Toxic and friends [BxB]

Chapitre 63

"T'aurais fait quoi à la place de Brad Pitt ?"

Après les deux heures mouvementées de film, on est sortis et Titouan m'a emmené dans son bar favori. Assis sur un tabouret haut, j'observe toutes les bouteilles d'alcool rangées sur le mur derrière le comptoir en imaginant la quantité de liquide et de verre par terre si les étagères venaient à tomber. Des néons rouges nous éclairent et un post de télé crache des commentaires sur un match de football en direct. Autour de nous, quelques couples sont attablés et des vieux s'égosillent devant la télé, une Ricard à la main.  

"Je l'aurais tué aussi, répond Titouan après un temps de réflexion. 

- Mais c'est trop con ! m'exclamé-je pour me faire entendre par dessus le brouhaha. Le tueur se fait même pas punir par la loi et tu te retrouves en taule !

- Déjà la loi n'aurait rien pu venger, il méritait que je le tue de mes propres mains. Quant au personnage de Brad Pitt, que sa vie soit en prison ou en liberté, c'est comme s'il était mort. D'ailleurs c'est le message, le mec a fini par tuer la colère à son tour."

Je hoche la tête, convaincu par ses arguments, avant de finir mon mojito d'une traite. L'atmosphère de la pièce est presque étouffante et même si on enchaine les verres, ma gorge devient de plus en plus sèche. 

"Tu reveux un verre ? me propose Titouan. 

- Non merci, décliné-je malgré ma soif. Je n'ai déjà pas l'habitude de boire autant. 

- On rentre alors ? 

- Ouais, si tu veux."

En passant la porte du bar, je suis saisi par le contraste entre la chaleur du bar et le silence de la nuit. Titouan salue le barman puis attrape ma main. On marche le long de la route, sous les halos des réverbères. Je prends mon courage à deux mains pour demander sur un ton léger :

"T'as passé une bonne soirée ? 

- C'était super, déclare-t-il."

Il m'arrête au milieu du trottoir et quand je me tourne vers lui, il m'attire contre son torse et m'embrasse sous la lune. Je crois voir du désir dans ses prunelles noisette avant qu'il ne les ferme pour approfondir ce baiser. Les battements de mon cœur s'accélèrent et je pense à nos mains serrées l'une dans l'autre, et à ses lèvres scellées aux miennes. Je me délecte du goût délicat de véritable affection, de cette première manifestation de tendresse. Quand on se sépare, son regard doux me caresse et il sourit avant de continuer notre chemin.

De retour chez lui, on s'assoit sur son lit et je remarque un étui dans un coin. 

"Tu joues de la guitare ? 

- Ouais et je chante mais ça fait super longtemps que j'en ai pas joué. 

- Tu veux bien me jouer un morceau ? réclamé-je avec un air de chien battu. 

- Je viens de te dire que je suis plus entraîné. 

- Allez, s'il te plait. J'ai vraiment envie de t'entendre chanter."

Il soupire pour la forme, va chercher sa guitare et s'assoit en tailleur sur son lit. Il fait sonner des cordes et tourne des boutons sur le haut du manche. 

"T'as raison, t'es vraiment nul. 

- Je l'accorde, idiot."

Un "ah" reste coincé dans ma gorge et je patiente en me balançant d'avant en arrière. L'alcool ne me réussit vraiment pas. Titouan se racle la gorge et ses doigts commencent à gratter les cordes. La lumière de sa lampe de chevet éclaire son visage comme un projecteur. 

"On a dark desert highway, cool wind in my hair..."

Les accords de Hôtel California résonnent dans la pièce et se propagent dans tout mon être comme un remède magique. Je souris, apaisé par sa voix et amusé par mes pensées fleur bleu. Sa voix est un peu éraillée sur le refrain, donnant un air encore plus nostalgique à la chanson. Quand la dernière note s'évanouit, j'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Je pense à reprendre mon souffle et demande, émerveillé :

"Une autre !"

Il chante ensuite Take me to church, ce qui est encore plus émouvant car elle porte sur l'homosexualité. Puis il pose sa guitare, nos corps se trouvent et se redécouvrent doucement. Après, en étant encore dans les vapes, je chuchote dans le noir :

"Je te présente mes nouveaux amis lundi."

On s'endort, dans les bras l'un de l'autre.