Chapitre 36

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Je suis assise sur un canapé, à regarder deux garçons que j'ai déjà embrassés se fixer dans le blanc des yeux depuis les deux extrémités de la pièce. Finalement, je me décide à présenter l'un à l'autre :

« Mensah, Elio. Elio, Mensah. »

Voilà, c'est fait. Mais je n'ai pas pour autant lancé la conversation. Mensah hoche simplement les épaules, puis s'affaire à remplir la gamelle du chien, tandis qu'Elio calcule le moindre de ses mouvements. Mal à l'aise, je fais signe à Elio de s'installer à mes côtés. Il soutient mon regard pendant environ cinq secondes, avant de détourner les yeux avec dédain. Quand Mensah ne trouve plus d'autre activité pour s'occuper et faire croire que la situation n'est pas affreusement gênante, il se pose sur le fauteuil en face de moi et fixe le mur en se raclant la gorge.

Ne tenant plus, je me lève et me place à trois centimètres d'Elio. Mes yeux sont rivés sur son torse, recouvert de sa doudoune d'hiver. Je reste plantée là assez longtemps pour qu'il daigne rebaisser les yeux sur moi. Alors, un élan de tendresse me prend. Je lève la main pour lui caresser la joue. Mais il tourne aussitôt la tête pour éviter mon toucher. Mon bras retombe le long de mon corps, démuni.

« Tu m'en veux ? chuchoté-je.

_Non. Je m'en fous.

_ Est-ce que quelqu'un peut m'éclairer sur ce qu'il se passe là ? intervient Mensah.

_ C'est ton cul que je vais éclairer bouffon.

_Bon Elio ça suffit. » tranché-je en le prenant par la main.

Je le traine alors hors de l'appartement, presque honteuse de son comportement. Pourtant je n'ai personnellement rien à me reprocher. À part le fait que je lui ai fait un coup bas pour me débarrasser de lui. Mais bon, on n'enferme pas les gens sans leur accord aussi. Alors oui, j'ai dû dégainer le grand jeu pour m'en sortir. Et je mentirais si je disais que je n'étais pas fière de mon plan sur le moment. Mais maintenant, quand je vois son regard blessé et la teinte d'amertume qui meut ses lèvres, je ne peux pas m'empêcher de me projeter à sa place. Je comprends le sentiment de trahison qui doit l'envahir actuellement. Et encore une fois, il fuit rapidement mon emprise.

« Je suis désolée Elio. Vraiment. C'était pas contre toi. »

Il ne répond pas. À la place, il me tourne le dos et traverse le couloir pour finalement ouvrir la porte de secours. Puis il s'engouffre dans la cage d'escalier. Je le suis instinctivement.

Nous montons trois étages. Je commence à m'essouffler, mais nous arrivons enfin tout en haut de la tour. Elio donne un grand coup de pied dans une porte de sortie, qui s'ouvre à la volée. Le vent pénètre violemment dans le bâtiment. D'ici, le ciel bas et gris fait vraiment flipper. On dirait que la foudre peut s'abattre sur nous à n'importe quel moment. Je préfèrerais rester à l'intérieur, mais le garçon ne semble pas se soucier de mon avis, parce qu'il s'aventure sur le toit sans même jeter un coup d'œil derrière lui. Je retiens la porte avant qu'elle ne claque, puis lui emboite le pas après avoir bien veillé à caler un pavé devant le battant pour pas qu'il ne se referme derrière nous.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant