'espère que Kenny appréciera ce geste et ne l'oubliera pas lors de ma prochaine bêtise.

Je m'attendais à recevoir une petite visite de la part de Kenny lors de ma convalescence, mais j'ai été surprise lorsque son espion m'a annoncé qu'il ne viendrait pas. Apparemment, Kenny aurait enfin lancé sa grande expédition pour fouiller la cave d'Eren, dans le district de Shiganshina. Pour une fois que je fais quelque chose de bien, il n'est pas là pour le constater. En revanche, quand je me plante, il traine toujours dans les parages pour me remonter les bretelles !

Je bougonne en y repensant tandis que la charrette chargée de mon transport roule sur un col cailleux. Allongée sur le dos, ma tête rebondit sur le plancher de la charrette au rythme des soubresauts du véhicule. J'ouvre donc les yeux et me redresse en position assise, non sans bougonner bruyamment pour que l'ensemble du cortège soit au courant.

– Tu étais beaucoup plus agréable quand tu étais dans le coma, ricane Jean, au moins tu ne nous cassais plus les oreilles à râler tout le temps.

Je le fusille du regard en silence, ce qui lui fait lâcher un rire cristallin. J'hésite un instant à lui faire un doigt d'honneur mais me ravise finalement. Je ramène mes genoux contre ma poitrine, les entoure de mes bras et pose ma tête dessus. Je ne suis toujours pas habituée à la sensation de ne plus avoir de jambe, et chaque mouvement sollicitant ma jambe gauche me parait vraiment très étrange.

Ma jambe gauche me lance horriblement à longueur de journée. J'ai l'impression que le bas de ma jambe est en feu et qu'on y enfonce des centaines de lames chauffées à blanc. Je commence à m'habituer à cette douleur lancinante qui m'étreint comme un étau. Les médecins m'ont expliqué qu'il s'agit de douleurs fantômes et que c'est très fréquent chez les soldats qui ont perdu un membre.

Même si plusieurs jours ont passé depuis l'incident, je n'ai toujours pas fait le deuil de ma jambe. Je n'arrive pas à accepter la dure réalité qui est devenue la mienne : je n'ai plus qu'une jambe. Le caporal Livaï est parvenu à me dégoter des béquilles pour que je puisse me déplacer de manière autonome malgré mon handicap. Ce dernier a d'ailleurs dit qu'il allait me donner du travail adapté à ma condition physique lorsque je serai de retour au quartier général, et ce afin que je ne sois pas un poids mort pour le bataillon. Selon lui, tout le monde doit se rendre utile, de quelque manière que ce soit. Tu parles ! Je suis curieuse de découvrir ce qu'il m'a réservé, car je ne pourrai pas faire grand-chose avec une jambe en moins.