🌼 Chapitre 18 🐄

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— Nous allons d'abord faire le tour des lieux. Je vais t'expliquer à quoi sert chaque bâtiment et chaque outil.

— Je vais monter sur un tracteur ?

— Même pas en rêve.

Il a l'air déçu, ça m'amuse.

— Où vont ces vaches ?

Il pointe les bêtes que Antoine et Hugo mènent à la salle de traite. Pour que ça se passe bien, ils les dirigent avec diligence. Elles n'y vont pas en même temps, cinq bêtes au plus par appareil. Ismaël et Hercule sont à l'intérieur et installe manuellement les pompes. J'ai décidé de garder ce côté manuel pour qu'il existe encore des emplois pour des braves personnes dans le besoin. C'est ma politique, même avec de la technologie il faut rester nature. Après cela, lui et moi mènerons les bêtes au pâturage.

Je lui explique le procédé, il m'écoute attentivement. Il a l'air de vouloir s'instruire, ça me plait.

— Le procédé manuel est très intéressant du point de vue éthique, ça nous ramène au fait que l'humain reste le point fort d'une société. De nos jours les métiers disparaissent à cause des machines, même si parfois ont en créé d'autres ce n'est pas suffisant. Je crois que ce côté moral serait une bonne publicité pour notre société quand on sera implanté. Les paysans doivent se sentir en confiance.

Je me mets à rire.

— Quoi ?

— Non, c'est juste que c'est presque la même chose que Solal a dit après que je lui ai expliqué ma démarche. Au début il ne voyait pas pourquoi je ne mettait pas l'efficacité d'une installation automatique. C'est évident que ça apporterait un gain de temps, un meilleur rendement pour moi, une diminution de l'effectif, donc de cette charge que je pourrais affecter à la maintenance ou en faire un amortissement intéressant qui règlerait des soucis. Et d'autres choses de fiscaliste qui ne me disais rien du tout, ce n'est pas mon métier ça.

— Il n'avait pas tort. Si tu cherches une optimisation de tes passifs, je pense que ce serait une bonne idée aussi.

—  Ça c'est une affaire de bureaucrate, vous ne songez pas à ce qui se passe sur le terrain. Selon mon avis ce ne serait pas très confortable pour les vaches et aussi pour les relations humaines. J'ai la ferme conviction que l'état émotionnel et physique des animaux impactent sur la qualité du produit. Pas étonnant que certaines enseignes immondes voient leur rentabilité à la baisse quand le produit mis en vente est imparfait ou gavé de conservateur. Le contact avec ses congénères est amoindri et donc l'animal devient une vulgaire marchandise dont la santé générale ne compte plus et que le stress pourrait tuer. Avant d'être une marchandise, se sont des êtres vivants, ils participent à l'écosystème, à la biodiversité et à l'alimentation de la planète. Je suis bien trop attaché à mes principes pour faire ça. Je comprends votre raisonnement à tous les deux, mais vous croyez que les petites exploitations agricoles ont les moyens de se permettre des projets aussi audacieux ? C'est comme le séchage et l'empaquetage du foin, je me refuse de m'offrir une machine adaptée parce que ce serait préjudiciable aussi pour mes employés.

— Comment cela ?

— Les saisonniers sont là temporairement, je n'ai pas beaucoup d'employers. Si je m'entoure de toutes ces machines à quoi me servira toute la main d'oeuvre ? Je refuse de les mettre au chômage ! Sans compter les dettes d'emprunt bancaire que j'aurais cumulé. Finalement il me faudrait plus de deux ans au-moins pour rentrer dans mes bénéfices réels. Alors non !

Jean reste muet quelques minutes en me visant.

— Un problème ?

— Non. Je trouve tes propos justes parce que c'est bien vrai que beaucoup de multinationales ne tiennent plus compte de l'aspect écologique, biologique et humain dans leur fonctionnement. Je le sais par expérience pour avoir bosser pour beaucoup de corporations agroalimentaires. C'est juste que... tu le dis avec une telle passion. Tout ça parce que quelqu'un t'a juste demandé pourquoi une salle non automatisée. C'est...

L.T.D.B.C (M/M)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant