Chapitre 31

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Je pose mon verre de thé, Madame Fuentes me demande pour la seconde fois si j'en veux à nouveau. Je refuse poliment.
— Oh, c'est vrai, tu dois rejoindre ton amoureux.
Je regarde l'heure, il est presque dix-huit heures, nous allons passer le réveillon en tête à tête, il ne faut pas que je sois en retard. Je remercie Monsieur et Madame Fuentes et leurs souhaite de bonne fête, ils doivent eux aussi s'occuper des fourneaux de toute façon. Je sors de la maison et la regarde quelques minutes, je crois qu'une partie de moi aurait aimé rester auprès d'eux. Ils sont ce qui se rapprochait le plus d'une famille pour moi, et je me sens presque coupable de les avoir quittés si vite. Mais je me dis qu'ils sont certainement plus tranquilles à nouveau à deux dans cette maison si calme. Madame Fuentes ne trouve plus mes cheveux noirs bouclés partout dans les assiettes après que j'ai cuisiné, Monsieur Fuentes ne trébuche plus sur mes chaussures que je laisse en bas des escaliers. J'essaie de me rassurer un peu comme ça.
J'entre dans l'appartement, je me demande un instant si Rafael est bien là. Presque aucune lumière n'est allumée. Je l'appelle et retire mes chaussures ainsi que mon manteau et mon sac à main.
— Dans le salon ! s'écrit-t-il.
Je suis automatiquement émerveillée par la splendeur de la pièce. Rafael qui avait jusqu'ici refusé d'installer un sapin, à cause de l'inutilité de la chose avait finalement changé d'avis. L'arbre est haut de 2 mètres et décoré de toutes sortes de guirlandes, boules et lumières.
— Il est magnifique ! Dis-je la main devant la bouche.
Il me regarde, un peu nerveux.
— J'aurais peut-être dû t'attendre, mais je voulais que tu ais la surprise.
Je lui assure qu'il n'y a aucun problème et qu'on pourra très bien décorer celui de l'an prochain tous les deux. Il sourit et me fait remarquer qu'il reste tout de même une chose pour terminer. Je le regarde s'agenouiller et fouiller dans le carton avant de me tendre l'objet doré en forme d'étoile.
— Je te laisse la mettre.
Je prends l'étoile entre mes mains et je regarde autour de moi pour trouver une chaise sur laquelle monter.
— Oh, attend, souffle Rafael.
Il passe ses bras sous mes fesses et me soulève sans grande difficultés. Je tends le bras et plante l'étoile en haut de l'arbre, fière de moi. Mon premier véritable arbre de Noël. Rafael me fait glisser jusqu'à que nos visages se trouvent l'un en face de l'autre. Les guirlandes lumineuses font ressortir son regard sombre et quand il sourit je ne peux pas m'empêcher de lui rappeler à quel point je l'aime.
— La viande a presque finit de cuir, on peut se servir une coupe de champagne ? Propose-t-il.
Nous passons dans le côté cuisine, Rafael ouvre une bouteille de champagne et nous en sert deux coupes. Nous trinquons les yeux dans les yeux.
— À ton premier Noël.
— Le premier d'une longue série, précisais-je.
Il ne répond pas, mais je vois au sourire qu'il essaie de dissimuler aux coins des lèvres qu'il est heureux de m'entendre le dire.

Nous sommes ensuite passé à table, Rafael a vraiment bien fait les choses. De la vaisselle, à la présentation des plats en passant par la qualité de la nourriture. Je suis contente qu'il ait renoncé à commandé traiteur comme il voulait le faire au début.
— C'est délicieux ! M'exclamais-je.
— Je préparais très souvent le repas de Noël avec Paloma, c'était un de mes moments préférés. Avant l'ouverture des cadeaux je veux dire.
Je pense immédiatement à un Rafael haut comme trois pommes en train de tartiner tous les toasts. Santiago a très certainement pris sa place aux côtés de sa mère aujourd'hui. Puis j'imagine les parents de Rafael et de Santiago, tous les trois, seuls à manger ce soir.
— Pourquoi tu ne passes pas le réveillon chez tes parents ?
Il s'arrête sur sa bouchée avant de reprendre et de prendre le temps d'avaler.
— Je ne passe plus le réveillon avec eux depuis quelques années.
Je fronce les sourcils.
— Depuis trois ans en fait.
Depuis la mort d'Enrique.
— Je suis désolée, dis-je en me sentant idiote.
Rafael m'assure que ce n'est rien.
— La première année je n'ai pas fêté noël du tout, mais Paloma m'a dit qu'elle voulait que Santiago puisse passer de très belles fêtes comme j'ai eu la chance moi aussi de le faire. J'ai réalisé que ça devait être aussi dur pour elle et mon père, et j'ai réussi à négocier pour venir le 25 uniquement.
Monsieur et Madame Sanchez ont perdu un fils il y a trois ans. Et je ne peux qu'imaginer la douleur qui revient à chaque fête, chaque anniversaire. Celui de sa naissance, celui de sa mort. C'est le genre de chose dont on ne se remet jamais vraiment.
— Alors on est attendu demain ?
Il hoche la tête.
— Demain, à midi pile.
Le repas reprend son cours, la viande est chaude dans nos assiettes et je complimente à nouveau mon petit ami sur ses talents de cuisinier. Son portable se met à vibrer à quelques mètres de nous sur le meuble. Rafael l'ignore une première fois. Je porte ma coupe de champagne à mes lèvres et caresse le dos de sa main, celle tatouée de son scorpion. Son portable vibre à nouveau.
— Va décrocher.
Il refuse.
— C'est peut-être important, soufflais-je.
— Pas plus que notre réveillon. La personne laissera un message.
Je suis touchée par son attention. Nous reprenons notre repas et le téléphone ne nous dérange désormais plus.
— J'ai oublié quelque chose, dit-il en se levant de la table pour s'éclipser dans la cuisine.
Le bruit d'un poing tambourinant contre la porte résonne. Je sens mon cœur se mettre à palpiter, qui peut bien venir frapper ici le soir du réveillon à presque 21H. Rafael me lance un regard inquiet et sort de la cuisine en me demandant de rester en retrait. On tambourine encore à la porte.
— Va dans la chambre, dit-il.
Il se penche et ouvre le placard de l'entrée dans lequel se trouve un coffre. Il appuie sur 4 chiffres et l'ouvre, il en sort un flingue qu'il charge en moins d'une seconde.
— Rafael... Dis-je la voix tremblante.
Il s'approche de la porte.
— Qui est là ?
Un silence de trois secondes s'installe.
— Javier ! C'est Javier putain, ouvre, merde !
Rafael range son flingue dans l'élastique de son pantalon dans son dos. J'aurais dû être rassurée qu'il ne s'agisse que de Javier, mais l'inquiétude qui se lit sur son visage en pénétrant dans l'appartement ne signal rien de bon.
— Qu'est-ce qu'il se passe ?
Javier jette un bref coup d'œil dans ma direction et se met à parler espagnol. Ce qui confirme bien que sa venue n'est pas une simple visite de courtoisie. Rafael me regarde à son tour et répond dans la même langue.
— Tout de suite ? Dit-il à nouveau dans un langage que je métrise.
— Tout de suite, confirme Javier.
Rafael se pince les lèvres, son regard passe de Javier à moi.
— Fais chier ! Lance-t-il, attends-moi ici.
Mon petit ami prend ma main et m'entraîne dans la chambre. Il ne me laisse pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il a déjà balancé son arme sur le lit et que ses vêtements ont suivi et je devine qu'il ne se déshabille pas pour faire ce que je pense.
— Qu'est-ce que tu fais ?
Il attrape un jean et un t-shirt noir.
— Je suis désolé, dit-il, en enfilant le tout, j'ai un gros problème avec les Scorpions.
Je l'avais deviné.
— Quel genre de problème ?
Il s'arrête et soupire.
— Un problème assez gros pour que je te laisse tomber pour ton premier noël.
Ce qui veut dire un très très gros problème en considérant l'importance qu'il apportait à cette soirée.
— Je ne sais pas combien de temps ça va me prendre, enferme-toi à clé et n'ouvre à personne. J'ai mon double.
Il glisse à nouveau son arme dans son jean et enfile un gros pull noir.
— Je me rattraperais, je te le promets !
Rafael place ses deux mains sur chaque côté de ma joue et m'embrasse tendrement. Je le suis jusqu'au salon où Javier l'attend en trépignant.
Rápido !
— Oui, oui j'arrive.
Je me détache de mon petit ami et le regarde enfiler ses chaussures. Javier se tourne face à moi et me lance un sourire désolé.
— Faîtes attention à vous.
— Il ne lui arrivera rien, j'y veille, me promet Javier.
Les deux garçons passent la porte et me laissent seule.

Dusk 'till DawnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant