55 ~ Point faible

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Grâce à l'immense gentillesse du caporal Livaï, j'ai pu passer outre cette espèce de blocage qui m'empêchait d'avancer, dans tous les sens du terme. Il m'a fallu plusieurs jours d'efforts acharnés pour pouvoir à nouveau marcher à peu près correctement. Ma jambe gauche s'est habituée à la douleur mordante qui me saisit lorsque je m'appuie dessus, si bien que je n'y fais presque plus attention à présent.

Dès qu'il a appris que j'étais à nouveau apte à marcher normalement, le caporal Livaï s'est retroussé les manches pour prendre en main ma remise à niveau. J'ai eu l'immense privilège de commencer par des tours de terrain, histoire de s'assurer que mes jambes étaient bien aptes à supporter mon poids. Au début, la sensation de courir sans ma jambe gauche était extrêmement déstabilisante, mais j'ai fini par m'y habituer et suis presque parvenue à retrouver mes performances d'antan. Presque.

Ça faisait des lustres que je n'avais plus couru, et mon endurance en a pris un sacré coup. Je suis victime d'un point de côté après à peine dix minutes de course et je respire comme un bœuf. Mes muscles sont courbaturés, ils n'étaient plus habitués à fournir un tel effort. Le soleil de plomb tape douloureusement sur mon crâne et me fait transpirer à grosses gouttes. Finalement, je n'étais pas si mal avec mes béquilles.

Mais le plus énervant dans cette situation, c'est l'attitude du caporal Livaï. Planté au centre de la cour, les bras croisés sur son torse, il tourne sur lui-même en m'observant courir et cracher mes poumons. Je prends sur moi pour rester concentrée pour ne pas me rétamer devant lui. Son regard imperturbable braqué sur moi est presque aussi brûlant que le soleil au zénith. Je suis certaine qu'il se délecte de me voir galérer de la sorte.

– Amène-toi, merdeuse, me hèle-t-il.

Le soulagement m'étreint le cœur et je lui sauterais presque dans les bras pour avoir mis fin à mes souffrances. Presque, car j'imagine sans peine que c'est pour me faire souffrir d'une autre manière qu'il m'a interrompue. Je tente vainement de lui masquer mon essoufflement en m'approchant de lui.

– L'échauffement est terminé, on va passer aux choses sérieuses maintenant.

Ah bon, ce n'était qu'un échauffement ? Mais putain, ça fait bien deux heures que je cours ! Malgré tout, le soulagement prime sur mon énervement. Deux minutes de plus et je pense que je m'écroulais littéralement à cause de mes jambes devenues faiblardes suite à mon petit accident, et surtout ma longue période sans exercice.

J'appréhende cependant la suite des évènements. « On va passer aux choses sérieuses », que veut-il dire ? Je pousse un soupir résigné et lui emboite le pas dans un silence de plomb. Je suis soulagée lorsque nous pénétrons dans le bâtiment, échappant ainsi à la chaleur étouffante qui a pris d'assaut la cour.

Plus nous nous enfonçons dans le bâtiment, plus il fait frais, si bien que je frissonne presque lorsque nous descendons l'escalier menant à la salle d'entrainement. La salle d'entrainement ... Génial, à tous les coups il va encore me défoncer à la force de ses poings et me ramasser à la petite cuillère. Je suis déjà exténuée après avoir autant couru, alors je ne donne pas cher de ma peau.

– Je suis vraiment obligée de m'entrainer avec vous ? soupiré-je.

Le gnome se tourne de trois quarts et me lance un regard noir.

– Pourquoi cette question ? Tu penses pouvoir trouver un meilleur professeur que moi dans cette base ?

Tiens, on dirait que j'ai vexé le caporal modestie. Un sourire en coin prend place sur mon visage tandis qu'il fait volte-face une fois arrivé au centre de la pièce. Ses petits yeux gris me foudroient, me donnant presque la chair de poule.

A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022Où les histoires vivent. Découvrez maintenant