Interlude

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Lundi 1er août 2011

« Maman ! J'ai faim !

_ T'as rien compris toi. On. Doit. Jeûner.

_ Oui mais c'est pas obligatoire parce qu'on est des enfants trou du cul.

_ Bah si c'est obligatoire trou du cul.

_ T'insultes qui là ?

_ Toi espèce de gros trou d'balle.

_ Cache toi bien parce que la vie j'vais t'niquer là. »

Ramses bondit, jeta la toupie qu'il s'amusait à faire tourner depuis deux heures et se mit à courir vers la cuisine, dans l'intention d'aller trouver protection dans les jupons de sa mère. Zachary s'élança à sa poursuite, bien décidé à lui montrer qui est le patron dans cette maison. Comme ils pouvaient s'y attendre, la mère s'énerva une nouvelle fois de voir ses fils se chamailler, durant cette période déjà difficile. Elle en attrapa un par le bras en lui hurlant de bien vouloir se tenir, ou sinon elle appellerait leur père pour qu'il vienne les frapper. Ces paroles eurent pour effet immédiat de calmer les deux garçons. La mère rouspéta encore quelques temps, puis elle soupira et dit à ses fils de venir lui faire un câlin. Ils s'exécutèrent.

« Je veux un amour en fer entre vous deux, souffla-t-elle en cognant la tête des deux frères l'une contre l'autre. La famille, c'est ce qu'il y a de plus important dans la vie. Zachary, tu ne pourras compter que sur ton frère quand je serais plus là. Alors soit gentil avec lui. Aller, filez. Je veux plus vous voir. »

Mercredi 2 août 2017

Zachary observait la toupie au fond de la poubelle. Cela lui faisait mal de jeter le jouet, car il était encore en plutôt bon état. Mais cela lui faisait encore plus de mal de le voir. Et il ne voulait pas le donner à un autre enfant. Il était à son frère, et uniquement à son frère, parce qu'il détestait partager. Donc la meilleure solution était de s'en débarrasser. Zachary releva finalement la tête, et balança quelques habits ainsi qu'une paire de baskets dans le bac à recyclage. Puis il remonta dans son appartement. Dans le couloir il croisa sa mère. Elle était au téléphone, mais elle s'arrêta de parler quand elle aperçut la porte s'ouvrir. Le garçon fila dans le couloir et esquiva la main de sa mère qui essayait de lui caresser les cheveux. Il se réfugia dans sa chambre, où il pourrait enfin laisser son affliction apparaître sur son visage, sans en avoir honte.

Après s'être roulé un joint, il ouvrit la fenêtre mais la referma aussi vite lorsque l'air glacial lui fouetta le visage. Il se rassit sur son lit et décida de fumer dans sa chambre. Il se fichait bien que sa mère sente l'odeur du shit. Elle n'allait rien faire : il était maintenant plus fort et plus grand qu'elle, et elle ne pouvait pas crier sur son fils en deuil.

Son frère était la personne qui lui était la plus précieuse au monde, alors il était normal que Zachary noie son chagrin dans ce genre de substance, même si cela était haram. Il s'en moquait bien. Ramses avait toujours été plus pieux que lui. C'était injuste que la mort l'emporte en premier. Il espérait que son frère trouverait une place au Paradis, malgré les bêtises qu'ils ont pu faire tous les deux.

Samedi 4 décembre 2021

Depuis le temps que Zachary fréquentait cet hôtel, il connaissait tout le personnel, et il avait même sa chambre habituelle. Il lança un regard noir à la femme de ménage en passant devant elle. Cette dernière l'avait engueulé la semaine dernière parce qu'il faisait trop de bruit. Son job était pourtant de nettoyer les chambres, pas de contrôler le volume sonore. Son poing se desserra et il saisit la clé rouillée qui lui avait marqué la paume pour l'insérer dans la serrure. Mais la porte était déjà ouverte. Le garçon poussa le battant et pénétra dans la pièce plongée dans la pénombre.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant