A l'ombre des murs [Livaï x OC] | Wattys 2021 | Wattys 2022

49 ~ Douleur fantôme

Je papillonne rapidement des cils pour m'habituer aux rayons du soleil que je n'ai plus vu depuis longtemps. La luminosité tamisée m'indique qu'il est très tôt au matin, le soleil est en train de se lever. J'aurais voulu tourner la tête vers la fenêtre mais ma vision se brouille au moindre mouvement.

Du coin de l'œil, je distingue une silhouette assise sur une chaise à côté de mon lit, dans l'ombre de la pièce. Je déduis qu'il s'agit d'un homme lorsque mon regard se pose sur ses larges épaules musclées. Ses bras sont croisés sur son torse et sa tête est penchée en avant, laissant quelques mèches rebelles de sa chevelure noire retomber sur son visage délicat. J'aurais voulu tourner la tête sur le côté pour mieux l'observer mais une horrible migraine s'empare de moi.

Ma tête est atrocement douloureuse, comme si quelqu'un s'amusait à y enfoncer des clous de toutes parts. Cependant, ce n'est rien à côté de ma jambe gauche. J'ai horriblement mal dans toute la partie inférieure de ma jambe, à partir du genou. J'ai l'impression que des centaines de mains tentent d'y planter leurs griffes acérées pour la lacérer et la réduire en lambeaux.

Je mords ma lèvre pour ne pas geindre de douleur ou verser de larmes. Je crois me souvenir que j'ai été blessée à la jambe. Comment se fait-il que ce soit si douloureux ? Ça ne peut pas être si grave que ça, si ? L'espace d'un instant, j'hésite à soulever ma couette pour voir l'état de ma jambe. Finalement, je me ravise lorsque je suis prise d'un vertige en me redressant sur les coudes.

Je sens un reflux gastrique remonter lentement dans mon corps. Je m'affaisse sur mon oreiller et plisse les yeux pour chasser ma nausée, mais c'est trop tard car le mal est déjà là. Je me penche rapidement sur le côté de mon lit, ce mouvement accentue d'ailleurs la douleur dans ma jambe gauche et ma vision se brouille un peu plus.

Dans un gargouillis étranglé, je vomis de la bile et un peu de sang sur le plancher en bois de l'infirmerie. Ma gorge brûle et je sens des larmes poindre au coin de mes yeux, rendant ma vue plus floue qu'elle ne l'était déjà. Lorsque j'ai fini de remettre le peu que j'avais dans l'estomac, je toussote bruyamment et me rallonge sur mon lit. Je ferme à nouveau les yeux pour tenter de calmer mon mal de crâne, en vain.

La respiration apaisée de l'homme sur la chaise parvient à mes oreilles, signe qu'il n'a pas été alerté par tout ce remue-ménage. Je rouvre les yeux et l'observe en coin, sans faire trop de mouvements pour ne pas vomir à nouveau, bien que je n'aie plus rien dans l'estomac.

– Si je trouve la moindre trace de vomi sur mes bottes, je te ferai lécher le sol pour nettoyer tes merdes, déclare une voix dénuée d'émotions.

J'écarquille brusquement les yeux et tourne la tête vers le caporal Livaï. Ce dernier a toujours les yeux fermés, ce qui me donne l'illusion qu'il est assoupi. Il reste immobile un long moment, si bien que je crois avoir rêvé. Je me rallonge sur mon lit et fixe le plafond qui tangue dangereusement au-dessus de moi. Je suis obligée de fermer les yeux pour ne pas vomir à nouveau, sous peine de m'attirer les foudres du caporal.

– T'as de la chance, l'unijambiste, il n'y a rien sur mes bottes.

Sa voix me glace le sang et je reste pétrifiée dans mon lit, incapable de bouger. Je tourne et retourne ses mots dans ma tête pour m'assurer d'en avoir bien saisi le sens. Unijambiste ? Mais de quoi parle-t-il ? Certes, ma jambe gauche est plutôt en mauvais état, mais de là à parler d'unijambiste, ça me parait un peu extrême. Je parviens à tourner faiblement la tête sur le côté et ose enfin capter son regard acéré.

– Unijam-quoi ?

Le caporal lève les yeux au ciel et se lève de sa chaise pour s'approcher de mon lit. Il me toise de toute sa hauteur, et je sens qu'il est fier de pouvoir me regarder de haut pour une fois. Le rictus qu'il affiche au coin des lèvres me hérisse le poil et me donne envie de lui coller mon poing en pleine figure pour le faire disparaitre. Je hais ce gnome, c'est viscéral. Il me dévisage avec dédain tout en poussant un long soupir exaspéré.