Le retour fut long et le fait de quitter Marissa m'a à nouveau brisé le cœur. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu l'impression que nos chemins se séparaient pour de bon cette fois. Elle reviendra certainement voir ses grands-parents de temps à autres, et peut-être aurais-je l'occasion de retourner à San Francisco. Mais je sais désormais que ma place est ici, auprès de Rafael.
— Est-ce que tu as pris des nouvelles de tes parents ? Demandais-je en enfilant un t-shirt de pyjama.
Rafael jette son pull sur le sol et me lance un regard noir, je vois, il n'a pas envie d'en parler.
— Les choses n'ont pas été évidentes pour toi ces derniers temps, déclarais-je.
— Ces dernières années tu veux dire.
Il marque un point.
— Santiago n'a rien à voir avec tout ça, tu devrais les appeler pour prendre des nouvelles de ton petit frère.
Rafael déglutit et me regarde, désemparé.
— C'est trop tôt, je n'ai pas envie de craquer au téléphone.
Je ne sais pas ce qu'il entend par « craquer », insulter son père, se mettre à pleurer, les deux ?
— Tiens moi au courant quand tu te sentiras prêt, dis-je d'une voix douce.
Rafael s'approche de moi et passe ses bras autour de ma taille.
— Je suis vraiment heureux que tu sois de retour à la maison, j'avais absolument plus aucun repères.
Je regarde la pile de linge sale empilé à côté du lit.
— Est-ce que tu t'es nourris au moins ?
Il secoue la tête et répond qu'il n'avait pas le temps de penser à manger.
Je m'assois de mon côté du lit et le regarde longuement, il sait la question que je vais lui poser.
— J'ai envie de toi, tente-t-il en s'allongeant sur le ventre.
Je secoue la tête et lui répond que c'est hors de question.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé pendant mon absence ?
Rafael soupire et me répond que faire l'amour serait bien plus divertissant. Face à mon absence de réponse, il finit par parler.
— Cette ville est devenue un véritable champ de bataille, je n'ai aucune idée encore aujourd'hui de comment nous nous en sommes sortis. Entre les règlements de comptes à répétitions et les flics qui tournaient presque en permanence prêt à nous arrêter au moindre soupçon...
Il se retourne et s'allonge sur le dos, les mains sur son ventre il regarde le plafond.
— J'avais tout un gang à mes trousses qui n'avaient aucune autre mission que de me descendre à la première occasion.
Mon estomac se contracte à ces mots, même en ayant conscience de la gravité des choses je crois que je ne me rends pas vraiment compte du danger que Rafael court quotidiennement.
— J'ai dû quitter l'appartement et être sur le qui vive en permanence. Évidemment je n'ai pas laissé les autres faire le sale boulot à ma place et les ai accompagnés à chaque fois. Après tout, avec une capuche sur la tête dans l'obscurité, impossible de savoir qui était qui.
Il sourit, mais je ne trouve pas ça amusant. J'étais à des centaines de kilomètres de tout ça, s'il était mort j'aurais...
— Comment les choses se sont terminées ?
Si Rafael peut revenir aujourd'hui sans avoir peur de quoi que ce soit c'est que cette affaire est réglée, mais comment a-t-il pu échapper à un gang entier qui rêvait de le tuer pour venger leur ami ?
— Quand on était gamin Enrique n'arrêtait pas de se faire harceler par des gamins de notre école.
Je m'assois en tailleur et Rafael vient poser sa tête sur ma cuisse.
— Il allait à l'école chaque jour avec la boule au ventre. Ils lui renversaient son sac, lui volaient son goûter, l'insultait. Bien que nous soyons deux, ils étaient beaucoup plus et nous ne faisions absolument pas le poids.
Il se pince les lèvres tandis que je caresse ses cheveux blonds.
— Enrique avait tellement honte de se laisser faire comme ça.
— Mais ils étaient plus nombreux, le défendis-je.
— Et plus grands.
Je n'ai jamais eu ce genre de problème durant ma scolarité, nous étions rapidement punis à la moindre dispute dans mon école, ça ne laissait pas vraiment de place au harcèlement et j'en suis reconnaissante.
— Un matin, il en a eu assez de raser les couloirs de l'école et de baisser les yeux à chaque fois qu'il les croisait. Il s'est dit que quitte à devoir être humilié, autant que ça ait une utilité. Alors durant une récré, il est allé voir le chef de ce petit groupe. Il faisait trois têtes de plus que mon frère et devait peser plus de dix kilos de plus.
Je grimace à la simple pensée de ce qui a pu arriver ensuite.
— Enrique lui a décroché la droite du siècle, du moins c'est le souvenir que j'en ai. En tout cas, le garçon d'en face s'est mis à pleurnicher.
Il sourit de toutes ses dents et lève les yeux vers moi.
— Je n'ai jamais été aussi fier de mon frère que ce jour-là, souffle-t-il.
Il reprend son récit en expliquant que depuis ce jour là le garçon a arrêté d'embêter Enrique et que les autres gamins ont eu peur d'Enrique et n'ont plus chercher aucun problème.
— Il y a eu du bouche à oreille, les autres enfants ont amplifié l'histoire, si bien qu'Enrique s'était créé une réputation avec un seul coup de poing. Les autres gamins de l'école ont commencé à se disputer pour devenir amis avec lui tandis que d'autres le craignait. Il a pris énormément confiance en lui grâce à ça et a réussi à garder le respect des autres à travers le collège et le lycée.
— Sans se battre à nouveau ? Demandais-je curieuse.
— Oh si, des tas de fois. Mon frère était plutôt nerveux.
Il ajoute qu'être le petit frère d'Enrique lui a permis d'être tranquille toute sa scolarité sans avoir à se soucier de quelconque personne pour l'emmerder.
— Il n'a jamais eu de soucis pour violence ?
Il hoche la tête.
— Il avait 16 ans et avait massacré un mec de sa classe. Le pauvre s'est retrouvé avec trois points de sutures et mon frère avec une exclusion temporaire du lycée.
Pas de doute, Enrique était né pour être un Scorpion.
— Qu'est-ce que ce type avait fait ?
Rafael me lance un sourire pincé.
— Il avait essayé d'embrasser Lucrecia alors qu'elle avait refusé à plusieurs reprises.
— Il avait essayé d'embrasser la copine de ton frère ?
Rafael secoue la tête.
— Non, ils n'étaient pas encore ensemble à l'époque. Enrique était déjà probablement fou d'elle mais ne l'avais jamais dit. Il ne supportait simplement pas que quelqu'un la touche sans son consentement.
Connaissant Lucrecia elle a dû...
— Evidemment elle a traité mon frère de crétin et lui a demandé de ne plus jamais faire ça.
Je ris et répond que c'est exactement ce que j'attendais d'elle.
— Il aurait tué n'importe qui pour elle.
Je caresse le visage de mon petit ami.
— Et aujourd'hui je le comprends.
Il se redresse et me prend les mains.
— L'idée même que quelqu'un touche à un seul de tes cheveux me rendrait physiquement malade, je serais capable de tuer...
Je pose un doigt sur sa bouche.
— Tu n'auras pas besoin de tuer qui que ce soit, parce qu'il ne m'arrivera rien.
Je ne veux pas entendre Rafael parler de ce genre de choses.
Il embrasse le bout de mon doigt.
— Mais je le ferais quand même.
Il me vole un baiser et je réalise que toute cette petite histoire n'a pas répondu à ma question.
— Rafael...
Puis je comprends, je comprends qu'il y a bien répondu à travers cette histoire supposée être un souvenir mignon qu'il avait son frère.
— Est-ce que tu as...
Les mots me manquent. Les images d'un Rafael debout devant un homme, lui pointant son arme en plein visage comme il l'a déjà fait, me resserre les entrailles. Le regard de mon petit ami traduit un air désolé. Il prend mes mains qu'il serre l'une contre l'autre.
— Je n'avais pas le choix, souffle-t-il, ils ne m'auraient jamais laissé tranquille.
Je sens ma respiration s'accélérer en repensant au coup de feu et la silhouette de l'homme sur le sol.
— Je ne pouvais pas partir de la ville, tu ne pouvais pas revenir, c'était moi ou lui.
Sa voix traduit un stress immense, il a peur que je lui en veuille, peur que je parte à nouveau. Peur que je le déteste.
— C'était lui ou moi, répète-t-il.
Je ferme les yeux et essaie de me raisonner. Rafael a raison, c'était une question de vie où de mort. Il allait mourir, il serait mort. Il a pris la bonne décision, bien qu'elle n'en soit pas vraiment une.
— Co... Comment tu as fait ?
— Regarde l'état dans lequel ça te met, hors de question que je te donne des détails.
J'essaie de me reprendre, je veux comprendre ce qu'il s'est passé, j'en ai besoin.
— S'il-te-plaît, je te promets que je ne t'en voudrais pas.
Rafael souffle et accepte finalement de m'expliquer.
— Mon oncle a tenté de négocier, en vain. Il a expliqué qu'il ne s'agissait que d'une vengeance pour Javier. Mais les Requins ne voulaient rien entendre. Ils voulaient du sang, ils voulaient nous éliminer. Et c'était en partie à cause de moi.
— Ils veulent vous tuer depuis toujours, rectifiait-je, le soir où Javier a été abattu ce n'était pas un accident. Ils voulaient faire tomber des têtes...
Rafael reste pensif quelques instants.
— Malheureusement tu n'étais pas là pour me le faire réaliser.
Sa voix s'éteint en fin de phrase.
— Alors j'ai décidé de régler ça tout seul, une bonne fois pour toute.
Il me raconte la façon dont il s'est infiltré chez leurs chef, c'était le matin, assez tôt pour que le soleil ne se soit pas encore levé.
— Tu l'as tué pendant son sommeil ?
Rafael secoue la tête.
— Je ne suis pas un lâche.
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Dusk 'till Dawn
RomanceRuby n'imaginait pas une seconde qu'en quittant San Francisco pour s'installer à San Diego, sa vie allait basculer. Tout semblait pourtant ordinaire : une chambre chez un couple de retraités, un petit boulot dans une boutique, quelques heures de sou...
