Chapitre 19

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Il m'a reconnue à la première seconde. Je n'ai pas eu le temps de me cacher. Alors je me tasse au point de glisser entre les coussins du canapé. Elio ne me quitte pas des yeux. Il arrive littéralement à me foudroyer du regard. J'avais rarement ressenti une telle frayeur auparavant. Même mon père en colère n'arrivait pas à me faire aussi peur.

« T'as qu'à me sucer moi ! hurle Vincent depuis le canapé en face de nous.

_ Ferme ta grosse gueule toi, grogne Elio.

_ Je rigolais c'est bon... vous êtes tendus tous les deux. »

Elio arrive à ma hauteur. Il me relève du canapé, en tirant fort sur mon bras. Je ne résiste pas. Ses doigts s'enfoncent dans ma chair, mais je n'ose pas me dégager de son emprise, de peur de l'énerver encore plus. Zachary semble trouver la situation très comique, car il explose de rire. Si je n'étais pas pétrifiée de douleur, j'aurais sûrement rigolé avec lui. Histoire de détendre un peu l'atmosphère.

« Je rigolais mec ! C'est bon, je te la laisse.

_ Ouais mais je te le répète une dernière fois avant de vraiment je vénère : c'est moi le chef ici, ok ? Et de quoi tu parles ?

_ Elle veut bosser pour nous.

Elio baisse la tête vers moi pour me dévisager. Ses sourcils se froncent en signe d'incompréhension.

_ C'est vrai ?

Je relève timidement le menton, les yeux rivés sur le mur derrière lui. Son emprise autour de mon poignet ne se desserre pas. Au contraire.

_ Tu connais le rituel. Faut qu'elle prouve que c'est pas du bluff », sourit Zachary d'un air malveillant.

Elio soupire, puis annonce qu'il s'occupe de mon cas. Il me traîne alors hors de la pièce, sous les acclamations de tous. Nous nous dirigeons vers sa chambre. Il marche tellement vite que je n'arrive pas à le suivre. Mon épaule va se déboîter s'il continue comme ça. Il hurle sur deux pauvres gars qui essaient d'ouvrir sa porte. Ces derniers se sauvent sans rien dire, devinant à son expression qu'il ne vaut pas mieux le chercher. Elio sort une clé de sa poche et la glisse dans la serrure.

« Entre. Dépêche ! »

Je m'exécute docilement. Une fois la porte verrouillée derrière nous, il s'autorise à lâcher mon bras. Je masse mon poignet endolori, veillant à ne pas croiser son regard. Je ne sais pas ce qu'il va me faire. Et il a fermé la porte à clé : ça veut dire que si jamais les choses tournent mal, personne ne pourra venir à mon secours. Mon cœur accélère considérablement en réalisant cela.

« Tu me kiffes ou quoi ? Pourquoi t'es partout ? Soupire-t-il en ouvrant sa fenêtre.

Un courant d'air glacial pénètre dans la chambre, ne manquant pas de me faire frissonner. Il sort un paquet de cigarettes de son jogging. Pendant ce temps, je réunis mes neurones chamboulés par la frayeur et l'alcool pour trouver de quoi lui répondre :

_ C'est plutôt toi qui débarque toujours à des moments bizarres.

Il ricane. Je me recule pour m'appuyer sur l'accoudoir de sa chaise de bureau. Mais je perds l'équilibre, et tombe carrément sur le fauteuil. Il ne semble pas y prêter attention, absorbé par la vue à l'extérieur de sa fenêtre.

_ Je fais mes bails au Sotano, t'es là. Je fais mes bails chez moi, t'es là. À Bellerue, t'es là. Carrément tu connais ma reuss.

_ Je pourrais dire la même chose de toi. Je cherche Mélanie au Sotano, à Bellerue, ici... je te vois toujours.

Il expire la fumée bruyamment, visiblement irrité.

_ Ouais mais moi je suis là depuis toujours. Toi ça fait deux mois que tu me traques limite. T'es de la police ou quoi ?

_ Mais pourquoi tout le monde me demande ça ? couiné-je.

Il ne finit pas sa cigarette. Je le vois refermer la fenêtre, puis s'adosser au mur face à moi. Ses bras sont croisés sur son torse, faisant ressortir ses biceps. Je le regarde difficilement dans les yeux, et préfère me concentrer sur mon bracelet, devenu incroyablement intéressant.

_ Ce que je capte pas, c'est qu'il y a une semaine tu voulais sortir ta pote de la galère. Et là tu te précipites dedans.

_ Je savais pas ce qu'elle faisait. Je pensais qu'elle vendait de la drogue ou un truc nul du genre. Mais elle m'a tout expliqué, et finalement ça m'intéresse aussi. On a tous besoin d'argent ici. C'est un bon moyen. Que du bénef.

Sa bouche est déformée par un rictus de mépris.

_ Tu sais pas de quoi tu parles... Il soupire et se frotte le menton à la barbe naissante. Est-ce que tu peux me promettre que t'as conscience de dans quoi tu t'impliques ?

_ Oui, croassé-je.

_ Genre là, si on t'embarque au comico et qu'on te pose des questions, tu dis que t'étais consentante ? Tu le jure devant Dieu ?

_ Oui.

_ T'as quel âge déjà ?

_ Dix-sept ans. Dix-huit dans deux mois.

Il soupire, se décolle du mur et ressort la clé de sa poche.

_ Je pensais que t'étais une meuf clean. Je me suis trompé. Tu fais ce que tu veux, mais tu traines plus avec Sofia.

_ D'accord, murmuré-je. Zachary a dit qu'il fallait que je prouve quelque chose, j'ai juste besoin d'un petit moment pour me préparer psychologiquement si ça te dérange pas.

_ Arrête de dire d'la merde. »

Il ouvre la porte et sort. Je reste interdite quelques temps, puis me lève et le rattrape en courant. On pénètre de nouveau dans le deuxième salon. Zachary semblait attendre notre retour avec impatience, car il se lève en jetant sa manette de jeu au sol, faisant hurler les autres joueurs de son équipe.

« Déjà ? C'était rapide ! Elle doit pomper comme une déesse !

Elio se sert un verre de rhum et s'affale sur le canapé, sans me lancer un seul regard. Automatiquement, deux meufs se tournent vers lui pour lui caresser les cheveux. Il n'y prête pas plus attention.

_ C'est bon alors ? demande Zachary.

_ Ouais, grogne Elio. Elle commence demain avec les autres. »

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant