Chapitre 14

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Bellerue est devenu un lieu où je me rends régulièrement. Comme si je m'y plaisais. Je souris amèrement à cette idée.

Et je n'ai même plus la force de maudire Mélanie, pour se fourrer dans des pétrins pareils. J'accepte le fait que je ne pourrais jamais lui faire confiance, et que je suis condamnée à la couver jusqu'à la fin de mes jours.

Cette fois-ci, je m'enfonce encore plus profond dans le quartier. Je dépasse le Sotano, qui se trouve dans une rue plutôt passante. Je dépasse également la place où j'ai retrouvé ma demi-sœur lundi dernier. Je suis maintenant dans les bas fonds de la cité. J'essaie d'ignorer le sentiment d'insécurité qui m'envahit.

Mon téléphone localise Mélanie à l'intérieur d'une tour, mais j'ai du mal à identifier laquelle. Elles sont toutes similaires. Finalement, je parviens à me repérer sur le quadrillage que me montre la carte de mon téléphone. Je me rends devant le lieu indiqué. La barre doit faire une quinzaine d'étages, ce qui est assez impressionnant. Elle est toute grise et contrairement à d'autres endroits, personne ne traîne autour. Je me rappelle quand j'étais petite : on passait souvent à côté du coin quand on prenait la voiture. Ma mère désignait ces bâtiments en m'expliquant :

« Tu vois les tours là-bas ? C'est hyper dangereux, tu ne dois jamais y mettre les pieds. Même la police a peur d'y entrer. »

Je ne comprenais pas comment la police pouvait avoir peur de se rendre dans une résidence. C'était des super-héros, les policiers. Avant qu'ils ne refusent d'enquêter sur l'assassinat de mon père, assurant que son accident était dû à un défaut technique. Cela n'a aucun sens : mon père était garagiste. Il l'aurait vu, si sa voiture bien-aimée présentait un « défaut technique ». Bref, je méprise la police.

Et aujourd'hui, je déambule au milieu de ces tours. J'en connais une qui s'arracherait les cheveux si elle venait à l'apprendre.

Je me retrouve démunie devant l'interphone. Je n'avais pas prévu cet obstacle insignifiant, qui s'apprêtait tout de même à faire échouer ma mission. Fatiguée, j'appuie sur tous les boutons pour appeler un nom au hasard.

Qui ne tente rien n'a rien.

« Oui ?

_ C'est moi ! » hurlé-je, feignant un air irrité.

La porte ne tarde pas pour s'ouvrir. Merci Mme Mkouboi. Malheureusement, la technologie de la carte Snap ne permet pas encore de localiser une personne dans l'espace. J'ai à peine appuyé sur le bouton de l'ascenseur, que j'entends des éclats de rire sur ma gauche. Je décide donc de les suivre. J'ouvre une porte indiquée local technique. Elle donne sur une cage d'escalier. Les voix proviennent du bas. Discrètement, je jette un œil par-dessus la rambarde, priant pour ne pas me faire repérer. J'aperçois une bande de garçons, installés au milieu d'un amas de poubelles. Charmant. Il y a même des chaises de camping, avec une table et une chicha qui trône au milieu de cette dernière.

Je souris moins en remarquant une touffe de cheveux rouges parmi les nombreuses têtes présentes. Mon cœur fait un raté. Même si je ne connais pas le nom de cette personne, je sais très bien pourquoi je la reconnais. C'est le garçon de la dernière fois, celui qui m'a braquée. J'ai le réflexe de vérifier qu'il ne tient plus d'arme, autrement je ferais mieux de vite déguerpire. Heureusement, il tient simplement une cigarette dans une main bandée.

« Alpha, mate ça zebi.

Le garçon qui tient actuellement le tuyau de la chicha montre l'écran de son téléphone au gars aux cheveux rouges. Très bien, je sais maintenant comment il s'appelle. Ce nom ne me dit rien. Les deux s'esclaffent d'un rire gras devant la vidéo qu'ils regardent.

Raphaëlla [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant