René

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Je vérifie une énième fois que tout est en ordre dans la chambre de notre nouveau locataire. Après des semaines de sélection intensive, après avoir trié des fêlés, des adeptes de threesome, une mère et deux gosses et enfin des étudiants un peu portés sur la bouteille, j'ai jeté mon dévolu sur un jeune homme très intéressant. Coiffeur de métier, il est solaire, très poli, fan de musique classique malgré son apparence chic avec une petite touche de rock ; grand habitué de colocataires bruyants, il recherchait hâtivement un endroit équilibré où Il pouvait se concentrer sur lui-même et son entraînement pour une compétition mondiale de coiffure. Apparemment cela demande énormément de concentration et d'atmosphère créatif, ce qu'il a déclaré avoir trouvé chez nous lors de sa visite. Notre terrasse avec vue imprenable sur la ville l'a tout de suite séduit, il en a parlé tout le temps.

Il est Celibatire et gay, ce qui au début me chagrinait un peu parce qu'il m'a avoué avoir un faible pour les roux. Le visage enjoué de mon époux m'a tout de suite traversé l'esprit, mais il s'est rattrapé en me disant qu'il n'oserait jamais faire une telle chose, il a un principe fort pour la fidélité et ne supporte pas les relations où il devrait partager son compagnon. Un très bon point.

On ne touche pas à Mathis.

J'ai discuté de lui avec le roux de ma vie, il a adhéré au personnage sans trop de peine car il ne voulait pas de ce fardeau dès le début. C'est ainsi que ce très cher Maxence Canet devient l'heureux gagnant, j'ai espoir que la cohabitation avec lui sera très facile à vivre.

Je ferme la porte pour retrouver Mathis devant son ordinateur. Il travaille sur le comptoir de la cuisine, écrire dans son espace bureau ne lui convient pas toujours, il aime déambuler dans la maison. Il est sur ce nouveau manuscrit aux couleurs LGBT depuis une semaine. Une idée d'un roman fantastique que je lui ai inspiré lors de nos échanges devant une série télévisée sur les métamorphes. Je ne m'y connais pas beaucoup, mais le pitch qu'il a trouvé m'a scotché, pourtant je ne suis pas fan de ce genre de romance. Ce qui me captive pendant mes lectures c'est le drame, le développement psychologique des personnages, la complexité de l'intrigue principal, ainsi que le fil conducteur qui lie tout ce beau monde, si je n'ai pas ça alors ça ne sert à rien d'entamer le moindre chapitre.

Mathis a déjà été publié deux fois, deux nouvelles sur de la romance contemporaine, le second s'est mieux vendu que le premier, sûrement parce qu'il s'agissait d'une auto-édition hétéro. Certes dans le sous-genre homosexualité il a un public fidèle, mais ce n'est pas vraiment le tremplin qu'il attend. Il fonde beaucoup d'espoir sur ce roman, je sais que c'est très important pour lui alors je le soutien à ma façon, sans jamais interférer dans ses projets.

Je déploie mes supers pouvoirs de mari attentionné pour lui faire un milk shake à la banane et au chocolat. Mon prince dévie son attention de l'écran lorsque je lui sers son désert préféré.

— Merci, mon amour.

— Pas de quoi.

Une bise sur son front et il m'offre le plus beau des sourires.

— Ça avance bien ?

— Disons que je suis bloqué sur un tout petit point.

— Lequel, si ça ne te dérange pas de partager avec moi.

— Je ne sais pas... Je n'ai pas envie de t'ennuyer, tu n'as rien à faire d'urgent ?

— En dehors de l'arrivée de Maxence, rien de spécial. Je suis tout à toi.

Il finit par céder et commence à m'expliquer le cheminement du chapitre qui l'agace, je l'écoute en étant plongé dans un songe stupide. Je nous mets à la place de ses personnages, et bien-sûr j'ai toujours le bon rôle, c'est moi le gentil dans tous mes fantasmes. Pas que le contraire me dérange, mais j'aime quand la situation est en ma faveur, comme beaucoup d'individus.

Les Marron : Ménage à quatreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant