Les premiers mouvements de Rafael m'ont réveillé. Je sens sa jambe lourde se défaire de moi et le poids du matelas s'alléger quand il se lève enfin. Je reste immobile, les yeux fermés. Nos réveils n'ont pas sonné et je suis certaine qu'il nous reste une bonne heure de sommeil avant que ça n'arrive. Néanmoins Rafael quitte la chambre. Je me redresse et m'empares de mon téléphone pour regarder l'heure. C'est bien ce qui me semblait. Je remonte la couverture et ferme les yeux, peut-être est-il simplement parti aux toilettes.
Quinze minutes sont passées et Rafael n'est toujours pas de retour. Je devine alors que sa nuit est finie, je suis maintenant trop réveillée pour me rendormir aussi.
Arrivée dans le salon, je le vois enveloppé d'un plaid, les cheveux dans tous les sens, des poches sous les yeux, il fixe la télévision. Il semble manquer de sommeil et pourtant il n'a pas voulu rester une minute de plus dans le lit avec moi.
— On peut discuter ? Lâchais-je toujours dans l'encadrement de la porte.
— On a discuté hier soir, je t'ai dit que c'était ton choix, je n'ai plus mon mot à dire sur tout ça.
Il n'a pas détaché son regard de la télévision une seconde.
— Tu sembles pourtant me faire comprendre que le garder met fin à notre relation. Je n'ai pas vraiment le choix.
Il tourne la tête et me regarde avec un air dédaigneux.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Partager le même lit devient trop difficile pour toi après quelques heures seulement, qu'est-ce que les prochains mois annoncent ?
Il se mord l'intérieur de la joue.
— Les prochains mois ? Tu as donc pris ta décision.
Je ne réponds pas à sa question, je déteste discuter avec lui quand il est dans cet état.
— J'ai quitté le lit parce que j'ai besoin de réfléchir à tout ça, et que je suis incapable d'être près de toi sans te toucher où vouloir te sentir contre moi. C'est tout. Ne va pas chercher je ne sais quelle explications stupide.
Son ton est froid.
— Je sais que c'est ma décision, mais nous sommes un couple, je ne peux pas simplement décider et t'imposer quelque chose dont tu ne veux pas.
Il détourne le regard, sans nier qu'il ne veut pas de cet enfant, je sens déjà que cette conversation va tourner au vinaigre.
— Et je ne veux pas t'obliger à renoncer à cette grossesse pour moi, l'idée que tu passes ta vie à regretter cet enfant chaque fois que tu poseras les yeux sur moi me rend malade.
Je viens m'asseoir sur le canapé, laissant un espace conséquent entre nous.
— Tu l'aimeras ? Si je venais à le garder ?
— Quel père n'aimerait pas son enfant.
— Un tas, soufflais-je faussement amusée.
Rafael lève les yeux et les plisse s'excusant de sa remarque stupide.
— J'ai été cet enfant non désiré, et même si je m'en suis plutôt bien sortie je ne souhaite ça à personne d'autre.
Il hoche lentement la tête.
— J'ai besoin qu'on fasse un pas l'un vers l'autre, ajoutais-je, que tu me dises ce que tu veux vraiment.
— En théorie, je veux cet enfant avec toi.
Mon cœur se met à battre à nouveau, ces simples mots suffisent à me couper cette envie de pleurer qui menace depuis mon réveil.
— Mais je ne veux pas qu'il soit élevé et grandisse dans ce monde.
Il me rappelle que bien qu'il soit maintenant leader et à la tête des Scorpions il n'est pas certain à 100% de pouvoir épargner l'héritage du gang, il ne veut pas prendre le risque.
— Et si on prend l'exemple de mon frère aîné, il a toujours voulu être un Scorpion, et devenir leur leader était son rêve. Quoi que nos parents auraient pu dire.
Il m'explique les choses de façon simple et concise, sans colère.
— Tu ne veux pas que ton enfant vive ce que tu as vécu en étant abandonné, je ne veux pas que le mien vive ce que j'ai vécu en faisant partie de ce milieu atroce.
Nous voilà tous les deux sur une pente glissante. Quoi que l'on choisisse, l'un des deux n'y trouvera pas son compte.
— On sait tous les deux que tu as déjà pris ta décision Ruby.
Je reste de marbre, même si je ne veux pas l'admettre, l'idée de me séparer de cet être qui grandit en moi ne m'a pas vraiment traversé l'esprit. Je sais que je pourrais, mais je n'en ai pas envie. Ma seule préoccupation était de faire changer d'avis à Rafael.
— Je veux le garder.
Il tape sur ses cuisses et se lève du canapé.
— Comme ça les choses sont claires.
— Rafael !
Je ne veux pas qu'il quitte la pièce, pas avant de savoir ce qu'il en est de tout ça, de nous.
— Qu'est-ce qu'on va faire ?
Il revient sur ses pas et se plante devant moi, l'air décidé.
— J'ai réfléchi à cette éventualité hier soir, parce que j'étais certain du choix que tu prendrais.
Ma respiration ralentit.
— On va te trouver un appartement en dehors de la ville, quelque chose d'assez éloigné à une heure ou deux. Tu trouveras facilement un travail, de toute façon je paierai toutes les charges de ma poche, ce n'est pas un problème.
Comme un coup de poignard en plein cœur, il savait très bien ce qu'il avait décidé lui aussi. Mes yeux s'embuent, incapable de me contenir.
— J'arrive pas à croire que tu me fasses ça, sifflais-je.
Il ne semble pas plus chamboulé par ma colère que ça.
— On se retrouve dans une situation que nous n'aurions jamais imaginé Ruby, je dois faire avec.
Il se tourne, mais je me lève furieuse.
— Je croyais que notre relation pouvait résister à tout ! Finalement ce n'est pas moi la lâche qui abandonne au premier imprévu.
— Arrête...
Il n'a plus envie de discuter mais je refuse de terminer la conversation sur ça.
— Alors c'est ça, c'est toi où le bébé ?
Rafael fait volte face et me pointe du doigt.
— Je n'ai jamais dit ça !
Il explose, bien qu'il essaie de se contenir du mieux qu'il peut.
— J'ai choisis de t'aimer, quoi qu'il nous en coûte. Ce bébé fait partie de ce contrat.
Je ris au mot « contrat », il aurait appelé ça une corvée que ça aurait été plus réaliste.
— Maintenant ce n'est plus toi uniquement que je dois protéger, mais lui aussi.
Il baisse très brièvement les yeux sur mon ventre avant de se passer la main sur le visage.
— Mais je ne peux pas gérer tout ça, t'éloigner sera bien plus prudent.
Je me mord la langue pour ne pas dire quelque chose que je regretterais et reprends d'un ton plus calme :
— Et nous ? Toi et moi ?
Il soupire et relâche ses muscles.
— Je ne sais pas Ruby, vous ne serez pas loin, je viendrais vous voir chaque fois que je le pourrais.
Il se ment à lui-même et à moi aussi. Entre le travail et sa place chez les Scorpions Rafael n'aura pas une minute pour lui, encore moins s'il doit faire des heures de route pour venir jusqu'à nous.
Alors voilà où nous en sommes, après tant de temps, tant d'épreuves. Il préfère trouver une solution bidon dont il ne croit pas lui-même au fonctionnement plutôt que de tout arrêter.
J'ai raison, c'était lui où le bébé. Et ça me fait mal de savoir que c'est lui que je veux, entièrement, sans aucune hésitation. Mais il a raison, je passerais peut-être les prochaines années à le détester de m'avoir poussé à avorter. Et je refuse de lui faire porter le poids de mon choix.
Je poursuivrais cette grossesse mais il n'aura pas besoin de s'en inquiéter.
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Dusk 'till Dawn
RomanceRuby n'imaginait pas une seconde qu'en quittant San Francisco pour s'installer à San Diego, sa vie allait basculer. Tout semblait pourtant ordinaire : une chambre chez un couple de retraités, un petit boulot dans une boutique, quelques heures de sou...
