Interlude

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Vendredi 30 juin 2017

Elio n'aurait pas aimé se trouver à la place de Ramses. Il n'en connaissait pas la raison, mais cela crevait les yeux que Giuseppe le détestait. Personne ne pouvait le nier. Cela pouvait s'observer à travers plein de petites actions : le chef ne le regardait jamais dans les yeux, il lui donnait peu de responsabilités, il lui adressait que très peu la parole et quand il le faisait, c'était généralement pour l'insulter.

Et le pire, c'est que Ramses ne s'insurgeait même pas. Elio ne comprenait pas cette attitude non plus. À sa place, il aurait demandé ne serait-ce qu'une explication à son entourage. Mais il a toujours vu Ramses subir les piques de Giuseppe dans le silence, comme si tout cela était justifié. Il était vrai que Giuseppe leur faisait peur à tous. Mais il serait sûrement calmé s'il avait senti une protestation du côté du jeune homme, par peur de subir une vengeance groupée. Cependant, comme le jumeau ne disait rien, cela encourageait leur patron à le provoquer.

Alors ce soir-là, quand Giuseppe fit ses comptes habituels et constata qu'il y avait un trou dans les billets qu'avait ramenés Ramses, Elio su que le jeune dealer allait passer un mauvais quart d'heure.

« Pa-pardon patron. J'ai pas fait exprès... je rendrai la somme très vite. Laisse-moi une semaine et je jure que je ramènerai l'argent à temps.

_Arrête tes mythos, le coupa Giuseppe d'un ton sec à faire frémir. Tu crois que je sais pas ce que tu fais avec ma came. On fait pas de crédit ici.

_Deux jours... s'il-te-plaît. Juste deux jours. Je jure que je trouverai la somme d'ici deux jours max.

Il avait vraiment de la peine pour Ramses. Elio le croyait quand il assurait avoir perdu l'argent, parce que c'était un bon bosseur, beaucoup plus digne de confiance que son frère, par exemple.

Elio savait que Giuseppe l'estimait particulièrement, donc il décida d'user de son privilège pour tenter de sauver le garçon :

_Laisse-lui une chance. »

Dimanche 2 juillet 2017

Cette punition n'était absolument pas méritée. Dès l'instant où du sang commença à couler depuis l'arrière du crâne de Ramses, Elio compris que Giuseppe était allé trop loin. Lui aussi semblait l'avoir compris, car pour la première fois, il réagit à chaud. Et il fit la pire chose qu'il pouvait faire : il refusa d'appeler les secours. Il assura aux petits qui les entouraient que tout irait bien. Il le promit même à Zachary. Malgré les preuves évidentes qui elles, ne mentaient pas.

Ramses était en train de les quitter.

Jeudi 28 juin 2018

« L'audience est suspendue. Levez-vous ! »

Elio attendit un peu que la salle se vide, puis se dirigea à son tour vers la sortie. Il n'avait jamais assisté à un procès à la cour d'assise jusqu'aujourd'hui. Et il n'en avait pas particulièrement envie : plus il se tenait des institutions judiciaires, mieux il se portait. Mais il avait été appelé à témoigner pour le procès d'un membre de son réseau, donc par loyauté, il était venu plaider sa non-culpabilité. Cela avait servi à rien, car Abdoulaye Traoré avait lui-même reconnu la véracité des faits qui lui étaient reprochés.

Il avait reconnu être l'auteur du meurtre de Ramses. Dans sa version des faits, il prend le rôle de Giuseppe, son ami d'enfance. Si Elio n'avait pas vu la scène se dérouler de ses propres yeux, il aurait été convaincu par le discours d'Abdoulaye tellement ce-dernier paraissait assuré. Mais connaissant un peu le passé du prévenu, on comprend qu'il avait l'habitude de mentir aux juges et de construire des histoires de toutes pièces afin que sa peine soit atténuée au maximum, malgré les faits qui lui étaient reprochés. De plus, l'avocat qu'il avait pris était très bon.

« Il va s'en sortir, assura ce-dernier à la famille Traoré.

_Mon garçon n'aurait jamais fait un truc pareil... On l'a possédé !

_Il mérite de mourir pour ce qu'il a fait. J'ai pas élevé un lâche.

Les paroles du vieil homme étaient très violentes, et choquèrent profondément Elio qui les avait entendues dans le couloir. Certes, si Abdoulaye était vraiment coupable des faits qui lui étaient reprochés, il mériterait de brûler en enfer durant l'éternité. Mais entendre cela sortir de la bouche de ses propres parents...

_Qu'est-ce qu'on va penser de nous ? Malheur !

_Personne ne le saura mamie », l'interrompit Gloria.

Elio n'avait jamais vu la jeune fille auparavant. Il lui donnait treize ans au maximum. Jamais il n'aurait laissé sa fille assister au procès de son oncle, accusé de meurtre. Les avocats, la juge... personne n'avait pris de pincettes pour décrire précisément les faits et les résultats d'autopsie. De quoi choquer plus âgé qu'un enfant.

Le garçon traversa le couloir pour se rendre aux toilettes. Il passa devant la famille de la victime et s'arrêta quelques instants pour leur transmettre une nouvelle fois ses condoléances. Zachary n'était pas présent. Il avait été très reconnaissant envers Elio pour tous les efforts qu'il avait fournis afin de tenter de rétablir la vérité, mais ils savaient tous les deux qu'il ne fallait nourrir aucun espoir. Alors Zachary était resté chez lui, se fichant éperdument du jugement qui serait rendu. Il grandissait chez lui un sentiment de solitude et d'injustice profonde. Le meurtrier de son frère ne sera jamais inquiété pour les crimes qu'il avait commis.

« Tu veux savoir pourquoi ? expliqua un grand du quartier aux garçons. Parce que Giuseppe a une femme, et une gamine. Il a une vie, alors que pas Abdou. C'est ça la vraie amitié : quand ton pote est prêt à bétom à ta place pour pas que toi tu gâche ta vie et celle de ta famille.

_Je m'en fous qu'il ait une fille moi. Il mérite de crever pour ce qu'il a fait à mon reuf. Pourquoi elle, elle a le droit de vivre sa petite vie tranquille, pendant que nous on se fait caner ? Je suis sûr qu'elle est même pas au courant de toute cette affaire ! Alors que tout ça, depuis le début, c'est à cause d'elle ! » hurle Zachary, débordant d'une haine meurtrière.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant