Chapitre 8

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J'approche machinalement une main de son visage et la dépose sur sa joue, délicatement, je ne l'ai jamais vu si vulnérable. Évidemment, nous n'avons pas la même relation avec nos parents. Sa mère lui a été retirée avant même qu'elle n'ait pu le prendre dans ses bras. Mes parents m'ont abandonné d'eux-mêmes.
— Je me rassure en me disant qu'elle doit être quelque part là-haut.
Il n'a pas retiré ma main de sa joue, une de ses mains s'est même posée sur mon poignet. Mon pouce caresse le haut de sa pommette où un grain de beauté trône. Le regard perdu, il continue sa phrase.
— Elle doit me voir gâcher ma vie dans un gang, comme mon père à l'époque, elle est certainement très déçue.
Je ne bouge plus, alors il lève les yeux.
— Elle doit surtout voir un garçon génial, drôle, intelligent et très beau.
Je reprends ses propres mots, ce qui l'amuse.
— Elle doit être fière de toi, et elle a de quoi, tu es quand même le meilleur cuisinier que je connaisse Rafael.
Il sourit, ses yeux plongés dans les miens. Ses doigts se resserrent un peu plus fort autour de mon poignet. Son regard passe de mes yeux à ma bouche, je sens mon corps se tendre immédiatement. Son visage s'approche du mien et nos lèvres se touchent enfin. Peu importe ce que j'avais imaginé, les baisers de Rafael sont encore meilleurs. Il m'approche un peu plus de lui et passe une main dans ma nuque. Les miennes trouvent leurs places sur son torse nu. Nos langues s'emmêlent et mon corps entier s'électrise. Une de ses mains glisse sous mon t-shirt, ma respiration s'accélère. Puis il s'arrête net. Il retire sa main, s'écarte de moi. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Il se lève alors du lit.
— Désolé, je ne sais pas ce qu'il m'a pris.
Je m'assieds, perdue.
— C'est pas grave.
Je ne sais pas pourquoi ce revirement de situation soudain mais je le respecte totalement.
— Qu'est-ce que je fou ?
Il rit nerveusement, faisant les cent pas.
— C'est rien Rafael, c'est juste un baiser, c'est oublié.
Je commence presque à me sentir mal qu'il soit aussi bouleversé de m'avoir embrassé.
— Oui t'as raison, c'est pas grave. Ça ne voulait rien dire, c'est pas comme si tu me plaisais. T'étais juste là et j'étais en train de penser à un truc triste et je me suis laissé emporter.
Ma gorge se resserre, ça y est, il m'a vexé.
— La prochaine fois, tâche de te contrôler.
Ma voix est bien plus sèche que je ne le voulais. Je ne cherche pas plus loin et me tourne avant d'éteindre la lampe de chevet. Rafael me lance qu'il n'a pas sommeil et qu'il descend regarder la télévision. Je ne réponds pas. Je n'ai pas envie de lui parler.


Au réveil, Rafael était encore là, à côté de moi, la jambe sur ma cuisse. Je me suis immédiatement tirée du lit, j'ai pris mon sac, enfilé des vêtements propres et je suis partie. Sans avoir fait couler de café, sans l'avoir réveillé, sans un mot, je suis juste partie.


La porte d'entrée s'ouvre, je me précipite jusqu'à celle-ci pour y retrouver Monsieur et Madame Fuentes leurs valises en main.
— Je vais vous aider.
Je m'empare de leurs affaires, madame Fuentes prend une grande inspiration, soulagée d'avoir retrouvé sa maison.
— Alors ces vacances ?
Monsieur Fuentes me répond en trois mots : fatigue, famille, nourriture. Sa femme résume ces derniers jours avec plus de détails. Ils sont contents d'y être allés mais tout aussi contents d'être revenus.
— Et toi mija ? Rien de spécial ?
Mon hôte s'assied sur la chaise de la table à manger, épuisée.
— Rien de spécial, non

Trois semaines sont passées et je n'ai pas vraiment eu l'occasion de revoir Rafael depuis notre baiser. À vrai dire j'ai fait en sorte de l'éviter un maximum. De toute façon il ne me porte pas spécialement d'attention quand il me voit, au contraire, tout est redevenu comme avant. Et je crois que c'est mieux comme ça.
— Tu as réfléchi à ma proposition ? Demande Jules.
Il me tire de mes pensées. Je regarde Santiago jouer au baby-foot depuis quelque minutes je n'avais pas réalisé que Jules était là.
— Pour le concert de ce soir ?
Il hoche la tête. Jules n'a visiblement pas compris mes refus subtils, je ne veux plus sortir avec lui, je ne sais plus comment lui dire.
— Oh vous allez au concert ce soir ?J'y vais aussi, on peut s'y rejoindre !
Lucrecia nous sourit l'un après l'autre. Ma sauveuse.
— Oui c'est une bonne idée, m'empressé-je de répondre.
Lucrecia est ravie que nous venions et je suis ravie de ne pas me retrouver en tête à tête avec Jules.
— Cool, à ce soir alors.
Ma directrice me lance un petit clin d'œil discret et me murmure « tu me remercieras plus tard ».

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant