Chapitre 13

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Je ne vais pas mentir, je passe une bonne soirée. Lucrecia passe nous voir de temps en temps, nous informant que Rafael ne nous lâche pas des yeux. Elle qui trouvait notre plan stupide a fini par admettre qu'il ne l'était pas tant que ça. Malgré tout, Rafael n'a montré aucun signe de quelconque jalousie. Il ne fait que regarder dans notre direction, se demandant probablement ce que je fais avec un autre membre des Scorpions.

Le temps file et j'ai l'impression qu'on n'avance pas. Le feu d'artifice va commencer d'ici une grosse demi-heure.
— On devrait aller trouver une place au bord du lac avant qu'il fasse nuit, lance Javier.
Je l'arrête, dépitée.
— Notre plan a complètement foiré, il vaut mieux qu'on arrête maintenant avant que ça devienne ridicule.
Le feu d'artifice est la touche finale de la soirée, tout le monde va partir après ça.
— Rafael ne fera pas d'esclandre devant autant de gens.
Il s'approche de moi et pose ses mains sur mes hanches.
— Je n'ai pas envie de te gifler donc tu ferais mieux de retirer tes mains de là, sifflé-je.
Il ne m'écoute pas, il ne fait que vérifier que Rafael nous regarde bel et bien.
— Viens, il va nous suivre.
Javier lâche mes hanches et me tire par la main. Je résiste, répétant que notre plan ne fonctionne visiblement pas et qu'il faut savoir laisser tomber. À vrai dire je préférerais qu'on oublie tout ça et qu'on s'en aille simplement.
— On est à deux doigts, fais moi confiance! Insiste-t-il.
Je récupère violemment ma main.
— Je t'ai dit non !
J'ai parlé un peu fort, un couple est passé à côté de nous en nous dévisageant. Javier regarde à nouveau au-dessus de mon épaule brièvement.
— On a fait un marché, ce n'est pas en laissant tomber que tu vas le récupérer.
Je prends une longue inspiration.
— Tu sais quoi, je m'en fous. Je m'en fou de Rafael et de tout le reste. Si je suis obligée de passer par un subterfuge aussi stupide pour savoir ce qu'il ressent pour moi c'est que ça n'en vaut pas la peine. Je laisse tomber.

Je perds définitivement patience quand il me fait les gros yeux et tente une dernière fois de me tirer avec lui.
— Javier putain !
Reculant d'un pas je me heurte contre quelque chose, ou plutôt quelqu'un.
— Je pense que tu devrais la laisser tranquille, intervient Rafael.
Je réalise alors qu'il a fait exprès d'insister autant, voyant probablement que Rafael nous regardait nous disputer et sachant qu'il interviendrait. Javier a gagné, Rafael est venu prendre ma défense en public il ne lui en faudra pas plus pour que Greg lui donne son argent.
— C'est bon mec, c'est un malentendu.
Rafael passe devant moi, les yeux noirs il s'adresse à nouveau à Javier.
— Casse-toi mec et laisse là.
Je tire gentiment Rafael en arrière.
— Laisse tomber, c'est un malentendu, il dit la vérité.
Javier ne baisse pas les yeux, il n'est pas impressionné par Rafael, en tout cas, s'il l'est, il ne le montre pas.
— Ruby, tu peux lui dire s'il-te-plaît.
Je le fusille du regard, sale traître.
— Non tu sais quoi, démerde toi ! Je veux plus de cachotteries, plus d'histoires débiles. Je me tire !
Rafael m'arrête sans efforts.
— M'expliquer quoi ?
Il attend une réponse de ma part à moi, génial. Je vais devoir m'y coller. Je regarde une dernière fois Javier qui ne semble pas décidé à m'aider.
— Javier a parié sur toi et il va devoir donner cinq cents dollars s'il n'arrive pas à prouver que tu as des sentiments pour moi. Et il m'a convaincu de l'aider. Mais tu sais quoi, c'est stupide et super malsain. Je me fiche de savoir si tu ressens réellement quelque chose pour moi, je ne veux pas me foutre dans des histoires aussi tordues.
Alors que je m'attendais à une réaction sèche de sa part, je le surprends à sourire.
— Javier vendrait sa mère contre une liasse de billets mais toi Ruby... C'étaient quoi tes motivations exactes ?
Il lance un regard amusé à Javier avant de me toiser en s'humectant les lèvres d'une façon qui me fait frissonner.
— Tu sais si tu es amoureuse de moi, tu peux le dire directement, plutôt que de monter des plans farfelus avec mon meilleur ami.
Je fais volte-face, Javier ? Son meilleur ami ?
— Je ne sais pas comment j'ai pu imaginer une seconde que c'était une bonne idée.
Je les laisse tous les deux et m'éloigne à grands pas. Je ne sais pas vraiment où je vais mais j'y vais. Je me suis ridiculisée devant Rafael, encore. Il a encore pris son fichu air supérieur, encore. Qu'est-ce qui m'est passé par la tête ? Je savais depuis le début que c'était une erreur. Javier m'a eu avec son histoire sur Rafael qui guettait devant chez moi. Histoire probablement fausse d'ailleurs. Il voulait son argent et il m'a manipulé pour arriver à ses fins. Rafael avait raison : ne faire confiance à personne.

Je suis stupide.

Je m'enfonce dans une petite forêt en bordure du lac, à l'opposé des gens qui vont s'installer pour le feu d'artifice. Je ne veux croiser personne.
— Ruby.
Putain mais comment il peut être aussi rapide ? Il discutait avec Javier quand je suis partie.
— Laisse-moi.
Je suis en colère, pas contre lui mais contre moi-même. Rafael arrive à ma hauteur et me passe devant.
— Tu vas où comme ça ? Y'a rien au bout de ce chemin et il va faire nuit tu vas te perdre.
Je regarde autour de moi et réalise que je me suis déjà bien trop enfoncée dans cette forêt.
— Si tu es venu pour me jeter au visage que je suis pitoyable tu peux partir.
Il lève les yeux et soupire.
— J'ai d'autres passions dans la vie tu sais, me moquer de toi n'est pas mon unique passe-temps.
Je fuis son regard, encore trop honteuse de ce qu'il s'est passé.
— Javier a réussi à te faire marcher dans un de ses plans foireux, il est plus convaincant que je ne l'aurais pensé.
J'ai envie d'être une petite souris et me faufiler dans un trou.
— Tu voulais savoir si j'avais des sentiments pour toi ?
Je ne réponds pas, il fait exprès de poser la question pour que je sois mal à l'aise, c'est décidé : je le déteste.
— Oublie tout ça ok ?
Il avance d'un pas, cherchant mon regard.
— Non Ruby, je ne vais pas oublier.
Il prend tout d'un coup un ton sérieux.
— Qu'est-ce que tu veux de moi ? Demande-t-il.
Je déglutis et lève finalement la tête, pour lui faire face.
— Un jour tu me dis de sortir de ta vie et le lendemain tu essaies de me rendre jaloux avec Javier.
Je croise mes bras, nerveuse.
— Tu me fais passer pour celui qui ne sait pas ce qu'il veut mais t'es pas mieux que moi au fond.
Je n'ai rien à répondre, il a raison et je ne veux pas être de ces gens qui argumentent juste pour ne pas admettre leurs torts. Je baisse alors à nouveau la tête sans bouger, espérant qu'il clôt cette conversation. Ses doigts glissent doucement le long de ma mâchoire jusqu'à mon menton qu'il remonte délicatement. Je me plonge à nouveau dans ses yeux foncés.
— À l'avenir, si tu veux savoir ce que je ressens pour toi, demande-le moi directement. Je ne suis pas bavard mais je ne suis pas un menteur.
Il relâche mon menton et passe derrière moi afin de repartir. Je presse mes paupières, un sentiment de regret m'envahit, quelque chose que je déteste ressentir. Je me tourne alors, il n'est qu'à quelques pas.
— Une dernière question et je te laisse tranquille, dis-je à son attention.
Il s'arrête net, toujours dos à moi. Je baisse légèrement ma voix.
— Est-ce que je dois définitivement faire une croix sur toi ? Sur ce qu'on pourrait être ?
Je vois son poing se serrer, il passe son autre main dans ses cheveux et se tourne.
— C'est tellement compliqué Ruby...
Je ris nerveusement, j'aurai dû voir cette réponse venir.
— D'accord, c'est tout ce que j'avais besoin de savoir, j'ai compris.
J'entreprends de sortir de cette forêt et de passer devant lui mais il se place devant moi. Son regard passe de mes yeux à ma bouche, je peux lire sur son visage qu'un
millier de choses lui traversent l'esprit.
— Je suis soulagé de savoir qu'il n'y a rien entre Javier et toi, finit-il par dire.
J'arque un sourcil, c'est un début.
— Tu ne me laisses pas indifférent, t'as pas besoin que je te le dise.
Ça ne me suffit pas.
— Tu passes ton temps à montrer l'inverse, je ne sais pas ce que je dois croire. Le Rafael romantique qui m'emmène à Pacific Beach où celui qui est capable de m'ignorer des jours entiers comme si de rien était ?
Je repense à mes nuits horribles à me demander s'il allait bien alors qu'il se fichait éperdument de moi.

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant