Je suis arrivée à San Diego il y a un mois afin d'économiser pour mes études. Après avoir passé un an à San Francisco à enchaîner des petits boulots merdiques, ma colocataire de l'époque, Marissa, m'a parlée de ses grands-parents. Des gens très charmants qui n'ont pas beaucoup de compagnie et qui acceptent volontiers de m'héberger gratuitement contre quelques corvées. Je n'avais rien à perdre, mon loyer me coûtait les trois quarts de mon salaire alors je n'allais pas cracher sur un hébergement gratuit. Marissa ne mentait pas, Monsieur et Madame Fuentes forment un couple très charmant. Ils sont mariés depuis quarante ans et ne voient plus tellement leurs enfants et petits-enfants. San Francisco c'est loin. Leur famille n'a pas vraiment le temps de venir et eux, ils n'ont plus la santé pour partir en voyage.
J'ai très vite trouvé un boulot dans une petite boutique à quelques pas d'ici. Madame Fuentes connaissait les gérants, c'est elle qui leur a parlé de moi. Ce n'est pas avec ce travail que je vais devenir riche un jour, mais ça suffira amplement pour mettre de côté, surtout si je n'ai pas de loyer à payer.
— Ruby, tu peux venir m'aider s'il-te-plaît ?
Je descends les marches et retrouve madame Fuentes assise à la table du salon en train de coudre.
— Oui ?
Elle me tend une aiguille et un fil.
— Tu peux entrer le fil dans le chas de l'aiguille s'il-te-plaît ?
Je m'exécute et réussis du premier coup.
— Merci, mes yeux ne fonctionnent plus aussi bien qu'avant.
Je souris et m'assieds à côté d'elle, lui demandant si elle a besoin d'autre chose.
— Tu sais coudre ?
Je secoue la tête, elle soupire.
— Heureusement que tu cuisines bien, sinon tu n'aurais aucune chance de trouver un mari.
En temps normal je lui aurai fait un long monologue sur le fait qu'une femme ne doit pas se définir à ce qu'elle peut apporter à un homme. Mais Madame Fuentes et moi ne sommes pas de la même génération, je ne crois pas qu'essayer de lui faire entendre raison à ce sujet serait utile à son âge.
— Bon, alors je n'ai pas besoin de toi pour l'instant.
Je fais brièvement le tour du rez-de-chaussée et vérifie qu'il n'y a rien qui traîne. Monsieur Fuentes est dans le jardin, probablement en train de bricoler quelque chose. Je décide de repartir à l'étage, étage qui m'est complètement réservé. Il n'y a pas grand-chose, une grande chambre, un dressing et une salle de bain. Mais c'est bien assez pour moi. Monsieur et Madame Fuentes n'ont plus l'énergie de monter quotidiennement, alors ils utilisent la salle de bain du bas et la chambre qui était autrefois la chambre d'amis. Ce qui me permet d'avoir un peu d'intimité.
J'enfile mon tablier, mon patron vient de finir son service. Ce soir je suis de fermeture. Ce n'est pas vraiment l'horaire que je préfère. Je ne suis jamais tranquille à l'idée d'être seule en pleine nuit. Juan, le gérant de la boutique, m'a montré où se trouvait son arme. Il m'a même expliqué plusieurs fois comment la charger et la tenir, « juste au cas où ». Je lui ai tout de suite dit qu'il était hors de questions que je touche à ce genre de chose. Ce à quoi il a répondu qu'on était dans un quartier où il pouvait arriver n'importe quoi. Ce que j'ai pu constater assez vite finalement.
Mais ce n'est pas une raison. Après tout, j'ai des caméras dans toute la boutique et je peux utiliser un bouton qui prévient automatiquement les forces de l'ordre. Il ne va rien m'arriver. Qui voudrait attaquer une gamine derrière le comptoir d'une épicerie? À part un lâche peut-être.
Non ici ce sont plutôt des gros poissons d'après ce que j'ai pu comprendre. Je n'ai jamais autant été réveillée par des coups de feu dans les rues que depuis que je vis chez les Fuentes. Madame Fuentes m'a d'ailleurs traitée de petite naïve la première fois, quand j'ai mentionné que des jeunes s'amusaient avec des feux d'artifices. Je ne suis pas née de la dernière pluie, je sais que c'est un quartier mal fréquenté. À San Francisco déjà, je me baladais avec une bombe au poivre au creux de ma main dès que la nuit tombait. Pourtant je n'arrive pas à croire qu'on puisse aller jusqu'à se tirer dessus.
Juan est parti, tout le magasin est rangé je n'ai plus qu'à me tenir derrière le comptoir et encaisser les clients jusqu'à la fermeture. Ce n'est que l'histoire de quelques heures, j'ai même emmené un livre pour les heures creuses, il y a toujours moins de clients la nuit.
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Dusk 'till Dawn
RomanceRuby n'avait aucune idée qu'en emménageant dans ce petit quartier de San Diego sa vie allait totalement basculer. Loin du quotidien paisible qu'elle menait à San Francisco, son emménagement semble tout d'abord être un nouveau un nouveau chapitre cl...