René

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Pressé de quitter la maison au petit matin, je rase les murs en serrant ma bandoulière contre ma poitrine. Mathis n'était pas dans le lit au réveil, mais je ne l'ai vu nulle part. Afin de ne pas attirer son attention, je n'allume pas dans la salle de séjour. Comme un voleur, je traverse sur le pointe des pieds. C'est triste de devoir quitter mon mari de cette façon, mais c'est devenu mon mode d'agissement depuis une semaine. Je n'arrive plus à tenir une conversation avec lui sans bégayer et rougir quand je le regarde. Mes yeux et mon esprit ne s'accoutument pas à sa nouvelle identité capillaire, j'ai l'impression de le tromper avec lui-même tellement je suis déboussolé par le changement.

Je pensais que ce serait lui qui n'accepterait pas le changement, mais on dirait bien que c'est moi.

Comment dire, il est juste affreusement et viscéralement superbe. C'est peu dire. Je n'aurais jamais pensé que se raser presque soixante pour cent de sa crinière flambée que j'adore, ferait de lui un autre homme. C'est hallucinant ! Max lui a rasé tous les côtés pour faire un dégradé, presque à ras ! Maintenant je vois ses oreilles tous les jours alors que c'était rare de les percevoir sous toute cette forêt. Sa mâchoire carré, très masculine est bien plus visible qu'avant, il suffit qu'il la crispe ou qu'il sourit, pour que je m'écroule, ses pommettes saillantes veulent ma mort. Puis il lui a coupé ses longueurs qui lui cachaient toujours les yeux. C'était ce que j'aimais le plus faire, libérer sa vue de sa chevelure de feu. Maintenant qu'ils sont plus courts et tirés en arrière en petites nattes qu'il attache en bun, j'ai son regard perçant sous les yeux au réveil.

C'est déstabilisant.

Ses expressions faciales sont moins enfantines à présent. Ayant la même coiffure depuis l'enfance, à mes yeux il n'avait pas plus grandi que la taille de son sexe, mais à présent, je ne peux plus me permettre de lui faire des remontrances sans me mettre à lutter contre mon côté flirt qui ne demande qu'à le reséduire. On dirait son propre frère jumeau qui est venu gâcher notre mariage et que je cherche désespérément à fuir avant que le désir brûlant et la passion me poussent à flancher.

J'ai envie de milliers de choses avec lui ! Mes fantasmes ont décuplés et bon sang que j'aie envie de nous barricader dans cette maison et ne plus en sortir tant qu'il ne m'aura pas entièrement satisfait !

Toutefois...

... j'ai de la personnalité. Je refuse d'être l'esclave de cette coupe de cheveux !

J'EXISTE !

Je passe pour un adolescent devant lui parce que mes hormones dansent la Macarena chaque fois qu'il apparaît devant moi, j'ai trouvé une seule parade : la fuite. Je suis peut-être un lâche stupide, mais pas question que cette manipulation capillaire gagne la partie ! Non !

Je tâtonne pour chercher mes clés dans le sac lorsque la lumière jaillit.

Pétrifié, je cesse de respirer.

— Bonjour, Marron.

La voix de mon mari est très sévère. Je serre mon sac contre mon ventre.

— Bonjour, chéri, dis-je d'une voix mal assurée.

Les secondes s’égrainent sans qu'il dise quoi que ce soit. Étrange de sa part. Curieux, je jette un œil derrière moi, il est derrière le comptoir de la cuisine, la mine farouche. Bon d'accord, il est en colère.

— J'ai du travail ce matin, menté-je. Je vais...

— Ne te fatigue pas, j'ai lu ton agenda.

Étonné, j'ouvre mon sac pour vérifier et oui, il n'y a pas mon agenda. Pire ? Ni mes clés, ni mes portables. Il a tout retiré.

Les Marron : Ménage à quatreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant