Chapitre 9

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« Instagram.

Je lance un regard perplexe à Mélanie. Elle non plus ne semble pas comprendre ce que veut le videur, car elle commence à improviser une réponse bancale :

_ Vous semblez un peu trop vieux pour nous demander notre Instagram, monsieur. Sinon ça aurait été avec plaisir. Vous êtes tout à fait mon style.

L'homme en face de nous ne daigne pas esquisser un sourire. Il semble même s'impatienter, ce qui est normal, vue la queue qui commence à se former derrière nous.

_ On a une liste d'invités. Si vous ne me donnez pas votre pseudo Instagram, je ne peux pas vérifier que vous êtes dessus. Donc je vais vous prier de dégager le passage.

Maintenant, Mélanie semble comprendre car elle sort son téléphone de la pochette qu'elle tenait à la main. Elle se rappelle que Zachary lui a effectivement demandé son Instagram lorsqu'il l'a invitée il y a deux jours. Apparemment, les filles invitées ici sont préalablement sélectionnées en fonction de leur niveau de fraîcheur.

_ Mais est-ce que tu lui as aussi donné le mien ? M'inquiété-je.

_ Très bien. Et vous mademoiselle ? Me coupe le videur.

Paniquée, je lui donne quand même mon identifiant. Je croise les doigts, pour que mon nom soit inscrit sur la liste. Mais l'air désolé qu'affiche Mélanie me fait bien comprendre qu'on ne me laissera pas rentrer ce soir.

_ Vous n'êtes pas sur la liste. Mettez-vous sur le côté.

_ Mais monsieur ! Elle est avec moi ! Proteste Mélanie.

_ Je suis désolé, mais c'est une soirée privée. On ne laisse entrer que les gens inscrits sur la liste. Maintenant, veuillez foutre le camp.

_ Mais Zachary m'a dit qu'ils laissaient entrer toutes les filles sexy ! Vous la trouvez pas super canon vous ?

_ Si, très, intervient une voix masculine dernière le videur. Faites-les entrer.

Je lève le menton, pour apercevoir mon sauveur. Elio.

Il me sourit à pleines dents. Je n'avais pas tort la dernière fois : son sourire est effectivement très craquant, presque enfantin. Je le détaille une nouvelle fois de la tête aux pieds, m'attardant sur les veines bleutées de sa main, qui tient une cigarette tout juste allumée. Le vigile se retourne, prêt à faire sortir l'intervenant de force, mais après avoir constaté de qui il s'agissait, il se ravise.

_ Allez-y. »

Toute excitée, Mélanie se rue dans la demeure. Je peine à la suivre, mes talons commençant à me faire extrêmement souffrir. Quelle idée d'être venue à pied. Le regard scrutateur d'Elio pèse dans mon dos. Je continue d'avancer, trop intimidée pour oser me retourner.

_ Tu fumes ? Me questionne-t-il finalement, avant que je ne pénètre dans la maison.

_ Ça m'arrive, articulé-je d'une voix éraillée.

De ses deux doigts, il m'intime de le suivre. Nous contournons la maison, pour accéder à un minuscule jardin, au milieu duquel se trouve une table ronde et quatre chaises en plastique blanc. Elio m'invite à m'asseoir sur l'une d'entre elles. Pendant que j'admire la végétation florissante autour de nous, il sort un paquet de tabac de sa sacoche. Je regarde ses doigts effriter une résine noire dans la paume de sa main, avant de faire glisser les miettes dans une feuille à rouler.

_ J'ai jamais fumé de shit, par contre, chuchoté-je. Je pensais pas que tu parlais de ça.

J'ai presque honte de la naïveté dont j'ai fait preuve tout à l'heure, en pensant qu'on ne fumerait qu'une petite cigarette avant d'aller danser.

_ C'est pas grave, rigole-t-il. Ses yeux se plongent dans les miens pendant qu'il pose sa langue sur la feuille : Tu veux quand même essayer ?

J'hoche docilement de la tête, heureuse que l'obscurité l'empêche d'apercevoir le rouge qui me monte aux joues. Il termine de rouler son joint, puis l'allume. Mes yeux s'attardent sur la flamme du briquet qui éclaire doucement son visage concentré. Après avoir tiré quelques taffes, il me tend le bâton. J'inhale difficilement la fumée et manque de m'étouffer avec, mais je fais mine de maîtriser la situation. Mes poumons sont en feu. Il s'amuse de mon attitude faussement décontractée, puis petit à petit l'atmosphère se détend.

Elio me raconte la première fois où il a fumé du shit. Il a cru que son pote allait mourir, parce qu'ils avaient pris une dose beaucoup trop forte, et qu'aucun d'entre eux ne savait fumer. Paniqué, il avait alors eu l'idée de lui faire du bouche-à-bouche, mais son ami s'était soudainement réveillé, lui flanquant un coup dans les boules et hurlant « au viol ! ». Je me plie de rire. Tout semble dix fois plus drôle sous l'influence du THC.

Quelques minutes plus tard, Vincent vient se cacher sous un arbre, à quelques mètres de nous. Elio l'invite à nous rejoindre. Malgré mes apriori sur lui, je lui adresse un sourire, et rigole à gorge déployée quand il nous raconte des blagues que je n'aurais pas trouvées très drôles en temps normal. Je passe vraiment un bon moment. Alors que Vincent nous raconte la fois où sa sœur aînée a testé son nouvel autobronzant sur une de ses jambes pendant son sommeil, je sens la jambe d'Elio frôler la mienne.

Électrisée, je n'ose plus faire un mouvement. Elio doit comprendre mon absence de réaction comme un encouragement, ce qui est le cas, car sa cuisse vient se coller à la mienne. Mon cœur s'arrête quand il pose sa main sur mon genou pour y effleurer des cercles avec le pouce. Je le regarde droit dans les yeux. Nous ne parlons pas. J'essaie d'anticiper ce qu'il va dire, ou faire. Vincent s'éclipse : « Euh, je vais chercher à boire... À plus ». Je me penche vers Elio pour lui chuchoter une blague à l'oreille. Mais quand mon visage se retrouve à seulement quelques millimètres du sien, je suis prise d'un élan de folie et je dévie ma trajectoire. Mes lèvres se posent sur les siennes.

D'abord surpris, sa réaction ne se fait pas tarder. Ses lèvres répondent à mon baiser avec fougue. Je bous de plaisir quand ses mains se posent sur mes hanches pour m'intimer de m'installer à califourchon sur ses cuisses. Nous prolongeons notre baiser jusqu'à ce que nous manquions tous deux d'oxygène. Je me détache doucement de lui pour admirer son visage de plus près. Mon ventre papille à la vue de sa beauté presque irréelle. Il m'attire encore un peu plus vers lui, et je sens une bosse se former sous son jean. Mes mains se font baladeuses. Je retire mes doigts de ses cheveux bouclés, pour les faire glisser le long de son torse, que je sens trembler à cause de sa respiration frénétique. Sa peau frissonne au contact de mes doigts glacés.

« T'es tellement belle, souffle-t-il.

Son regard se fait de plus en plus appuyé. Encore une fois, je m'empourpre. J'abandonne l'idée de le cacher. Oui, il me fait de l'effet. Je le remercie du bout des lèvres. Il pose une main sur ma joue.

_ Tu veux qu'on monte ?

_ Dans la maison ?

Bien sûr dans la maison, idiote. Il me caresse le bas du dos.

_ J'ai dû rêver de toi. Tu me dis quelque chose, c'est incroyable. Mais je t'aurais déjà remarquée si tu travaillais pour nous. T'es nouvelle, non ?

Minute. Je me décolle de son torse. Il doit plaisanter. Il est complètement défoncé. Mais son expression sérieuse me fait comprendre qu'il ne plaisante absolument pas.

_ On s'est déjà croisés... tu te rappelles pas de moi ? » Soufflé-je.

Ses sourcils se lèvent de surprise. Conscient de sa gaffe, il tente de se rattraper en bégayant. Mais le mal est fait. Je me défais de son enlacement, dégoûtée. J'ai été idiote de croire qu'il s'intéressait à moi pour plus que pour me baiser dès ce soir. Il me dit d'attendre, qu'il n'a plus les idées très claires. Mais je ne l'écoute pas. Je me rue à l'extérieur, le cœur serré.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant