René

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Réveillé aux premières lueurs du jour, depuis la baie vitrée un brin de lumière me titille la paupière, c'est agréable. Un subtil parfum corsé de châtaigne me parvient, j'esquisse un sourire en humant l'huile de cheveux de ma moitié. J'ouvre délicatement les yeux, sa tête est reposée contre mon torse bombé. Sa merveilleuse tignasse de feu recouvre ses yeux, je la dégage afin de l'admirer. Il fait une drôle de de grimace, je rigole. J'ai beaucoup de chance d'être enfin marié à ce garçon qui m'a rendu fou toute mon adolescence. Moi qui le voyait juste comme un ami très intime, quel idiotie. Comment peut-on confondre une profonde affection amicale et l'amour ? Elles se ressemblent sans être similaires. J'aime Mathis à la folie, il n'y a aucun doute.

Après cette nuit torride pour rattraper le temps perdu lors de son rhume, je ne suis pas pressé de sortir du lit. Seulement, mon amour adore avoir son petit déjeuner dès son réveil, il crève d'attention, un trait qui n'a pas changé depuis la maternelle. Bien-sûr, je ne rechigne jamais à lui en donner. Je me détache de ses bras tant bien que mal et enfile un bas de pyjama. Je passe dans la salle de bain pour prendre une douche et me laver les dents.

Aujourd'hui je dois rencontrer nos futurs locataires, j'espère que ça se passera bien. Partager l'appartement avec un tiers n'est pas facile quand on vit seul, alors en couple ça sera plus corsé. Non seulement pour nous, mais surtout pour la personne. J'ai précisé l'essentiel dans le journal, nous voulons une personne célibataire, non homophobe, prête à partager certaines charges ménagères et surtout non fêtarde. Je n'aimerai pas rentrer d'une excursion avec mon chéri pour retrouver notre maison sans dessus dessous. Je hais les fêtards ! Je hais les homophobes et je hais les branleurs ! Bref, je hais tout ce qui ressemble de près ou de loin à Axel !

En pensant à cette farce, j'espère que je ne vais pas le retrouver échoué dans notre canapé. Je n'arrive toujours pas à croire que j'ai cédé au nez coulant de son grand-frère !

Comment on peut se ramener chez les gens avec l'idée sordide que l'on a attrapé une maladie appelée l'homosexualité ? Son frère tolère n'importe quoi, moi je lui aurais donné une belle droite si j'avais été lui. C'est ce que je n'ai jamais compris avec les Cavignon, cette tolérance exagérée malgré toutes les sottises conformistes que déblatère ce garnement. Mon homme doit faire preuve de fermeté avec lui !

Le gamin s'est mis en tête que Mathis et moi allons l'aider à s'assurer que cet étrange attirance n'est que le fruit du hasard. Il prétend n'avoir jamais été attiré par un garçon auparavant et qu'il aime toujours la douceur d'une paire de seins, comme c'est romantique. Avec son appareil photo, il prend des clichés de notre intimité pour son «expérience gay» , peu importe ce qu'on lui dit. Aucune réserve, aucun respect, pas le moindre sens de la distance.

Mathis dit que c'est parce que je suis enfant unique que je ne comprends pas. Il doit avoir raison, n'empêche si Axel me fait une crasse je lui sors le rouleau à pâtisserie.

Prêt pour la journée qui m'attend, je me dirige à la cuisine. En passant devant la salle séjour, je croise un Axel endormi dans une épaisse couverture. Il ronfle comme un troupeau de pachydermes en pleine course. Je tire la couette sans vergogne.

— Pas sur mon canapé ! Tu as une chambre !

Robinson crusoé râle en se retournant.

— ON BOUGE !

Il sursaute et tombe sur le tapis. Quelle satisfaction.

— Non, mais oh ! T'es taré ou quoi ? grogne-t-il en se grattant la tête.

— Si tu veux baver, fais le dans la chambre qu'on t'a assigné ! J'attends des visiteurs, alors bouge !

— T'es un ouf, toi. Je ne serais pas entrain de dormir ici si vous ne m'aviez pas cassé les oreilles avec vos gémissements déguelasses là. Vous n'avez aucun respect pour vos invités, je suis traumatisé à vie, putain.

Les Marron : Ménage à quatreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant