René

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Par ce ciel superbe j'avais une envie de me dépenser. C'est rare de pouvoir sortir par ce temps frisquet, je suis obligé d'aller en salle de sport ou de courir sur le tapis à la maison, ce qui n'est pas très agréable. Avec mes amis Sam et Nicolas, nous joggons depuis deux heures et demi, c'est notre petit moment à nous. Samuel Beckett est mon ami d'enfance au même titre que mon mari, il nous connait par cœur. Nous n'avions aucun secret pour lui jusqu'au jour où il a appris pour nos fiançailles, il s'est évanoui  au beau milieu de notre dîner entre amis à cause du choc.

Petite nature, va.

Nicolas Hébert est un ami de fac avec qui j'ai fait les quatre cent coups. Nous nous sommes rencontrés sur un site de rencontres, mais le feeling n'est pas passé et nous avons décidé de rester amis. Mathis est légèrement jaloux de lui, mais rien de grave tant que je reste dans la même pièce qu'eux, c'est encourageant parce qu'il travaille sur son agressivité.

Sam estime que c'est le bon moment de faire une pause. J'ai encore du jus dans les jambes, mais la majorité gagne.

Sacré démocratie !

— Ouf ! Je suis cuit, râle Nico.

— Tu te ramollis, mon vieux, ou se sont les bonnes assiettes de Claire qui font des ravages ?

— Le stress et la fatigue tu veux dire ? Je ne respire plus depuis plus d'un mois et demi.

— Ben pourquoi ? demande Sam.

— Depuis que René et Mathis sont mariés, elle ne me fout plus la paix. Elle veut savoir quand nous allons faire de même, je n'ai que vingt-huit ans, bon dieu ! Je veux vivre ! Vivre ! VIIIIIIIIIIVREEEEE !

— Relax, pas besoin de nous sortir le cri du cœur, ce n'est que le mariage, rectifions-nous.

Il se laisse choir sur un banc, la tête dans les choux. Il nous fait sa déprime mensuel, le mois prochain il aura une nouvelle plainte, c'est son mode de fonctionnement.

— Il n'a pas tort, René. On comprend bien le truc autour de la relation <<secrète>>, mais le mariage ? Vous jetez ainsi dans un truc aussi sérieux ? C'est du suicide, mec.

— C'est du pur masochisme, ajoute Nicolas. Nous respectons votre choix, mais ça me laisse perplexe. Vous êtes si différents, et je ne parle pas juste en matière de goûts. Pas le même parti politique, pas les mêmes convictions sur presque tout et surtout tu hais le Métal, il adore ça. Je ne sais pas comment vous avez fait pour nous cacher votre jeu sept ans, mais ce qui est sûr c'est que vous n'avez pas simulé vos intérêts respectifs toutes ces années.

— Je ne vous voyais pas finir votre vie ensemble, sérieux. T'es plus du genre à craquer pour des décérébrés avec des gros muscles et une certaine éthique. Toute notre adolescence j'ai dû supporter tes petits amis sans jugeotes qui te mangeaient dans la main. Pourquoi soudain tu te retrouves avec Mathis ? C'est juste incompréhensible. Je pensais que tu avais besoin d'un mec avec qui te sentir en sécurité, tu en parlais tout le temps. Avec Mathis j'ai plus l'impression que c'est toi la figure rassurante, il est parfois très angoissé, indécis et surtout il demande beaucoup d'attention de ses petits amis. Qu'en est-il de tes moments à toi ?

— Vous n'allez pas recommencer, les gars. C'est notre vie, notre décision. Oui c'est vrai que nous n'avons rien dit et que vous vous êtes sentis blessés et trahis, cependant ça ne change rien à la finalité. Nos goûts personnels ont bien été pris en compte, aucun regret là-dessus. Nos opinions sont claires comme nos sentiments, pas de doute que parfois des étincelles jaillissent sur des points sensibles tels que la présence de son ingrat de frère chez nous, alors que nous savons pertinemment que je veux sa peau. Tant qu'il y a de l'amour et de la communication, le reste coule de source.

Les Marron : Ménage à quatreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant