Epilogue

197 16 6
                                        

J'essuie mes larmes. Maria pose sa main sur ma joue.
— Pourquoi tu pleures à chaque fois que tu racontes cette histoire ?
Je renifle et me force à sourire.
— Parce que ce jour était le plus beau et le plus triste de ma vie.
Je me suis toujours jurée de ne jamais cacher à mes futurs enfants la vérité sur mes sentiments. Maria m'a déjà vu pleurer, comme elle m'a vu rire et la capacité qu'elle a à comprendre ce que les autres ressentent m'épatera toujours.
— C'était le plus beau jour de ta vie parce que tu as rencontré ton bébé ?
Je lui souris à nouveau, et lui caresse les cheveux.
— Evidemment.
— Et le plus triste parce que...
Elle ne poursuit pas sa phrase, comme je l'ai dit, c'est une petite fille intelligente elle sait qu'évoquer cette journée me fait très mal mais après autant de temps.
— C'était la plus belle histoire du monde, merci, dit-elle en entourant ses bras autour de moi.
Elle me serre de sa maigre force, je l'étreins à mon tour et finit par me lever de son lit pour la border.
— Maintenant tu dois dormir, dis-je en l'embrassant sur le front.
— Je t'aime maman, je suis désolée de t'avoir rendue triste.
Je souris.
— Non, ne t'inquiète pas, toutes les histoires sont bonnes à raconter même quand elles nous rendent triste. Parce que c'est comme ça qu'elles vivent et que les souvenirs ne tombent jamais dans l'oubli.
Elle sourit à son tour et je lui souhaite bonne nuit.
Je ferme la porte de la chambre de Maria et m'adosse à celle-ci, essayant de me reprendre. Mais chaque fois que je repense à tout ça, c'est un peu comme si je le vivais à nouveau. Et rien au monde ne pourra jamais exprimer la douleur que j'ai ressentie ce jour-là. Je mourrais en donnant la vie.

Je reprends mon balais et me penche à nouveau sur mon ménage. Je regarde l'heure tourner, le soleil se coucher.
La porte claque violemment, ce qui à toujours le don de me faire sursauter.
— J'en ai marre de cette famille ! Vivement que je sois adulte !
Une fusée blonde passe devant moi sans me porter d'attention et une seconde porte claque.
— Javier Enrique Sanchez attention à ton comportement, ton anniversaire est la semaine prochaine tu ne devrais pas te risquer à nous parler comme ça ! Réponds une grosse voix.
Je grimace en réalisant que tout ne s'est pas passé comme prévu.
— Pas facile d'avoir 13 ans, me moquais-je.
Rafael lève les yeux et soupire, fatigué. Il repousse ses cheveux en arrière et pose ses mains sur ses hanches.
— Il était avec ses copains en train de fumer derrière le hangar du centre-ville !
Son ton est dramatique, il s'attend très certainement à ce que je réagisse de la même façon que lui, mais non, je fais ce que je fais toujours : le rassurer et lui rappeler que nous faisons de notre mieux. Je m'approche alors de lui et pose mes mains de chaque côté de ses joues pour me plonger dans son regard sombre.
— On discutera de tout ça avec lui demain, d'accord ?
Il hoche la tête et prend ma main pour en embrasser la paume.
— Pas facile d'avoir un fils.
— Et pourtant tu l'as voulu, fis-je remarquer.
Il rit, et penche la tête sur le côté.
— Estime toi heureux qu'il s'arrête aux cigarettes, d'autres à leurs âge rêvait déjà de faire partie d'un gang.
D'après Rafael, Javier a le même caractère qu'Enrique. Il s'amuse parfois à dire que notre fils est sa réincarnation et que son frère aîné avait visiblement pour projet d'être infernale pour pimenter notre vie paisible.
— Il se calmera, assurais-je.
Il hoche la tête, en me répétant que j'ai raison et qu'il faut qu'il arrête de s'inquiéter. Rafael est parti à la recherche de Javier il y a plus d'une heure. Ce dernier ne répondait pas à nos messages et devait rentrer avant le repas. Je caresse les bras de mon mari et l'embrasse du bout des lèvres.
— On pourrait peut-être aller se détendre tous les deux, suggérais-je.
Les enfants sont couchés et nous avons un peu de temps pour nous. Le ménage attendra.
— Qu'est-ce que tu suggères ?

Il se mord la lèvre inférieure tandis que je passe mes mains sous son t-shirt.
— Une petite douche en amoureux.
Rafael m'embrasse et me répond que c'est la meilleure idée que j'ai eue aujourd'hui. Ma main rencontre sa cicatrice, celle qu'il aura pour toujours. Mais aujourd'hui elle n'est plus source de pleurs ou de tristesse. Il a survécu, de justesse. Pas un seul jour passe sans qu'elle ne me rappelle la chance d'avoir réussis. D'être arrivé jusqu'ici. De vivre.
— Beurk ! Vous pourriez aller dans votre chambre !
Mon fils se tient à quelques pas de moi, le visage déformé par une grimace de dégoût.
— Je ne la ramènerait pas trop à ta place, prévins-je faussement en colère.
Il fait la moue et croise les bras dans son dos.
— Je suis désolé d'avoir fumé, c'est les autres qui m'ont poussé à le faire et j'ai suivi parce que je ne voulais pas qu'ils pensent que je ne suis pas cool.
Rafael s'approche de Javier et pose une main sur son épaule.
— Tu portes les prénoms des deux hommes les plus cool que j'ai connus. Sans compter les parents que tu as et le fait que tu sois un Sanchez.
— Je ne comprends rien à tout ça, tu n'as jamais voulu m'expliquer en quoi vous étiez tous si cools.
Rafael lève la tête et croise mon regard.
— Je te raconterais tout un jour, c'est promis, en attendant soit fidèle à qui tu es vraiment. Ne fais pas semblant d'être un autre sous prétexte que c'est ce que les autres veulent, d'accord ?
Notre fils hoche la tête et nous souhaite tous les deux bonne nuit avant de repartir calmement jusqu'à sa chambre.
— Tu t'en es très bien sortie.
Rafael est un excellent père. Il a raté les premiers jours de vie de Javier parce qu'il se battait pour sa propre vie et je crois qu'aujourd'hui encore il s'en veut. Mais je crois que la culpabilité ne le quittera jamais, ça fait partie de lui et j'ai fini par l'accepter.
— Et comment va mon second bébé ? Tu sais, celle qui n'a pas encore appris à contredire tout ce qu'on dit et pense encore que je suis l'homme le plus génial de la terre ?
— Maria est couchée, je lui ai dit que tu ne rentrerais pas tout de suite. Elle m'a demandé de lui raconter notre rencontre, à tous les deux.
Cette idée fait sourire Rafael. Maria nous demande très souvent de lui raconter cette histoire. Bien évidemment, son père en rajoute toujours des tonnes sur le fait que j'étais folle de lui et sur son extrême beauté. Mais je ne peux m'empêcher de faire de même de mon côté.
— Tu lui a dit que je n'étais pas le héros de l'histoire ?
Ses yeux brillent et je sais qu'on y est arrivé, finalement.
— Tu es le héros de la mienne, de la nôtre.

Fin

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant