Chapitre 33

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Le jour de l'an est passé, l'enterrement de Javier aussi. Cette année ne commence pas vraiment comme nous l'avions imaginé. J'ai prévenu Marissa, qui était bien évidemment bouleversée. Elle m'a demandé comment, moi, je me sentais. Je lui ai répondu que j'allais bien. Lucrecia m'a posé la même question, avant de me demander comment Rafael allait. La vérité c'est qu'il va mal et que je ne sais pas quoi dire ou quoi faire pour changer les choses. Il se nourrit à peine, ne trouve pas le sommeil, ne parle presque plus. Et je reste là, spectatrice de sa peine. Lucrecia m'a assuré que les choses allaient s'arranger au fur et à mesure et qu'il lui fallait juste le temps de faire son deuil. Chaque nuit, il me tient contre lui, il ne me dit plus qu'il m'aime mais il me le montre. Il me le montre en s'efforçant de sourire quand je lui dis bonjour, malgré le fait qu'il n'en a pas envie. Il me le montre en se retenant de pleurer chaque fois qu'il pense à Javier. Il me le montre en s'assurant de me demander chaque jour comment s'est passé ma journée.

Il n'est allé voir les Scorpions qu'une seule fois depuis l'enterrement. Je crois qu'il n'a pas envie de débarquer là-bas et de chercher automatiquement Javier du regard. Je le comprends. Il s'est excusé auprès de ses parents, au téléphone, pour son attitude au repas de noël. Paloma lui a assuré qu'il n'y avait aucun problème et qu'elle savait par quoi il passait. C'est injuste, injuste pour Rafael. Il n'a pas uniquement perdu le frère que la vie lui avait donné, il a aussi perdu celui qu'il avait choisi. Je me montre le plus présente pour lui, espérant qu'il réalise que je serais là, quoi qu'il arrive.

Cette nuit il a dormi deux heures, peut-être trois. Heures durant lesquelles il était très agité. Je lui ai demandé de quoi il avait rêvé, il m'a répondu qu'il ne s'en souvenait plus. Je sais qu'il ment, je sais qu'il revit encore et encore cette nuit où il pense avoir raté quelque chose.

Voilà un mois que Javier est mort, Rafael parle un peu plus, il s'alimente à nouveau. Mais son regard est toujours éteint et je n'ai pas entendu son rire depuis ce qui me semble être une éternité. Il est parti à une réunion avec les Scorpions ce matin, un mois après tout ça, il n'en avait pas vraiment envie mais je crois qu'il n'avait pas le choix. De ce que j'ai compris, la nouvelle année n'a pas apaisé les Requins et il leur faut un plan pour les contrer avant que les choses ne virent encore au bain de sang. S'ils peuvent faire autrement.
Il est rentré sous les coups de 17H, et a directement rangé son arme dans le coffre prévu à cet effet. Il ne se déplace plus sans depuis le soir de noël. Si ce n'est pas sur lui, c'est dans la boîte à gant de la voiture. Il refuse aussi que je ne me déplace sans lui. Alors Lucrecia à fait en sorte que nos heures de travail coïncident, et je ne vais jamais rendre visite aux Fuentes sans qu'ils m'accompagnent. Eux aussi ont appris pour Javier, ce gamin pas méchant qui traînait dans le quartier depuis vingt ans. Ils ont présenté leurs condoléances à Rafael qui n'a pas dit un mot. Il évite le sujet, encore trop sensible.
— Ca s'est bien passé ? Demandais-je sans vraiment attendre une réponse positive.
Il retire ses chaussures et vient s'asseoir sur le canapé à côté de moi.
— C'est la merde, souffle-t-il.
Je ne sais pas s'il ne veut pas s'étaler sur le sujet où s'il pense que je m'en fiche, mais j'essaie d'approfondir.
— Qu'est-ce que vous comptez faire ?
— Rien.
Je fronce les sourcils.
— Rien du tout ?
Il me lance un regard de travers.
— Oui rien, parce que mon oncle pense qu'on ne ferait qu'ajouter de l'huile sur le feu.
— Et qu'est-ce que tu en penses ?
Il s'humecte les lèvres et hausse les sourcils.
— J'en pense qu'on ne peut pas livrer une guerre en restant tranquillement chez soi.
— Une guerre... Tu ne trouves pas que...
Je sais que j'aurais dû le laisser parler et me taire, il hausse directement le ton.
— Ils ont tués Javier putain ! On est supposés rester là, les bras croisés ?
Il se lève, furieux.
— Je n'arrive pas à croire que tu penses comme lui !
Je me lève à mon tour.
— Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, corrigeais-je, mais qu'est-ce que tu veux faire ?
— Ils ont commencé, on va finir.
Je sens mon cœur s'accélérer.
— C'est-à-dire ?
Il réfléchit une seconde à s'il doit vraiment dire ce qui lui passe par la tête.
— Tu sais très bien ce que je veux dire.
Je m'avance et lui fait face.
— Tu ne le pense pas sincèrement ?
— Ce sont leurs vies où les notre Ruby.
Il me regarde droit dans les yeux, prêt à m'envoyer chier comme il a dû le faire avec son oncle durant cette réunion qui ne s'est définitivement pas terminée comme il le fallait.
— Ils n'ont pas hésité une seconde à tuer Javier, et s'il n'avait pas été sur la moto derrière moi c'est moi qui les balles auraient touchés.
Je secoue la tête.
— Alors c'est ça ? Tu te sens coupable de sa mort ? Mais tuer des Requins ça n'arrangera pas ta culpabilité Rafael.
— Pourquoi eux auraient le droit de vivre un jour de plus alors que Javier n'est plus là ? hurle-t-il en me prenant par les épaules.
Il se rend compte de son geste et relâche sa prise.
— Pense à ceux qui comme toi et Javier n'ont pas eu le choix de rentrer dans un gang, ils ne méritent pas de mourir.
Il serre la mâchoire, ne sachant pas quoi répondre.
— On doit abattre leurs chefs.
Je secoue la tête et détourne le regard.
— Je ne veux pas t'entendre parler comme ça.
Il me prend le visage et me force à le regarder.
— C'est ma réalité Ruby, si tu ne l'accepte pas personne ne te retient.
La rapidité avec laquelle il a répondu me laisse imaginer qu'il attendait un moment pour me balancer cette phrase. Il met un temps, trop long, avant de réaliser qu'il vient de me blesser. Mais il est hors de question que je le laisse avoir ce qu'il veut. Il a tort, je ne compte pas partir.
— C'est notre réalité, corrigeais-je.
Je suis certaine d'avoir entendu sa respiration s'apaiser à ma réponse. Il relâche mon menton.
— Mon oncle refuse qu'on passe à l'action de toute façon, reprend-t-il.
Pour une fois, je trouve que son oncle réagit bien.
— Mais il va le falloir.
Je passe une main dans ma nuque.
— Et qu'est-ce que tu comptes faire au juste ? Lui désobéir ?
Il se tait, bien trop longtemps pour que ça soit bon signe.
— Rafael...
— Peut-être que mon père a raison après tout, peut-être que les Scorpions ont besoin d'un nouveau leader.
Je presse mes paupières et me retient de l'insulter.
— Non mais tu entends ce que tu dis ? Me mis-je à crier, tu déteste cette vie ! Tu tiens tête à ton père en lui disant que tu ne veux plus être un Scorpion il y a tout juste un mois et maintenant tu parles de devenir leurs leader ?
Je suis fatiguée de cette conversation, j'ai l'impression que ma tête va exploser.
— Tu l'a entendu comme moi, je n'ai pas le choix. Alors si je dois subir tout ça, autant le faire bien et éviter que ça coûte la vie à quelqu'un d'autre.
Je secoue la tête et lui réponds qu'il a tort de penser comme ça.
— Il faut que quelqu'un s'y colle !
— Pourquoi toi ?
— Pour Enrique, et pour Javier.
Je n'ai plus de réponse à donner, sa voix s'est brisée en prononçant les deux derniers prénoms.
— Ils sont morts et moi je suis en vie, je ne peux pas les laisser tomber.
— Être heureux et faire ta vie ne signifie pas les laisser tomber Rafael, au contraire, je suis certaine que c'est ce qu'ils auraient voulu.
— Mais je n'ai aucune raison d'être heureux.
Cette fois il est allé trop loin, je baisse les bras. Il m'avait prévenu depuis le début, j'aurais dû l'entendre, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.
— J'oublie parfois qu'on ne s'est pas promis l'éternité, quelle idiote je peux faire.
Il s'avance et me prend par les poignets.
— Ruby...
— Non. Tu as raison. Tu n'as rien, ni personne. Plus de de grand frère, plus de meilleur ami, pas de future descendance. À quoi bon après tout ?
Il soupire et je me déteste de rapporter tout ça à moi, mais Rafael n'a pas le droit de se condamner pour les autres. J'essaie de me défaire de son emprise mais il tient fermement mes poignets.
— Lâche-moi, ordonnais-je.
Son regard s'adoucit, il secoue la tête. Je détourne les yeux, en colère.
— Je sais que ce n'est pas facile pour toi, tout ça.
Je réponds froidement que ce n'est pas ce que je vis qui compte, et je le pense. Il délaisse un de mes poignets pour caresser mon visage. La douceur de son contact m'oblige à le regarder à nouveau dans les yeux, yeux qui ne dérougissent pas vraiment depuis trente jours. Il relâche mon second poignet et vient placer sa main au creux de ma hanche.
— Je suis complètement perdu, souffle-t-il.
Mon corps se rapproche du sien, son souffle chaud glisse sur mon visage.
— Mais dans tout ce chaos, tu es là, dit-il avec un léger sous-entendu de surprise.
Sa bouche effleure la mienne, comme pour y demander l'accès. J'entrouvre les lèvres et le laisse m'embrasser.
— Je ne veux pas que tu partes, tu es la seule chose qui me fait tenir, dit-il entre deux baisers.
Sa main se resserre sur ma hanche et je cherche encore sa bouche.
— Je ne t'ai pas promis l'éternité, mais j'en crève d'envie.
Sa langue vient rencontrer la mienne, nous n'avons pas fait l'amour depuis si longtemps que je ne me souvenais plus du goût de sa salive, ni même de l'effet que son simple toucher peut avoir sur moi.
— Je t'aime Ruby, plus que c'est humainement possible.
Il me tient un peu plus fort, sa main glissant sous mon t-shirt et caressant la peau de mon ventre. Je relève le bas de son t-shirt et passe ma main sur la bosse de son jogging. Il laisse échapper un gémissement d'excitation et me pousse sur le canapé. Il retire alors son t-shirt. Je ne peux m'empêcher de regarder toutes ces parcelles de peaux arrachées par sa chute à moto, tous ces tatouages remplacés par une croûte fine qui va bientôt disparaître. Il vient s'agenouiller entre mes jambes pour m'embrasser le ventre qu'il découvre lentement en retirant mon t-shirt. Je lance ma tête en arrière et profite de ses mains découvrant ma poitrine. Je l'aide ensuite à retirer mon pantalon. La paume de sa main vient caresser le tissu de ma culotte, me tirant un petit soupir d'excitation. Il embrasse mes cuisses qu'il écarte gentiment. Sa bouche vient se poser là où sa paume était un peu plus tôt. Mais je n'ai pas la patience de passer par les préliminaires. Il m'a bien trop manqué. Je lui tire sur la main.
— Viens, soufflais-je.
Il baisse son pantalon et passe la main sur son boxer déformé par son érection. Je retire ma culotte pour qu'il comprenne ce que je souhaite. Je me tourne et me met à genoux, Rafael vient se positionner derrière moi, il retire le dernier bout de tissus qu'il lui reste. Il place ses mains sur mes hanches, il embrasse le haut de mon dos et descend tout le long de ma colonne vertébrale. Ses baisers m'apaisent. Il s'enfonce ensuite en moi avec délicatesse, continuant d'embrasser le bas de mon dos en commençant ses vas et viens. Il m'a manqué, terriblement, et même maintenant à l'intérieur de moi, il me manque encore. Une partie de lui s'est éteinte la nuit de la mort de Javier, une partie qu'il ne récupérera certainement plus jamais. Et je sais, que même après des années, je n'arriverais jamais à combler ce manque que la mort de son frère et de son meilleur ami a laissé. Mais je l'aime et je ferais ce qu'il faut pour apaiser sa peine, chaque jour, à son rythme.
Sa cadence s'accélère. Une main passe sous mon ventre pour me caresser pendant qu'il accompagne ses coups de bassins. Il veut être certain que j'aille jusqu'au bout. Mes gémissements baignent l'appartement, chaque coup de hanche m'approchant un peu plus de l'extase. Il se tient fermement à moi, soufflant le plaisir qu'il y prend. Quand j'explose, il ralentit.
— Tourne-toi, demande-t-il doucement.
Je m'exécute et m'allonge sur le dos, les jambes écartées. Il revient à nouveau en moi dans un râle de plaisir. Une de ses mains passe sous ma cuisse et la relève. Il me regarde dans les yeux et m'embrasse en s'enfonçant chaque fois un peu plus loin. Il s'humecte les lèvres, ses yeux se révulsent, je sais qu'il n'est plus très loin. Je le tire contre moi pour l'embrasser.
— Je t'aime, soufflais-je contre sa bouche.
Il gémit gravement, son front contre le miens et ressort juste à temps, son liquide chaud s'écoulant sur mon ventre, les muscles contractés. Il ne dit pas un mot et reste dans cette position, je caresse sa joue et attend qu'il réagisse. Mais je comprends pourquoi il ne bouge pas, une larme chaude me tombe sur la joue, mais ce n'est pas la mienne. Je l'embrasse et lui souffle que je suis là, que tout va bien, que je ne partirais pas. Il se redresse et s'essuie la joue d'un revers de la main. Il s'excuse et se lève pour me ramener de quoi me nettoyer.
Mes vêtements à nouveau sur moi, je m'approche de mon petit ami et l'entoure de mes bras. Il m'embrasse le sommet du crâne et s'excuse d'avoir pleuré.
— Le sexe était trop bon, je comprends, plaisantais-je.
Il laisse un sourire s'échapper, un sourire sincère cette fois. Je sais que les choses ne vont pas être drôles tous les jours, je crois même que ça sera l'inverse. Mais quand je le regarde sourire je sais qu'à la fin, ça vaudra le coup.

Chapitre 32

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant