Chapitre 15

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  Rafael dort profondément, sa jambe sur moi. Le visage écrasé contre son oreiller et la bouche entre ouverte. Je le regarde un instant et ne peux m'empêcher de sourire. Je repousse doucement sa jambe et je sors du lit. Il faut que je finisse le glaçage du gâteau et que je petit-déjeune avant de rentrer chez moi.

Les marches craquent doucement, je viens seulement de finir le gâteau quand Rafael descend.
— Tu es matinal, fait-il remarquer.
Il entre dans la cuisine et se sert une tasse de café avant de venir se placer derrière moi pour contempler mon travail.
— C'est parfait, je te remercie.
Il m'embrasse l'épaule et s'assoit à côté de moi.
— Il faut que j'aille au centre commercial lui acheter un cadeau, tu veux venir avec moi ?
Je vérifie une dernière fois que mon glaçage n'a pas de défaut et regarde l'heure.
— Non je vais rentrer avant d'aller à l'association, j'y passe l'après-midi.
Il semble surpris que je veuille rentrer maintenant mais il ne bronche pas.
— D'accord, tu veux prendre ta douche avant de partir ?
Je réponds à nouveau par la négative. Il n'ajoute rien de plus. Je monte jusqu'à la chambre et me change pour remettre mes vêtements de la veille. Je récupère mon sac et descend prévenir Rafael que je pars. Il se lève, sa tasse de café vide dans la main.
— Tu souhaiteras bon anniversaire à Santiago de ma part ?
Il ramène sa tasse dans l'évier avant de revenir me voir, les bras croisés sur sa poitrine. Ses muscles ressortent d'autant plus, ses tatouages bien visibles. J'essaie tant bien que mal de ne pas le reluquer.
— Ouais je lui dirais...
Il paraît soudainement très distant.
— Bonne journée, ajouté-je.
Il hoche la tête et me raccompagne à la porte qu'il garde ouverte.
— À la prochaine, se contente-t-il de dire.


Lucrecia semble épuisée, ses longs cheveux sont attachés en queue de cheval négligée et les cernes bleues autour de ses yeux sont l'unique touche de couleur sur son visage blafard.
— Tu t'entraînes pour jouer le rôle d'une SDF ?.
Elle lève les yeux et se frotte le crâne.
— La sœur de Bruce est à la maison avec ses enfants pour deux semaines, raconte Lucrecia, et ils ne dorment JAMAIS.
Elle s'assoit sur une des chaises, un dossier en main.
— Ils ont quel âge ?
Elle compte sur ses doigts.
— Un an et demi, trois ans et six ans. Le plus petit ne fait pas ses nuits, celui de trois ans se réveille à l'aube et celle de six ans ne veut pas se coucher le soir, dit-elle en soupirant, Leur papa est militaire et il est en mission pour trois mois, je pensais qu'on soulagerait la soeur de Bruce en l'aidant pendant deux semaines mais la vérité c'est que je ne dors pas plus de cinq heures par nuit depuis qu'ils sont là.
J'imagine qu'accueillir des enfants dans une maison qui est toujours très vide est très calme doit sacrément changer leur quotidien. Je ne sais pas comment je réagirais à sa place.
— Parfois je me sens coupable de ne jamais avoir eu d'instinct maternelle, commence-t-elle, mais quand je vois les enfants de ma belle-sœur je change directement d'avis. Je ne veux pas d'enfants, c'est définitif.
Je souris simplement à sa remarque.
— Tu peux toujours dormir une nuit ou deux à l'hôtel, ça te fera du bien.
Elle secoue frénétiquement la tête.
— Bruce me tuerait si je le laissais tomber, c'était mon idée après tout, je dois l'assumer.
Elle regarde l'heure sur son téléphone et se frotte une énième fois le crâne.
— Je pensais que Rafael venait aujourd'hui, je voudrais qu'il s'occupe de la paperasse à ma place pour les prochains jours. Je vais faire n'importe quoi avec le manque de sommeil.
Je lui aurais bien proposé de l'aider à ce niveau, mais je ferais plus de bêtises qu'autres choses j'en suis sûre.
— C'est l'anniversaire de Santiago aujourd'hui, il viendra sûrement demain.
Son visage s'illumine.
— Ah oui vous avez passé la nuit ensemble, comment ça s'est passé ?
Elle grimace et reprend directement ;
— Aucun détail s'il-te-plaît, Rafael est comme mon petit frère.
Je ris.
— On a passé un très bon début de soirée.
Le souvenir de l'orgasme que m'a offert Rafael me fait de nouveau frissonner.
— Et puis les Scorpions ont débarqués et j'ai dû attendre là-haut qu'il ait fini avec eux.
Elle fait la moue.
— Oh je comprends...
J'hésite à lui parler de ce qui me travaille. Ce qu'il a dit à Javier. Puis je réalise que je n'ai personne d'autre à qui en parler et qu'il vaut mieux que ça sorte. Lucrecia m'écoute attentivement, bien que mes plaintes me paraissent bêtes et futiles.
— Rafael est pudique au sujet de ses sentiments, ce n'est peut-être pas aussi profond que tu le penses.
Et pourtant je n'arrive pas à penser à autre chose. Peut-être que je me fais trop d'idées. Après tout on a dit qu'on se donnait une chance pas qu'on était dans une vraie relation. Je ne sais même pas si on est supposés être exclusifs.
— Je devrais peut-être ralentir un peu.
— Tu devrais surtout éviter de trop penser.
Mais je ne peux pas m'en empêcher. J'ai eu d'autres relations avant, mais je ne me suis jamais laissé emporter si rapidement : je savais à quoi m'en tenir. Rafael c'est différent, il s'est faufilé sous ma peau et l'idée même qu'il s'en échappe m'angoisse. Pourtant je sais, je sais qu'il ne faut jamais s'attacher, il ne faut jamais laisser quelqu'un d'autre être responsable de notre propre bonheur : parce qu'à la fin, on est seuls, toujours.

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant