Chapitre 38

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Cela fait une semaine et quatre jours que je n'ai pas vu ma mère. Pour beaucoup d'adolescents, ce n'est pas énorme. Il arrive qu'un enfant quitte ses parents pendant deux semaines pour partir en colonie de vacances, ou bien qu'il reste seul à la maison pendant plusieurs jours car ses parents partent en voyage d'affaires. Mais moi, cela n'a jamais été mon cas. Je n'ai pas pour autant souffert de cette prise de distance vis-à-vis du cocon familial. Au contraire, cela m'a fait un bien fou. J'ai pu respirer et gagner en indépendance.

Mais pour Noël, je me suis dite qu'il était quand même plus raisonnable de rentrer à la maison, pour célébrer cela « en famille ». Je crains ces retrouvailles car je ne sais pas ce que ma mère va penser de me voir réapparaître comme une fleur, alors que je me suis sauvée en douce sans ne donner aucune nouvelle. Elio a insisté pour me déposer en voiture. Une fois arrivés en bas de mon bâtiment, il retire sa main de ma cuisse et déverrouille la portière passagère pour me laisser sortir. Je prends le temps de lui dire au revoir, ne sachant pas réellement quand je le reverrai.

« T'es sûre que tu veux pas passer Noël avec nous ? Il y aura toujours de la place pour toi, tu sais.

_Merci Elio, c'est adorable. Mais il faut bien que j'affronte ma mère un jour ou l'autre. Je compte sur la magie de Noël pour la calmer.

_Fait gaffe, peut-être que t'auras pas de cadeaux, mais une visite du père Fouettard.

_Arrête ! J'ai mis du temps à ne plus en faire de cauchemars !

_Surtout, hésite pas à m'appeler si ça se passe mal. Même si t'as juste besoin de parler. Et si t'as besoin, je viendrai te chercher.

_Ça va bien se passer t'inquiète. Merci encore, t'étais pas obligé de me déposer. Et tu passeras le bonjour à Sofia de ma part.

_C'est normal.

Je lui attrape le col et l'attire à moi, pour lui déposer un petit baiser sur le coin des lèvres. Il sourit contre ma joue, avant d'enfouir son nez dans mon cou. Ses cheveux me chatouillent la peau. Je profite de ce court moment d'intimité, avant de me séparer de lui et de quitter le véhicule.

_Bon Noël ! » articulé-je derrière la vitre.

***

Elle est là. Dans le salon. Plongée dans le noir. J'hésite quelques secondes, avant d'appuyer sur l'interrupteur. Ma mère est bien assise derrière la table à manger. Mais elle ne dort pas comme je le pensais. Elle est bien réveillée, et elle me fixe avec des yeux vitreux. Plus je m'approche d'elle, plus je peux sentir une odeur d'alcool bon marché émaner de son souffle. C'est finalement quand j'arrive à son niveau que je remarque que le verre en face d'elle ne contient pas du Coca-Cola mais un breuvage qui s'apparente à du rhum. Ou à du whiskey.

Je reste debout, dégoûtée de l'état dans lequel elle se trouve actuellement. Autour de moi, des emballages de pasta box ainsi que de la vaisselle sale jonchent les meubles. L'odeur ambiante m'indique qu'elle n'a pas aéré la pièce depuis un bon bout de temps. Où est passée la parfaite petite maîtresse de maison qui faisait tout pour plaire à son prétentieux de nouveau petit-ami ? J'ai l'impression de revoir en face de moi ma mère d'il y a un an, quand mon père venait de décéder et qu'elle était à deux doigts de perdre la boule et ma garde.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant