Chapitre 7

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« Vous me croyez quand je vous dis que je n'ai rien à voir dans cette histoire ? Répété-je une troisième fois.

_Mais je sais bien ma chérie. On t'a appelée parce qu'on aimerait simplement avoir une petite réunion de famille. Après. »

Ma mère ne me rassure pas forcément en disant ça. Tout comme moi, Christian ne semble pas ravi de ma présence ici. Il me jette de mauvais regards en coin depuis que je les ai rejoints, devant la porte du directeur.

Dix minutes plus tard, ce dernier sort de son bureau. Julia et ses parents sont sur ses talons. Julia pleure de rage. Je me lève pour lui faire un câlin de soutien, mais elle fuit mes bras pour se précipiter vers la sortie du lycée. Ses parents me saluent, puis se dépêchent de la rattraper. C'est à notre tour d'entrer dans le bureau. Mélanie est déjà assise sur un fauteuil. Elle a les yeux fixés sur ses doigts anciennement parfaitement manucurés, mais maintenant totalement brisés.

Je n'imagine pas avec quelle ardeur elle a du griffer les bras de Julia lorsqu'elle se débattait de son emprise.

Ma mère et Christian prennent place à côté d'elle, tandis que je m'installe en retraite. J'estime que cette entrevue ne me concerne pas.

« Ma fille ne se battrait jamais, elle est très bien éduquée ! Beugle Christian, qui intériorisait sa rage depuis bien trop longtemps.

_ Nous l'avons cependant retrouvée en train de se battre avec une camarade. Et en plein milieu de la cafétéria, monsieur. Je suis contraint de la punir comme Julia Sachange, par souci d'égalité.

_ Mais c'est elle qui m'a attaquée ! S'indigne Mélanie. C'est injuste !

_ Je vous ai retrouvées toutes les deux au sol. J'ai également remarqué que Julia a sur le corps autant de blessures que vous. J'estime donc que vous êtes toutes les deux punissables pour atteinte à l'intégrité physique d'autrui dans l'enceinte de l'établissement... ainsi que perturbation de l'ordre. Conclut le directeur.

_ Non, Monsieur, interviens-je, malgré ma précédente résolution de ne me mêler que de ce qui me concernait. C'est vrai que c'est Julia qui s'est jetée sur elle. Et même si Mélanie le méritait (On n'envoie pas de nude aux copains des autres !), il y a d'autres moyens de résoudre les conflits. Je suis consciente que Julia est allée trop loin, mais ce n'est pas dans son caractère et les deux ne méritent pas d'être exclues pour si peu. »

Mon petit monologue a au moins le mérite de faire réfléchir le directeur à deux fois, avant de quand même prendre la décision de renvoyer Mélanie et Julia pour une durée de trois jours. Il faut donc que je me souvienne que si jamais quelqu'un m'attaque dans l'enceinte de l'établissement, je ne dois pas me défendre et me laisser me faire étrangler, pour ne pas être punie au même titre que mon agresseur.

On sort du bureau. Mélanie rentre la tête dans ses épaules, honteuse que son père apprenne qu'elle a envoyé des photos d'elle dénudée à un garçon plus âgé. Plus tard, elle m'a confié que c'est Abel lui-même qui a insisté pour qu'elle les lui envoie. Il lui a promis de quitter Julia pour elle. Quelle naïveté. Même si Mélanie est objectivement plus belle que Julia, elle devrait savoir qu'on ne quitte pas quelqu'un avec qui on est depuis la sixième pour la première gamine venue, même si cette dernière accepte d'envoyer des photos de ses parties intimes.

Une fois de retour à la maison, et à l'abri des oreilles indiscrètes, Christian se met à hurler sur sa fille.

« Tu m'as fait honte, mais hooonte. Tu te rends compte ? C'est donc ce qu'est devenue ma fille ? Une délinquante qui se bat au milieu de centaines d'élèves ? pour un GARÇON ? Si tu savais comme j'ai honte de toi, à la place du directeur je n'aurais pas hésité à t'exclure définitivement. Quelle humiliation... Comment tu peux me faire ça ? A MOI ? J'ai tout fait POUR TOI ! On a emménagé en France POUR TOI ! Et c'est comme ça que tu me remercies ? Prends tes affaires, je te renvoie en Italie.

Les joues de la jeune fille virent au cramoisi. Elle tente en vain d'articuler quelques mots, avant de fondre en larmes. Je n'avais jamais vu quelqu'un dans un tel état de caprice. Après la fois où Rémy a fait une crise de nerfs, parce que à ses parents très stricts lui ont interdit d'aller à une pyjama party. Mais cet événement remonte à une dizaine d'années.

Bref, Mélanie ne voulait pas retourner en Italie, et elle n'a pas trouvé de meilleur moyen pour le faire comprendre à son père, que de se rouler au sol.

Finalement, ma mère parvient à calmer le père et la fille en me faisant promettre de mieux surveiller les fréquentations de Mélanie, à l'avenir. Elle m'a nommée responsable de ma demi-sœur, en échange de quoi Mélanie pourrait rester à St-Hady. « Parce que tout le monde mérite une seconde chance. »

Un peu plus tard, lorsque j'aurai bien rouspété auprès de ma mère, lui rappelant que je n'étais responsable de rien ni personne, et que je me fichais bien que Mélanie retourne d'où elle venait, elle m'apprit que Christian et elle se fianceraient bientôt. Je devais faire cela pour la famille. Elle m'a menacée de m'envoyer moi aussi en Italie, si jamais les choses se passaient mal. Chez la grand-mère de Mélanie. Dans un coin perdu. « Au moins là-bas on ne craint rien. »

Super. Achevez-moi maintenant.

***

Une semaine est passée, et Mélanie est toujours privée de sortie. Pendant trois longues journées, j'ai ruminé sur l'injustice de la situation. J'ai refusé de manger, de parler ou de me retrouver en présence de Mélanie, de Christian ou pire, de ma mère. Mais malgré ma colère, j'ai fini par accepter mon sort. Pour détendre l'atmosphère, Mélanie et moi avons même instauré un rituel : le vendredi, c'est soirée pizzas et téléréalité.

Comme d'habitude, je m'installe donc sur le canapé, en attendant que ma demi-sœur finisse ses devoirs. Ma mère et son connard de copain sont sortis au restaurant pour fêter leurs fiançailles. Même s'ils me tapent sur les nerfs, je peux au moins m'estimer heureuse qu'ils me fassent assez confiance pour me laisser l'appartement.

C'est long... Qu'est-ce qu'elle fiche ?

J'ai presque fini tous les Curly que j'avais achetés pour ce soir. Alors je me lève pour aller la chercher dans sa chambre. Quand j'ouvre sa porte, je ne la trouve pas du tout en tenue ciné-décontracté, mais plutôt en mode grosse soirée-sexy. Je lui demande ce qu'elle fout, et au lieu de me cacher sa bêtise, elle me propose de m'asseoir pour m'expliquer. Je me retrouve donc assise sur son lit, la regardant se lisser les cheveux avec soin.

« C'est les vacances aujourd'hui. Zachary fait une soirée pour fêter l'événement.

_ Je ne savais pas qu'il organisait des soirées, lui.

_ Il loue des Airbnb dans les beaux quartiers pour être plus tranquille. La police ne va jamais là-bas.

_ Tu sais bien qu'il est hors de question que tu y ailles. Rappelé-je, d'un ton un peu autoritaire. Non seulement tu ne sortiras pas, mais encore moins pour aller à une soirée où il y aura Zachary et toute sa bande.

Un rire nerveux s'échappe de ma gorge. Et puis quoi encore ? S'il y a une personne sur cette Terre en qui je ne fais pas confiance, c'est bien Zachary. Et j'ai la flemme de me retrouver à apprendre l'italien.

_ Je te promets qu'il n'est pas comme tu le crois. C'est un gars bien, au fond. J'en suis sûre. » chuchote Mélanie en évitant mon regard.

Je vacille. Qu'est-ce qu'elle sait exactement à propos de Zachary et moi ?

« Et puis, il y aurad'autres filles de ma classe. Shéra. Gloria. Elles vont souvent à ses soiréeset tout s'est toujours bien passé. Et il y aura Elio, aussi. Je crois que tul'as déjà aperçu au Sotano. Il est un peu froid au premier abord, mais jete jure qu'il est gentil. »

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant