Chapitre 13

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Je n'arrive pas à me réjouir de ce retour. La vérité est que les choses ont bien changé depuis ce temps. Je ne suis plus la même, que ce soit physiquement ou mentalement. Quand Mensah m'a quittée pour s'installer à l'autre bout de la planète, je pensais que je n'allais jamais me remettre de la mort de mon père. Et c'est vrai. Mais ma douleur s'est atténuée, pour faire place à de l'acceptation. Et affectivement, j'étais encore très dépendante de lui, de ma famille, de mes amis... Avec le temps j'ai appris à me contenter de ma propre compagnie, et à ne plus faire attention aux autres.

Je ne saurais pas comment me comporter, s'il venait me voir pour me demander où nous en sommes, tous les deux. Je ne sais même pas s'il me reconnaîtrait. Et c'est peut-être atrocement superficiel de ma part, mais je ne pourrais plus assumer de sortir avec un garçon au physique peu avantageux. J'ai juste grandi, et j'ai appris que le véritable amour n'existe pas. Tôt ou tard, on finit seul.

Je demande à mes amis que m'accompagner jusque ma prochaine salle de classe.

« Il faut que vous m'aidiez à m'échapper s'il veut me parler, leur confié-je.

Julia ne semble pas comprendre ma réticence. Je lui explique que je ne veux pas me remettre avec lui.

_ Mais t'as pas vu comment il a gé-chan ! Locksé et tout, c'est devenu un vrai bg meuf ! »

Je ne m'attendais pas à une telle révélation. C'était un peu idiot de ma part : évidemment qu'il a changé. On change tous, en quatre ans. Il faut absolument que je voie ça de mes propres yeux. Et c'est ainsi que la fille au départ déterminée à éviter son ex, se retrouve à le poursuivre dans les couloirs.

Finalement, je le trouve devant le bureau de la CPE. Il s'entretient avec elle. Au collège déjà, Mensah était apprécié de tout le corps enseignant et administratif. La CPE doit donc être ravie de le revoir. Effectivement, elle l'assaille de questions, et le retient même quand il m'aperçoit et essaye de prendre congé d'elle pour venir me voir. Enfin, il parvient à prétexter un retard pour son prochain cours. Quand il commence à marcher dans ma direction, je sens mes amis se retirer dans mon dos, me laissant seule face à l'adversité.

C'est vrai qu'il a changé. En très bien. Je n'ose pas trop le détailler de la tête aux pieds, mais je peux déjà constater que son visage a mûri. Sa mâchoire est plus carrée, sa peau est toute lisse, et il a dompté ses cheveux pour les coiffer comme un rappeur américain. Son visage a pris des couleurs, et il fait au moins trente bons centimètres de plus que la dernière fois que je l'ai vu. On peut dire une chose, c'est que le Brésil l'a réussi. Il est méconnaissable. Et je me sens conne d'avoir eu honte de lui toutes ces années, alors que ses yeux légèrement bridés et ses fossettes qui font tout son charme étaient déjà présents à l'époque.

Mon pouls s'accélère au fur et à mesure qu'il se rapproche. Je ne sais pas trop quoi faire, ni quoi dire. Heureusement, il écarte ses bras avant que je n'ai à me décider. Je me love contre son torse. Il m'avait manqué. On reste dans cette position pendant très, très longtemps. Je respire son odeur. Elle ravive de nombreux souvenirs. Elle me rappelle la paisibilité de l'enfance. J'aimerais entrer dans lui, pour retourner à cette période où je ne connaissais ni le deuil, ni la solitude.

« T'es encore plus belle que dans mes souvenirs, me souffle-t-il à l'oreille.

Je frissonne.

_ J'arrive pas trop à y croire. Je suis sous le choc, là », chuchoté-je.

On a tellement de choses à se dire, qu'on ne sait pas par quoi commencer. Alors on se tait.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant