66 ~ Expédition suicide

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Je me réveille dans un lit complètement vide et dénué de toute chaleur humaine, seule et nue comme un ver. Les yeux toujours clos, j'étends mes bras dans l'espoir de rencontrer le corps de Livaï avant de pousser un long soupir lorsque je constate que je suis désespérément seule dans ce lit. Mes paupières s'ouvrent difficilement et je remarque que la luminosité est à peine moins sombre qu'en plein milieu de la nuit. Une pluie battante sévit à l'extérieur, jurant de manière contradictoire avec la douceur de la nuit que je viens de passer. Je me redresse lentement tout en étirant soigneusement les muscles courbaturés de mes bras.

Je remarque que les feuilles que j'ai éparpillées sur le sol hier soir sont à nouveau rangées en une pile bien ordonnée sur le bureau du caporal. Mes vêtements sont impeccablement pliés sur une chaise juste à côté du lit, et ma prothèse est posée contre cette dernière. Je passe lentement mes doigts sur mes lèvres pour mieux me remémorer le contact de ses douces lèvres. Mes idées sont brumeuses et je frissonne en repensant à nos ébats de la veille.

Le caporal Livaï cache décidément très bien son jeu. Sous ses airs de prude, il est bien loin d'être inexpérimenté en la matière. Jamais je n'aurais imaginé qu'il pouvait être à la fois si doux et si bestial dans un même échange. Le connaissant, je me serais plutôt attendue à quelque chose de fade et monotone pour mieux correspondre à l'image impassible qu'il se donne tant de mal à arborer.

Je m'habille dans un silence pesant seulement troublé par la pluie battante tambourinant à la fenêtre. Il fallait bien évidemment que le major Erwin choisisse le jour où il pleut des cordes pour lancer son expédition suicide. Je fais exprès de bien prendre mon temps pour m'habiller, espérant secrètement que le caporal Livaï débarque dans sa chambre. Je reste d'ailleurs assise encore cinq bonnes minutes sur son lit lorsque je suis prête, avant de finalement me résigner à quitter cette pièce, laissant derrière moi l'agréable souvenir de cette nuit passée ensemble.

Je descends les escaliers en trottinant et constate que la base s'éveille peu à peu. Je fais un rapide saut par ma chambre pour récupérer des vêtements propres ainsi que mes affaires de toilette avant de filer sous la douche. Je me lave rapidement et prends ensuite la direction du réfectoire, bien que je n'aie pas très faim. Mon estomac se tord dans tous les sens à cause du stress. J'espère du plus profond de mon cœur que Reiner, Annie et Bertolt n'attaqueront pas notre convoi, m'évitant ainsi de faire un choix douloureux.

Je remplis à peine mon assiette lorsque j'arrive dans le réfectoire et pars m'asseoir seule à une table. Il est très tôt, et ce n'est pas encore l'heure d'affluence pour le petit déjeuner. Je tente d'avaler mes œufs brouillés ainsi que ma miche de pain sans grande conviction. Chaque bouchée a du mal à passer et je dois me faire violence pour ne pas tout régurgiter.

– Alors Rose, où étais-tu cette nuit ?

Je sursaute lorsque Jean m'adresse la parole en s'asseyant en face de moi, accompagné de Connie et Sasha. Je redresse la tête vers lui et le sourire en coin qu'il arbore me donnerait presque envie de lui coller une gifle.

– Chez ta mère, tête de gland, rétorqué-je.

Jean écarquille les yeux et s'étouffe avec sa bouchée de pain, ne s'attendant probablement pas à une telle réponse de ma part. Il toussote pour reprendre son souffle avant de me lancer un regard noir accompagné d'un coup de pied sous la table. Comment peut-il bien savoir que je n'ai pas dormi dans ma propre chambre ? L'espace d'un instant, j'hésite à lui mentir et à lui dire que j'étais bel et bien là. Seulement, s'il avance avec autant de certitude que je n'y étais pas, c'est probablement qu'il a voulu me rendre visite et que j'étais absente.

– Comment tu sais que je n'étais pas dans ma chambre ? Tu voulais encore me sauter dessus ? ricané-je.

Je vois le rouge lui monter aux joues et explose de rire.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant