Chapitre 47

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Paloma, Guillermo et Santiago sont assis lorsque nous arrivons.
— Désolé je ne trouvais pas de place pour me garer.
Je m'assieds à la gauche de Santiago, face à Paloma.
— On est là depuis deux minutes, ne vous inquiétez pas.
Le serveur arrive pour prendre nos commandes. Rafael est le plus détendu possible et je l'en félicite silencieusement. Il me remercie d'un bref sourire et engage la conversation.

Le repas terminé, je lance des petits sous-entendus à Rafael pour qu'il en vienne au sujet des Scorpions. Mais il fait les gros yeux en direction de son frère. Je décide de prendre les choses en main.
— Santiago, tu m'accompagnes faire un petit tour ? J'ai vu une boutique de sucrerie sur la rue juste en face.
Le petit frère de Rafael supplie immédiatement ses parents qui devinent qu'il ne s'agit que d'un prétexte pour l'éloigner.
— Bien sûr, mais tu écoutes attentivement Ruby.
Il saute de joie et sort de table en me demandant de me dépêcher. Je dépose un baiser sur la joue de Rafael et lui dit que je partais une quinzaine de minutes.
Je quitte le restaurant accompagné d'un Santiago surexcité. Nous rejoignons la boutique dans laquelle je lui donne des consignes simples :
— Je dois toujours pouvoir te voir, tu peux remplir un sac de bonbons qui doit pouvoir tenir dans la poche de ta veste.
— C'est trop petit.
Je lui rétorque que sa poche est bien assez grande pour accueillir un mois de sucrerie.
— Et tu m'apportes le sac avant de piocher dedans pour que je puisse payer.
Le petit garçon se met à regarder chaque étalage de bonbons pour choisir les meilleurs uniquement. Je le garde à l'œil longtemps, pour être certaine qu'il n'en grignote pas quelques un discrètement.
— Il ne va plus dormir de la nuit.
Je pose la main sur le cœur pour retenir un cri de surprise, Paloma est postée à côté de moi, je ne l'ai pas entendu arriver.
— Je n'avais pas d'autres idées pour l'éloigner.
Paloma m'assure que j'ai eu raison, et que Santiago risque de m'aimer d'autant plus maintenant.
— Il parle souvent de toi tu sais, il dit que tu es gentille et que Rafael sourit tout le temps quand tu es là.
Je suis plus touchée par les compliments d'un enfant que ceux de n'importe qui d'autre, ils ne mentent pas sur ce qu'ils ressentent pour les gens, eux.
— Vous avez beaucoup manqué à Rafael, bien qu'il ne l'admette certainement pas.
Paloma me lance un regard plein d'émotions.
— Le déménagement à été très compliqué pour Santiago. Les choses se passent mieux aujourd'hui, mais il pleurait chaque matin avant d'aller à l'école les premiers jours. Il demandait beaucoup après son grand-frère aussi.
Elle inspire et laisse quelques secondes passer.
— Mais si c'était à refaire, je le referais. Il est bien plus en sécurité où nous sommes aujourd'hui.
— Vous auriez dû appeler, dis-je sur un ton bien plus froid que je ne l'aurais voulu.
Paloma admet son erreur, elle voulait que Guillermo propose l'idée en premier. Elle pensait que ça ne ferait que narguer Rafael sur leur nouvelle vie, elle avait peur que le geste soit mal pris.
— Les Sanchez semblent tous aussi têtu les uns que les autres.
Paloma sourit et me répond que Enrique était le plus têtu d'entre tous.
Je ne soulève pas la référence à son autre fils. Je ne l'ai jamais rencontré, et pourtant, à la façon dont les gens parlent toujours de lui, même des années après sa mort, je devine qu'il était quelqu'un de très important et de très aimé.
— Je suis contente qu'il ait quelqu'un comme toi Ruby, souffle-t-elle, je sais que tu dois penser que je fais une différence mais Rafael est mon fils au même titre que l'était Enrique et que l'es Santiago. Et j'ai peur pour lui, chaque jour.
Je déglutis et lui réponds un simple sourire plein de compassion.
— J'ai préféré laisser Guillermo et Rafael discuter. Il vient de nous informer de sa nouvelle position de chef.
Je croise les bras sur moi.
— Je suis surprise qu'il ait fini par accepter. Je sais que c'est ce que son père voulait, et certainement ce qui aurait fini par arriver. Mais Rafael n'est pas Enrique, avant que tu arrives j'étais sûre qu'il ne s'opposerait pas à son destin. Mais depuis que tu es là...
Elle n'achève pas sa phrase.
— C'est ce que Lucrecia m'a dit aussi.
Je sais que ce prénom est cause de beaucoup de disputes, mais elle est mon amie, et je ne tairai jamais son prénom pour faire bonne figure.
— Qu'elle pensait que je ferais changer les choses, que Rafael échapperait à ce destin tragique grâce à moi.
Un sentiment de tristesse m'envahit, j'ai l'impression en mon for intérieur d'avoir trahi le dernier espoir qu'il lui restait en acceptant ce que lui-même refusait de vivre. Et si en voulait m'adapter à l'homme que j'aimais je n'avais fait preuve que d'égoïsme ?
— J'aimais beaucoup Lucrecia.
Je crois que c'est la première fois que Paloma parle d'elle sans montrer cet air dédaigneux qu'elle porte toujours sur le visage quand quelqu'un mentionne son nom.
— Elle était exactement la fille que je rêvais d'avoir, commence-t-elle, ambitieuse, un caractère bien trempée, meneuse, douce et surtout très amoureuse d'Enrique.
Son visage se tourne vers le mien.
— Personne n'aurait pu le rendre heureux comme elle le faisait.
Elle me confie avoir eu extrêmement peur quand ils se sont séparés.
— Je sais qu'Enrique n'était pas un ange, bien au contraire. Si j'ai hérité de trois merveilleux garçons, je savais que le premier me donnerait du fil à retordre. Mais quand il a rencontré Lucrecia il a immédiatement montré une facette de lui que je ne connaissais pas : celui d'un garçon doux qui aimait prendre soin de la femme qu'il aimait par-dessus tout. Je savais que Lucrecia était une parfaite balance dans la vie de mon fils qui ne prenait pas toujours compte des risques des choses. J'étais rassurée qu'elle soit là.
— Vous pouvez comprendre la raison de leur séparation.
Elle hoche la tête.
— Bien entendu. Je sais que mon cœur de mère prend trop le dessus, mais celui de femme savait pertinemment que cette petite méritait une plus belle vie que celle qu'un gang pouvait lui offrir.
Elle se tourne désormais complètement vers moi.
— Quand Rafael t'a présenté j'avais l'impression d'avoir une seconde bouffée d'air. Lucrecia était partie mais tu semblais vouloir t'accrocher à Rafael comme on s'accrochait à la vie.
Elle sourit.
— Je n'ai jamais vu quelqu'un regarder mon fils avec autant d'admiration et d'amour.
Je suis touchée par cette remarque, soulagée de savoir que Paloma ne m'a pas détesté à la simple idée qu'un autre de ses fils ne se fasse abandonner.
— Mais Lucrecia a raison, si j'étais rassurée ce n'est pas parce que je savais que tu restais. Mais parce que j'espérais que tu serais une raison pour lui de partir.
Elle mentionne la mort de Javier et leur déménagement.
— Je sais que les Scorpions sont quelque chose de très important pour cette famille et que Rafael aurait le sentiment d'avoir échoué, trahie sa famille. Mais je crois que je n'aurais pas de repos tant que mes enfants ne seront pas tous sortis de tout ça.
Ses deux billes brunes me fixent.
— Si tu viens à nous donner un petit-fils...
— Pas d'enfant, coupais-je immédiatement.
C'est un sujet trop sensible pour m'étaler dessus, il n'y a pas d'enfants à point c'est tout.
— Protège-le de tout ça.
Je ne sais pas si elle parle de Rafael ou si elle voulait simplement terminer sa phrase mais je me contente d'acquiescer.
— Santiago je pense que tu as assez de bonbons pour remplir les poches de toutes les vestes de ta penderie ! Dis-je en réalisant que l'enfant dévalise le magasin.
— Je crois que nous devrions retourner auprès de Rafael et Guillermo, rit Madame Sanchez.

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant