Chapitre 5

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J'ai repoussé mon retour à l'association du mieux que j'ai pu, mais je dois y faire mes heures. Je n'ai pas envie de revoir Jules et surtout pas de revenir sur ce qu'il s'est passé l'autre soir.. Mais je n'ai vraisemblablement pas le choix. J'ai déjà envoyé un message à Lucrecia pour lui raconter la catastrophe qu'était ce rendez-vous afin d'éviter qu'elle ne le mentionne devant qui que ce soit.
— Les enfants te réclament depuis lundi, Hector a pris quelques jours pour la naissance de son fils et Rafael était... occupé cette semaine.
Elle sourit.
— Je me suis occupée de l'étude comme je pouvais mais les enfants semblent vous préférez, Rafael et toi. .
Je suis flattée que les enfants me réclament et je dois dire qu'ils me manquent aussi.
— J'y vais de ce pas, alors.
À mon arrivée, je suis immédiatement acclamée. S'il y a bien quelque chose de positif à ce boulot c'est le fait que personne avant eux n'a jamais été si heureux de me voir entrer dans une pièce.
— On a cru que tu ne viendrais plus du tout.
Je leur assure qu'ils seront coincés avec moi pour quelques mois encore au moins.


Je n'ai pas eu de répit, les enfants avaient une tonne de devoirs et m'ont presque tous sollicité. Lorsque je leur annonce qu'il est l'heure pour moi de partir, certains semblent déçus.
— Je reviens demain, et pour plus de temps.
Je dois rattraper les heures que j'ai loupé en début de semaine.
Je quitte la salle d'étude, m'emparre de mon sac à main et fonce jusqu'à l'entrée.La porte s'ouvre avant que je n'ai eu le temps d'attraper la poignée. Jules entre. Moi qui pensais avoir réussi à l'éviter, c'est raté.
— Comment tu vas ?
Je réponds brièvement que tout va bien et que j'ai eu beaucoup de travail à l'épicerie ces derniers jours.
— Ok, super.
Un froid gênant s'installe, il reste devant la porte Il reste sans rien dire de plus.
— À propos du week-end dernier... Commence-t-il.
Je le coupe directement, assurant que c'est de l'histoire ancienne et que je ne veux plus en parler.
— Ok cool. Et ça a été le retour avec Rafael ?
Je fronce les sourcils, s'il veut juste faire la discussion ce n'est pas le moment, je veux partir. Il s'approche alors un peu plus près et parle à voix basse.

— Je ne veux pas être cette personne mais... Tu devrais éviter les types comme lui.
Je croise les bras et lui demande plus précisément de quoi il veut parler.
— Ce n'est pas quelqu'un de fréquentable je te préviens juste.
J'ai toujours eu horreur qu'on me dise avec qui j'ai le droit d'avoir des contacts. Et bien que j'aie pu voir de mes propres yeux que Rafael était tout sauf quelqu'un de fréquentable je ne prends pas en compte la remarque de Jules.
— Merci, je crois savoir gérer mes fréquentations toute seule.
Il lève les deux mains devant lui en guise de réponse, comme un « je t'aurai prévenu ».
Et puis de toute façon, je ne fréquente pas Rafael, il est antipathique au possible et comme il l'a lui même dit l'autre soir: on est quitte. Donc plus aucune raison d'avoir de contact l'un avec l'autre.
Et honnêtement je me passe volontiers de sa présence.


C'est vendredi soir et je suis de fermeture et demain aussi d'ailleurs. Malheureusement, Juan ne m'a pas laissé le choix, car il ne l'a pas non plus. Il part en week-end avec Carmen pour leur anniversaire de mariage. Il était dépité à l'idée de rouler des heures pour passer deux nuits dans un hôtel qui lui coûterait la moitié de son salaire. D'après lui, le seul point positif c'est que ce week-end au moins il ne se coltine pas sa belle-mère.
Lucrecia vient donc travailler durant la journée et je prends le service pour le soir et la nuit.
Et en parlant de voyage, Monsieur et Madame Fuentes s'en vont ce soir aussi. Je leur ai proposé de les accompagner à l'aéroport en voiture maintenant qu'ils ne conduisent plus mais Madame Fuentes a déjà réservé un taxi pour les y conduire. Ils seront absents un peu moins d'une semaine et ça me fait tout drôle de m'imaginer seule dans cette si grande maison, je crois que je commence à m'habituer à mes colocataires.


La soirée est plutôt calme, contrairement à ce que j'imaginais. J'ai même le temps de bouquiner entre les clients. Un homme d'une quarantaine d'années entre dans la boutique, il prend des boîtes de lait en poudre et se précipite vers moi, pressé.
— Juan n'est pas là ? Demande-t-il surpris.
Je réponds qu'il est en week-end avec sa femme.
— Vous avez quelqu'un pour vous ramener ce soir ? À votre place je ne trainerais pas dans les rues.
Je lui rends sa monnaie, curieuse.
— Pourquoi ?
Il range les boîtes de lait en poudre dans un sac.
— Encore un conflit entre Les Scorpions et Les Requins, quoi d'autre ?
Un coup de feu très lointain retentit. Je regarde en direction de la porte.
— Voilà, dit l'homme comme pour appuyer ses propos.
Il me souhaite bonne soirée et s'en va. Génial, maintenant je suis nerveuse, je ne cesse de jeter des coups d'œil à l'horloge en espérant que le temps passe plus vite. Il n'est pas encore minuit mais je pense sérieusement à appeler Juan et lui demander si je peux fermer plus tôt. Les coups de feu semblent si loin que je me demande si c'en est réellement. Peut-être que l'homme devient parano et qu'il n'y a pas de raisons de s'inquiéter. Où peut-être qu'il a raison, parce qu'il vit ici depuis des années et que je suis complètement naïve de croire que tout ça ne se passe que dans des films.

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant