A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

64 ~ Hésitation

Bien évidemment, grâce à la légendaire discrétion d'Hanji, toute la base a rapidement été mise au courant de cet ... incident. Les regards indiscrets que je récolte sur mon passage dans les couloirs me mettent étrangement mal à l'aise, tout comme les chuchotements étouffés. Pourtant, je garde la tête haute et m'efforce de les ignorer. Qui aurait cru que les soldats du bataillon raffolaient autant des ragots de bas étages ? Je m'attendais à ce que ces gens soient un peu plus matures et détachés des choses aussi futiles que les bruits de couloir, mais visiblement non.

Pour couronner en beauté cette journée de merde, l'espion de Kenny m'a discrètement glissé un petit papier dans la main lorsque nous nous sommes croisés dans les couloirs. En ouvrant ce papier plié en petits morceaux, j'ai sans difficulté reconnu l'écriture désordonnée de Kenny.

Sur le toit. Minuit.

Génial, il ne manquait plus que ça. Ce n'est clairement pas le bon jour pour me faire remonter les bretelles par Kenny, je suis déjà assez remontée comme ça. Je serre les points en jetant le papier dans les toilettes dans le but de le faire disparaître. Honnêtement, j'éprouve une furieuse envie d'envoyer Kenny sur les roses. J'ignore pourquoi, mais je sens que l'expédition de demain sera un vrai bain de sang, comme à chaque fois en soi. Kenny n'a pas besoin de moi pour s'emparer d'Eren, j'en suis convaincue, alors autant ne pas risquer ma vie pour rien.

Je prends à contrecœur la direction du réfectoire et inspire profondément pour me donner du courage avant de pousser la lourde porte en bois. Comme je m'y attendais, un silence de plomb s'empare de l'auditoire lorsque j'entre dans la salle et je tente tant bien que mal d'ignorer tous ces regards braqués sur moi. Toujours dans ce silence pesant, je pars me servir à manger avant d'aller m'asseoir face à Jean. Ce dernier arbore bien évidemment un sourire hypocrite sur le visage, et il attend que je relève la tête vers lui pour prendre la parole.

– Alors Rosie, je pensais que ton style c'était plutôt les grands mecs charismatiques, pas les demi-portions.

Mes doigts se crispent sur ma fourchette et, l'espace d'un instant, j'éprouve la furieuse envie de la planter dans la main de Jean. Je réprime finalement cette envie mais affuble tout de même cet idiot de mon regard le plus noir.

– Arrête de t'emballer, tête de gland. De toute façon tu ne fais partie d'aucune de ces deux catégories. Et je vais aller répéter au caporal Livaï que tu l'as traité de demi-portion, je suis certaine qu'il sera ravi d'entendre ça.

Le visage de Jean blêmit et il ne prononce plus un mot de tout le repas, pour mon plus grand plaisir. Peu à peu, les autres soldats cessent de s'intéresser à moi et je peux profiter de mon repas en paix, bien que quelques curieux continuent de me dévisager sans aucune gêne. J'engloutis rapidement mon assiette afin de pouvoir quitter le plus vite possible cette ambiance pesante qui règne dans la salle.

Je suis plus que ravie d'enfin quitter le réfectoire, laissant Jean tout seul. Je sautille gaiement dans les couloirs en gravissant les escaliers de la base. Je prends une grande bouffée d'air frais en déboulant sur le toit, ravie d'enfin quitter les murs étouffants de ce bâtiment. Je m'assieds au milieu du toit et observe en silence le soleil se coucher à l'horizon. J'aurais très bien pu attendre sagement dans ma chambre que l'heure fatidique arrive mais, j'ignore pourquoi, j'avais envie de quitter ces murs étouffants, et surtout les regards indiscrets que je récolte sur mon passage.

Je m'allonge au milieu du toit et observe silencieusement le ciel s'assombrir à mesure que le soleil disparait à l'horizon, dévoilant ainsi les étoiles. Une faible brise se lève, me faisant frissonner. Peut-être que j'aurais dû attendre dans ma chambre tout compte fait, mais tant pis. Au moins, ici, je suis pratiquement certaine que personne ne viendra m'importuner.