Chapitre 40

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Jour 1.

J'ai pleuré sous la douche, dans l'espoir que Marissa ne m'entende pas. Mais elle est venue frapper et m'a demandé si ça allait, j'ai reniflé bruyamment et ai répondu que tout allait bien. Je n'ai pas envie de l'inquiéter plus que ce n'est déjà le cas. Et je crois qu'elle est trop polie pour essayer d'en savoir plus. Je suis restée sous l'eau une vingtaine de minutes avant de réaliser que je n'étais pas chez moi et qu'aussi gentille que Marissa puisse l'être, personne n'aime prendre sa douche froide parce que son ancienne colocataire pleurniche trop longtemps.
Après ça je suis allée me coucher, dans la chambre, toute seule. Marissa n'a pas demandé si je voulais dormir avec elle, je crois que mon silence lui a suffi. J'ai mis ma tête dans l'oreiller, pour pleurer à nouveau, encore une fois, et une autre encore. J'ai passé une bonne partie de la nuit à pleurer en fait. C'était douloureux, très douloureux. Et je crois que de toutes les peines que l'on puisse ressentir celle-ci fait partie des pires. En dehors de la mort.
J'ai finalement réussi à m'endormir, épuisée d'avoir pleuré. L'oreiller trempé, le nez coulant, les yeux gonflés, la bouche sèche.

Jour 2.

Je l'appelle.
Je ne l'appelle pas.
Je l'appelle.
Je ne l'appelle pas.
Je l'appelle.

...

Je prends mon portable en main et tapote sur l'écran.
Puis je le repose.

Je l'appelle.
Je ne l'appelle pas.
Je l'appelle.
Je ne l'appelle pas.
Je l'appelle.

...

Pour lui dire quoi ?
Je n'ai aucune idée de ce que j'ai envie de lui dire.

Je l'appelle.
Je ne l'appelle pas.
Je l'appelle.
Je ne l'appelle pas.
Je l'appelle.

Je t'aime Rafael ? Oui.
Est-ce que je veux revenir avec toi ? Je ne sais pas.

Jour 3.

Même la nuit ne me laisse pas de répit. Alors que je trouvais enfin le sommeil, sur les coups de trois heures, je me suis réveillée, en sueur. Les yeux baignés de larmes, à tel point que je n'étais pas sûre d'avoir même arrêté de pleuré une seule seconde depuis mon coucher. Il était là, à quelques pas de moi, sur le trottoir. Ses yeux étaient remplis de joie et son sourire me réchauffait le cœur. Je ne l'ai pas vue sourire aussi sincèrement depuis tellement longtemps. J'essayais de traverser la route qui nous séparait, mais les voitures allaient toutes trop vite. Chaque fois que je mettais un pied sur la chaussée, j'étais à deux doigts de me faire percuter. Je lui criais de me retrouver autre part, mais il me faisait signe qu'il n'entendait rien, la circulation était trop dense, les bruits de moteurs, de pneus et de klaxonne nous empêchait de communiquer.
Peu importe à quel point j'essayais, nous ne pouvions pas nous retrouver. Et tout d'un coup, une voiture s'est arrêtée devant lui. Il a ouvert la portière, s'apprêtant à monter dedans. Je lui hurlais de m'attendre, je le suppliais de me dire où il allait. Mais il n'entendait pas. Et je ne pouvais plus bouger. Il est entré dans la voiture, elle est partie, il a disparu. Il était trop tard.

Jour 4.

Marissa m'arrache mon plaid.
— Hors de question que je fasse semblant un jour de plus, dit-elle en tenant le tissu gris entre ses mains.
Je cligne des yeux, passant de son visage à la télévision, mon bol de céréales toujours en main.
— De quoi tu parles ?
— De toi !
Elle me désigne de haut en bas encore et encore d'un air écœuré. Peut-être à cause de mon pyjama que je n'ai pas changé depuis quatre jours, pyjama sur lequel une tâche de sauce tomate trône.
— Regarde dans l'état que tu es, tu ne vas pas bien Ruby !
Je hausse les épaules, je n'ai pas de justification à lui donner, elle a raison, je ne vais pas bien.
— Je t'aime, très fort tu sais ? Mais là je peux plus. Je ne peux pas te voir te morfondre dans ce fichu canapé sans me parler, c'est au-dessus de mes forces. J'ai besoin que tu me dises ce que tu ressens. Même si c'est pour me dire encore et encore à quel point tu es triste et perdue.
Je pose mon bol sur la table basse et remonte mes genoux à ma poitrine.
— Il est venu.
Elle me regarde, l'air confuse.
— Rafael, il est ici à San Francisco.
Ses grands yeux sombres s'écarquillent et sa bouche s'ouvre.
— C'est génial !
Au vu de ma réaction, elle ravale son air enjoué.
— Ou pas...
Je m'humecte les lèvres et lui assure que je ne sais pas moi-même si c'est génial ou non.
— Il a fait tout ce chemin jusqu'ici pour discuter, je crois que ça veut dire qu'il t'aime sincèrement.
Ce n'est pas le souci, je sais que Rafael m'aime. Je crois que c'est la seule chose dont je ne doute pas.
— Le souci c'est ce que je ressens moi, avouais-je.
Le regard de Marissa devient soudainement triste, elle pose sa main sur la mienne.
— Ruby, si je vois bien quelque chose là maintenant. C'est quelqu'un qui a le cœur brisé. Je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé entre vous, mais je ne sais pas si rester loin de lui te fera plus de bien que de trouver une solution tous les deux.
Je me pince les lèvres et regarde mon amie dans les yeux.
— T'es plus que l'ombre de toi-même depuis que t'es ici et ça me brise le cœur de te voir comme ça. Et bien que je veuille égoïstement te retrouver, nous retrouver comme avant. Ce n'est pas cette Ruby là que j'aime, c'est celle qui a les yeux qui pétillent, celle qui sourit chaque fois qu'elle pense à lui, celle qui est brillante, étincelante, éblouissante de bonheur. Et je crois que cette Ruby là était au summum quand elle était avec Rafael.
Sa main se resserre, elle cherche mon regard.
— Je serais une mauvaise amie si je ne te disais pas que tu étais plus heureuse avec lui et que tu le seras très certainement à nouveau en le retrouvant.
Elle soupire.
— Mais je serais une encore pire amie si je ne soutenais pas, peu importe la décision que tu prends.
Elle vient s'asseoir à côté de moi.
— Alors raconte moi tout depuis le début, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant