Chapitre 51

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Mes yeux passent d'Elio, à Zachary, et ainsi de suite, sans s'arrêter. Plus les secondes défilent, plus la tension ambiante est palpable. Les gens autour s'impatientent. Ils commencent à pousser des cris d'animaux afin d'encourager leur chef. Ces cris me percent les tympans, mais je m'efforce de passer outre. Je me fraye un chemin devant moi, pour me placer juste derrière Elio.

Même si je ne lui suis pas d'une très grande aide, cela me rassure d'être à ses côtés. Peut-être que d'une façon ou d'une autre, j'arriverai à le protéger. Surtout que c'est une arme à feu que Zachary dirige vers mon copain.

Il peut tirer à tout instant.

Je me concentre sur le canon, prête à bondir sur Elio pour le protéger en cas de détonnement.

Soudain, le bras de Zachary se déplace lentement, pour braquer l'arme sur quelqu'un d'autre.

Sur moi.

Je me fige. Les regards se tournent dans ma direction, mais moi je reste obnubilée par ce petit bout de métal qui me menace. C'est une étrange sensation, d'avoir une arme braquée sur soi. De se dire qu'à chaque instant, on peut y passer. Les secondes passent alors comme des heures. J'attends le moment fatidique, presque avec impatience. Ce serait presque un soulagement, après tout ce que j'ai enduré ces derniers mois.

Je ferme les yeux, et laisse le vent m'emporter dans ma chute. Je n'ai pas mal. Je me sens voler. Les cris recommencent. Quand Zachary a tiré, il a comme donné le coup d'envoi. Maintenant, j'entends aux hurlements de rage que tous les hommes ont commencé à se mêler les uns aux autres afin de se battre au corps à corps.

« Putain mais qu'est ce que tu fous ici bordel ? » hurle une voix dans mon oreille.

Je réouvre les yeux. Je suis sur l'épaule d'Elio. Ce dernier me tiens fermement les cuisses pour pas que je tombe, et il court en direction du bâtiment. Je suis trop choquée pour tenter de me débattre : je ne suis pas morte. Je n'ai même pas été touchée. La réalité me reviens en pleine figure. Tout d'un coup, je me rends compte du danger que j'ai encouré : j'ai frôlé la mort. Et le pire, c'est que ce ne m'a même pas fait peur. Ce qui est grave.

Elio me repose par terre. Je chancèle, et m'appuie à son bras pour retrouver l'équilibre.

« T'as rien ? me demande-t-il d'une voix plus douce.

J'acquiesce en silence. Mes yeux sont rivés sur la bagarre générale qui se livre en face de nous. Tout le quartier doit être réveillé maintenant. On entend même des bombes lacrymogènes. Bientôt, un brasier s'élève devant nous : des gars ont incendié les voitures.

« Tu dois pas rester ici, c'est dangereux.

_Toi non plus. Viens avec moi.

_Non. Il ont besoin de moi.

_J'ai perdu Rémy.

_Quoi ?

_Rémy. Il est venu avec moi. »

Elio jure de nouveau, et se précipite dans le tas à la recherche de mon ami. Inquiète, je ne le quitte pas du regard. Je le vois tirer Rémy d'une cohue. Ce dernier s'agite dans tous les sens, visiblement à la recherche de quelqu'un. Soudain, il trouve cette personne et se précipite vers elle. Vincent. Et un mec s'apprête à lui écraser ce qui me semble être un extincteur sur le crâne.

Un cri strident s'échappe de ma gorge. Horrifiée, j'assiste à une des scènes les plus traumatisantes de ma vie (après l'accident de mon père) : je vois Rémy se jeter sur Vincent pour le protéger, et se faire assommer à sa place.

Un bruit sourd parvient jusqu'à mes oreilles. Ma tête résonne. Rémy est au sol. Une flaque de sang s'est formée autour de son crâne.

Mes jambes me lâchent.

Je me retrouve les genoux au sol.

La scène dure plusieurs minutes. Pendant plusieurs minutes, je regarde le corps de mon meilleur ami se faire piétiner. Et je suis impuissante.

« ARRRRRRRRAH ! »

Des lumières bleues sont reflétées par le sol, m'aveuglant par la même occasion. Paniquée, je ne comprends pas pourquoi tout le monde se met à courir dans toutes les directions. Des sirènes retentissent. Je suis aveuglée par les gyrophares.

La police ? Mais qu'est-ce qu'elle fait ici ?

Je croyais que la police n'osait jamais mettre les pieds dans ce quartier. Et visiblement, tout le monde le croyait aussi, car la panique générale envahit la foule.

Quelqu'un a appelé la police. Le pire scénario possible vient de se dérouler : maintenant, tout le monde fuit pour ne pas se faire embarquer dans les fourgons.

Je trouve la force de me relever et de me ruer sur le corps de Rémy, qu'on a laissé au sol. Désespérée, je cherche de l'aide du regard. C'est une putain d'ambulance qu'il faudrait appeler, là.

Mais où est Vincent ? Putain ! Rémy vient de se sacrifier pour lui, et lui il se tire ?

Il est lâche jusqu'à la moelle.

Un élan de nausée me fait vriller la tête. Je retiens ma respiration et essaie d'inspecter la blessure, mais ma vue se brouille et je suis obligée de détourner le regard. Deux mains se posent sur mes épaules, me forçant à me relever.

« Non ! hurlé-je.

Je réalise au crescellenement de ma voix que je pleure. En effet, les joues sont inondées de larme, et je sens de la morve s'immiscer entre la commissure de mes lèvres.

_Y'a la police. Il faut partir, me dit Elio.

_Non, vas-y toi. Moi je reste avec lui.

_Je te laisse pas toute seule ici.

_Si, t'inquiète pas pour moi. Je ne risque rien. Mais toi, vas-y avant de te faire choper.

Elio soupire à mes côtés. C'est vrai que je ne l'ai pas aidé ce soir, je suis même une boulette plus qu'autre chose. Mais hors de question que je laisse Rémy seul dans la rue. Je préfère me faire embarquer, interroger par les flics, et tout le bordel.

_J'appelle une ambulance, lâche-t-il finalement en s'éloignant.

Je le regarde sortir son téléphone et composer un numéro, avant de porter l'engin à ses oreilles. Je le regarde baisser la tête pour se concentrer sur la voix qui sort de l'appareil, puis se retourner pour lire le numéro des bâtiments. Je le regarde tomber nez-à-nez avec un gardien de la paix.

Il lâche son téléphone. On l'attrape par la nuque, et le force brutalement à s'agenouiller, face contre sol. On lui passe les menottes, et on le pousse jusqu'au fourgon de police.

Ma voix s'étrangle.

Voilà la dernière image que j'ai d'Elio.

Peut-être que je ne le reverrai plus jamais... peut être qu'il s'en sortira dès demain.

C'est cette incertitude qui me torture le plus à cet instant.

Un policier me remarque, et s'avance alors vers moi.

« Il ne faut pas rester ici mademoiselle, ou on va vous embarquer avec les autres.

_Aidez-le », soufflé-je.

Pourquoi lui ?

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant