« Voilà. Je t'ai dit tout ce que je savais. Donc, je pense que c'est possible que ce soit Zachary qui ait provoqué l'accident de ton daron. J'en suis même persuadé. En tout cas, il avait une raison valable de le faire. Pas pour prendre sa place, au moins au début. Mais pour venger son frère.
Je reste sans voix. Elio a parlé pendant une éternité. J'étais plongée dans son récit, mais je sentais en même temps une rage profonde s'élever en moi.
_Tu dis n'importe quoi, chuchoté-je.
_Raph-
_Ramses n'est pas mort. Il est retourné vivre en Algérie. Tout le quartier le sait.
_C'est ce que disent ses parents.
_Et pourquoi ils mentiraient ?
_Je sais pas, sûrement parce que ça leur fait trop mal d'en parler. Ou parce que quelqu'un a voulu étouffer l'affaire. Mais il est mort, Raph. Je l'ai vu de mes propres yeux.
Sa voix déraille sur la dernière phrase. C'est à ce moment là que je devrais le réconforter. Si ce qu'il assure est vrai, alors il a dû vivre un épisode traumatisant qui doit le hanter tous les jours. Mais je ne le crois pas. Je ne peux pas.
_Comment tu peux me dire des trucs comme ça sur mon père. Il est décédé, et toi tu salis son image avec tes histoires.
_Raph...
_Arrête. Je sais que mon père n'était pas comme ça. Il était gentil, il aurait jamais pu faire ça. Je refuse que tu trouves une excuse pour ce que Zachary a fait. Comment tu peux être de son côté ? Tu me dégoûtes.
_Attends ! »
Trop tard, j'étais déjà loin.
***
Je suis seule. Affreusement seule. Mon dernier point d'attache m'a lâchée, et je me retrouve à dériver dans la ville. C'est l'hiver, donc malgré l'heure avancée, le soleil ne veut toujours pas pointer le bout de son nez. J'erre dans les rues parisiennes, au milieu des immeubles haussmanniens, puis je me décide finalement à rentrer. Comme je n'ai pas de voiture et que le premier métro n'arrive que dans deux heures, je vais marcher jusqu'à St-Hady. C'est loin, mais au moins je pourrai tuer le temps. Je fixe un point fixe en face de moi. J'évite de regarder les passants dans les yeux au fur et à mesure que je m'éloigne du centre-ville, et que je m'aventure dans les quartiers populaires.
Je contiens mes larmes, malgré ma volonté de crier au monde entier que j'abandonne, que je veux dormir et ne plus jamais me réveiller.
***
Bon, je dois me faire à l'idée : je ne peux me réfugier que chez Sofia. Parce que je n'ai nulle part autre où aller. Je me suis disputée avec ma mère, avec Mensah, j'ai coupé les ponts avec mes amis sans même m'en rendre compte... J'espère néanmoins qu'Elio ne pensera pas que je ne peux plus me passer de lui et que je cherche désespérément une occasion de le recroiser. Parce que c'est faux. Ce n'est pas de ma faute si ma seule amie à qui je parle encore est sa petite sœur. Je l'avais connue avant tout cela, d'abord.
Et pourquoi je cherche à me justifier ainsi ?
C'est justement elle qui m'ouvre la porte après que j'aie sonné. Elle semble d'abord surprise de me voir, mais ses sourcils retombent très vite pour afficher un visage blasé.
« Je peux entrer ?
_Elio n'est pas là.
_Tant mieux. »
Elle hésite quelques secondes. Cela m'étonne, car je l'ai toujours connue très hospitalière. Je n'ose pas lui demander si ma présence la dérange, car cela lui offrirait la possibilité de me répondre que oui. Or il faut absolument qu'elle me laisse entrer : je n'ai nulle part autre où aller. C'est assez manipulateur, en y réfléchissant.
Sofia se décale sur le côté pour que je puisse passer. Je la remercie timidement, puis avance en direction du salon. La pièce est encore sens dessus dessous à cause du repas d'hier. Il a duré toute la journée, et les plats, les papiers cadeaux, les assiettes sales se sont accumulés sur les nombreuses tables de buffet. Par réflexe, je commence à ramasser les déchets pour ensuite aller les jeter à la poubelle. Quand on s'incruste chez quelqu'un, la moindre des choses est quand même d'aider cette personne à tenir la maison.
« Laisse, je m'en occupe.
_Mensah ??
Mais qu'est-ce qu'il fait là lui ?
_Je vais chercher un sac plastique. Empile les assiettes plutôt. »
Je m'exécute, les sourcils froncés. Je croise Mensah chez Sofia. Seuls. Je ne savais même pas qu'ils se connaissaient, tous les deux. Qu'est-ce que j'ai loupé ? Je me rends alors compte que cela fait depuis très longtemps que je n'ai pas pris de nouvelles ni de Mensah, ni de Sofia. Mais elle non plus n'a pas jugé utile de me prévenir qu'il se passait quelque chose entre elle et mon ex.... mais peut-être qu'ils sont juste potes, après tout. C'est possible. Je m'énerve contre les gens qui ne croient pas à l'amitié fille-garçon, mais moi-même quand je vois une fille et un garçon se fréquenter, je n'envisage même pas une seconde qu'ils soient juste amis.
Face à cette situation, mon cerveau ne sait pas vraiment quel sentiment faire remonter à la surface entre la surprise, l'excitation, le doute, la trahison... alors il décide de faire comme si rien ne s'était passé. J'active le mode automatique et m'affaire à ranger le salon sans rien dire. Environ une heure plus tard, tandis que Mensah passe les derniers coups de serpillère et que Sofia chasse les mégots de cigarette dans le jardin, je m'autorise un moment de répit et m'affale dans le canapé. Je me metq enfin à dévisager le garçon. Nos regards se croisent.
« Salut, Mensah.
_Hey. Ça va ?
_Ouais.
_...
_Tu fais quoi là ?
_Je suis venu aider Sofia à ranger.
_Vous êtes potes maintenant ?
_Ça fait un petit moment, ouais.
_Je savais pas.
_C'est parce que tu viens plus au lycée.
Sofia rentre dans la pièce avec un sac poubelle plein à craquer. Mensah se précipite pour l'aider. Vu comment elle lui sourit, il est clair qu'ils ne sont pas simplement amis. Je ressens comme une pique de jalousie. Pourtant, je n'aime plus Mensah. C'est ridicule. C'est simplement que moi aussi, hier soir encore, j'avais un garçon qui prenait soin de moi comme cela. Et aujourd'hui il n'est plus là. J'en trouverai un autre, mais avoir un couple en face de moi intensifie mon sentiment de solitude.
Mais j'avoue qu'en y repensant, voir mon amie flirter avec le garçon que j'ai aimé ne me fait pas plaisir non plus. Je l'imagine vivre avec lui des moments d'intimité similaires à ceux qu'on a vécus. C'est désagréable.
_Vous êtes en couple ? demandé-je finalement.
Aux vues de leurs regards gênés, la réponse est clairement « oui ».
_Je te l'ai pas dit plus tôt parce que j'avais peur de ta réaction, Raph.
_Je peux pas vraiment m'énerver, vu que moi je suis sortie avec ton grand frère. »
Et bam, deux visages choqués en plus. Si on est dans les confessions, autant y aller.
Et comme si l'atmosphère n'était pas assez tendue, voici le concerné qui entre dans la pièce.
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Raphaëlla [TERMINE]
AdventureDans la dangereuse cité de St-Hady, Raphaëlla doit faire face à son passé douloureux et aux problèmes de sa cité pour sauver sa demi-soeur. Mais pourquoi faut-il qu'elle soit tant attirée par le voyou qui leur veut du mal ? Ps : n'hésitez pas à me s...