Chapitre 48

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J'ai été incapable de le dire à Rafael hier.
Encore sous le choc, j'ai passé l'après-midi à penser à ce que je venais d'apprendre. Je suis enceinte. Enceinte.
Mon fiancé a néanmoins remarqué que quelque chose n'allait pas, j'ai prétexté avoir des règles douloureuses. Mais il sait qu'il ne s'agit pas uniquement de ça. Pour ne pas me contrarier, il a simplement évité le sujet. Mais je ne pourrais pas lui mentir indéfiniment.
J'ai essayé de prendre une décision concernant la grossesse, mais je ne peux pas réfléchir de manière censée sans en parler avec Rafael. Je sais que les choses vont mal tournées, il va flipper et ça ne va pas arranger les choses. Mais je ne peux faire autrement, j'ai besoin d'en discuter avec lui et de poser des mots sur la situation.
J'ai reçu le résultat de la prise de sang, sans surprise c'est bel et bien écrit que je suis enceinte. De deux mois et trois semaines.
— Eh t'es complètement ailleurs aujourd'hui ! Me lance Jules en riant.
Je souris et lui répond que je rêvais.
— Tu prends le groupe d'étude où tu veux venir en sport avec moi ?
Rafael intervient et coupe court à la conversation.
— Etude, avec moi, comme d'habitude.
Jules roule les yeux, Rafael n'en prend pas compte, même fiancés il n'apprécie toujours pas que je passe du temps avec lui.
— Tu ne vas jamais en sport, qu'est-ce qui lui prend ? râle-t-il à voix basse en passant son bras autour de moi.
Je le suis jusqu'à la salle d'étude dans laquelle nous nous installons.
— Comment tu te sens aujourd'hui ? Je ne t'ai presque pas vue de la journée.
Rafael avait un tas de papiers à gérer avec Lucrecia, ce qui m'a permis de ne pas avoir à cacher mon affreux mensonge qui doit facilement se lire sur mon visage (et bientôt sur mon ventre).
— Mieux, dis-je sûre de moi.
C'est faux. Je me suis mise à pleurer sous la douche ce matin et je n'ai pas touché à mon repas de ce midi.
— Super.
Il m'embrasse le haut du crâne. Les enfants pénètrent dans la salle, nous les saluons chaleureusement et pouvons commencer à les aider à étudier.
Quarante minutes sont passées, les enfants commencent petit à petit à quitter la salle. J'aide Ines à apprendre la fin de son poème et l'applaudit quand celle-ci achève la dernière phrase.
— Tu n'as plus qu'à le relire ce soir avant de dormir et tu seras prête pour avoir une bonne note demain.
La jeune fille me remercie, enjouée, et quitte rapidement la salle d'étude pour aller jouer avec ses amis. Je suis alertée par un pleure, celui de Lucas, un petit garçon de 6 ans qui discute avec Rafael.
Le petit blondinet renifle silencieusement pendant que mon fiancé essaie de lui remonter le moral.
— Ce n'est pas grave d'avoir des difficultés bonhomme, dit-il en essayant de capter son regard, ça ne veut pas dire que tu ne vas pas t'améliorer.
Il prend l'enfant et le soulève pour l'assoir sur la table. Je sais que je ne devrais pas penser à ça, mais les cheveux blonds de l'enfant me font penser à ceux de Rafael, bien que ceux du petit soient bien plus clairs. C'est comme s'il parlait à un mini-lui.
— Moi aussi j'avais beaucoup de lacunes, mais j'ai travaillé pour réussir. Le travail paie toujours, assure-t-il.
Le petit hoche la tête, peu convaincue.
— Est-ce que tu veux... un câlin ?
Je sais que Rafael n'est pas très adepte des démonstrations d'affection avec des gens qui ne lui sont pas proches, mais il fait l'effort et je trouve ça terriblement craquant.
— Oui.
Rafael ouvre les bras et le petit se glisse dedans. Mon fiancé caresse gentiment la tête du petit blond et lui murmure que tout va bien. Mon cœur fond littéralement et je tourne la tête pour ne pas me faire griller en train de retenir mes larmes.
— Tu veux aller jouer avec les autres ? On fera les maths demain.
L'enfant se détache et s'essuie le nez avant de remercier Rafael et ranger ses affaires.
— C'était très attentionné de ta part.
Rafael se lève et me sourit, il tire sur sa chemise et se rend compte qu'une petite tâche de morve est apparue près de son col.
— Oh non c'est dégueu, dit-il à voix basse pour que Lucas n'entende rien.
L'enfant s'en va et Rafael se précipite vers une boîte de mouchoirs pour en essuyer la tâche.
— Ils sont mignons, mais tout ce qui concerne la morve et le caca ça me répugne au plus au point.
Il me montre son air dégoûté.
— Heureusement pour nous, tu n'as pas de frères et sœurs et j'ai des années devant moi avant de m'inquiéter à l'idée que Santiago ne me ponde un neveux ou une nièce.
Je déglutis et l'interpelle.
— Si tu n'as pas d'enfant, ce sont ceux de Santiago qui devront prendre la relève après toi.
Rafael pouffe et me répond qu'arriver à l'âge d'avoir des enfants Santiago aura été bien plus intelligent que lui et se sera barré à l'autre bout du monde.
— Tu crois ?
Il acquiesce.
— De toute façon je refuse de perpétuer cette loi débile. Mon successeur sera la personne qui le méritera, pas un descendant de ma famille.
Je m'arrête, surprise.
— Tu as le droit de changer les règles ?
Il hausse les épaules.
— Je suis leader Ruby, qui m'en empêchera ?
Soudain, une vague d'incompréhension m'envahit. S'il savait depuis le début qu'il pouvait mettre un terme à cette tradition stupide, pourquoi n'a-t-il pas simplement accepté de devenir chef pour empêcher ses propres enfants de lui succéder ? Et si tout cela n'était qu'un prétexte, et si Rafael n'avait simplement jamais eu envie d'enfants. Je me retrouverais privée d'une des choses que je désire le plus uniquement par égoïsme.
— Je dois aller aux toilettes, prétextait-je.

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant