Chapitre 35

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Elio m'a rassurée quand il m'a dit que Vincent garderait le secret quant à ma tentative de dénoncer Zachary à la police. J'admets que c'était une erreur. Enfin, ce n'était absolument pas une erreur d'essayer de faire punir ce bâtard, mais c'en était une de croire que je pourrais compter sur la police.

Ils ne m'ont jamais prise au sérieux, alors pourquoi aujourd'hui ?

Il va falloir que je récolte les preuves nécessaires pour les convaincre de la véracité de mes propos, parce que pour l'instant, ma parole n'a aucune valeur.

J'arrive à Bellerue vers dix-huit heures. Le soleil est déjà presque entièrement couché. C'est déprimant. Je commence à monter les marches pour débarquer sur l'esplanade, autour de laquelle s'élèvent les tours de la cité. Je serre ma bouteille de vodka contre mon torse, en essayant de la dissimuler dans l'épaisseur de ma doudoune.

Un petit à vélo passe devant moi et je le hèle pour lui demander où je peux trouver Zachary. Il me dit qu'il est au four, et je comprends que le concerné doit être en train de vendre dans un bâtiment. Le garçon me pointe du doigt une flèche taguée au sol, donc je la suis.

Les indications, que je n'avais jamais remarquées auparavant, me mènent directement au bâtiment quatre. Je sonne à l'interphone quand un gars ouvre déjà le battant de l'intérieur. Il me demande ce que je veux, et comme je ne réponds pas il me grogne de me dépêcher, et me pousse vers le fond du hall.

J'étais abasourdie de reconnaître le gosse à qui je faisais de l'aide aux devoirs quand j'étais en CM2. Il était alors en CE1, et comme c'était une classe particulièrement difficile, les maîtresses proposaient aux bons élèves plus âgés de donner des cours de soutien au moins une fois par semaine, contre des vignettes. Et je l'avais fait, plus parce que j'aimais aider les gens que pour les images mal imprimées.

Ismaël était très gentil. J'avais vraiment envie qu'il s'en sorte scolairement parlant. Il n'était pas bête, juste mal entouré. Ses parents n'étaient quasiment jamais à la maison et son grand frère, beaucoup plus âgé que lui, n'avait pas fait d'études et trainait dans la rue. Je l'avais coaché, il m'aimait beaucoup et m'avait même demandé de lui apprendre des points de leçon qu'ils n'avaient pas encore vus en classe. Quand je le vois là, dehors dans le vent d'hiver à attendre des camés, je vois à quel point je me nourrissais d'espoirs vains. On a beau faire tout notre possible pour empêcher les petits de tomber dans le vice, on dirait qu'une force supérieure les y attire sans qu'on ne puisse rien n'y faire.

Il ne m'a sûrement pas reconnue : son regard a à peine traversé le mien, sans s'allumer. Cela ne m'affecte pas : nous avons tous les deux bien grandi. Lui est devenu plus mûr depuis le temps, même si on dirait qu'il ne me dépassera jamais en taille. Je me dirige donc vers le fond de la salle, concentrée sur la raison pour laquelle je suis ici. Zachary est assis sur une chaise en plastique, entouré de deux autres garçons appuyés sur le mur. Ils sont attentifs au moindre de mes mouvements. Zachary me reconnaît, et se lève pour qu'on puisse parler calmement dans un coin de la pièce :

« Combien tu veux ?

_ J'ai repensé à ce que tu m'as dit sur Mélanie la dernière fois.

Il regarde autour de lui, puis reporte son attention sur moi en baissant le ton :

_ J'vois pas de quoi tu m'parles.

_ Mais si, à l'hôpital. Tu m'as raconté comment s'était passée la nuit de son overdose. Mais c'est possible que tu t'en souviennes pas, vu que t'étais complètement khabat.

_ Ah si ouais ça m'dit vaguement quelque chose.

_ Tu vois.

_ Et du coup tu veux quoi ? s'impatiente-il.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant