Chapitre 46

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Vincent s'est effondré à nos pieds. L'arrière de sa tête a cogné le fond du placard, dans un bruit fracassant. Ses yeux sont fermés et son front est plissé, comme s'il se retenait de pleurer. Autour de nous, les garçons le huent comme s'il avait raté le penalty décisif d'un match de football très important. Personne ne l'aide à se relever. Personne ne lui demande non plus s'il ne s'est pas blessé dans sa chute. Finalement, je sors du placard, et lui tends une main compatissante. Mais il refuse de la saisir.

« Bon, tu vas te bouger sale bouffon ? s'impatiente Elio.

Vincent sursaute, et le voilà sur pieds en une demi-seconde top chrono.

_T'es pas le bienvenu ici mec.

_Je –

_Casse-toi avant que je m'énerve.

_Mais –

_T'es sourd ? BOUGE DE LA ! gronde Moctar.

Le pauvre. Il me fait tout de même un peu de peine. Ses yeux hagards cherchent désespérément une aide dans l'assemblée qui se dresse autour de lui. Nos regards se croisent.

_Écoutez au moins ce qu'il a à dire.

Honnêtement, je ne pensais pas que quelqu'un m'écouterait. Mais quand j'ai pris la parole, tout le monde s'est tu. Maintenant, un silence règne dans la pièce. Les regards passent de Vincent, à moi, à Elio. Ce dernier me dévisage d'un air étonné, mais désapprobateur. Je me tasse sur moi-même. Ce qui me surprends, car d'habitude je ne suis pas du genre à me laisser intimider facilement. Mais lui, il réussit à me glacer le sang en un regard.

_Je voulais venir avec vous... commence Vincent.

_T'as cru qu'on voudrait d'une balance comme toi ? intervient un garçon que j'ai déjà croisé plusieurs fois dans le quartier.

_Je croyais qu'on était potes...

_C'était avant que tu fasses le faible, connard.

_Je suis désolé les gars. Laissez-moi une seconde chance... Allez.

_Comment ça une seconde chance ? T'as cru on était ta meuf ?

_C'est bon, intervient Elio, visiblement irrité. Tu peux rester, mais tu fermes ta gueule. Je veux pas t'entendre. A la première connerie, tu tej.

_Merci les gars ! Merci, merci, mer-

_ C'est bon, ta gueule.

Elio se tourne ensuite vers nous pour adresser un message à tout le groupe :

« En tout cas, merci les frères d'être venus. »

La réunion est finie. La tension ambiante baisse d'un cran. Certains remettent leurs manteaux et se font un tcheck avant de partir. D'autres s'affalent sur les canapés pour discuter plus calmement. Je regarde Elio s'éclipser dans sa chambre. Je décide de poser ma veste sur le comptoir, puis d'aller le rejoindre. Quand j'ouvre la porte, je le retrouve assis sur le bord de son lit, les coudes posés sur les genoux et la tête entre les mains.

« Ça va ? demandé-je timidement.

Peut-être que je le dérange, car il ne me répond pas tout de suite. Mais finalement, il relève la tête. Je lis de l'inquiétude dans ses yeux, ce qui m'étonne car tout à l'heure, devant ses potes, il affichait une sérénité à toute épreuve. Je rentre doucement dans la pièce, et m'assure de bien fermer la porte derrière moi. Je me dirige vers lui pour m'assoir à ses côtés. Mes bras s'enroulent autour d'un des siens. Ma tête se pose sur son épaule, en vaine tentative de le réconforter.

Nous restons ainsi pendant au moins cinq bonnes minutes. Je ferme les yeux, et cale ma respiration sur la sienne. Je sens ses mains trembler. Finalement, j'ose pleinement me tourner vers lui pour le prendre dans mes bras. Il enfouit sa tête dans ma nuque. Son nez frôle ma peau, ce qui me fait frissonner. Il bouge enfin ses mains, pour les poser au creux de mon dos. Il renifle. Je lui caresse doucement les cheveux.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant