11/ ... Récolte la tempête

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— Tu sais le type que tu as ratatiné quand tu es arrivée.

— Humm.

— Il est de retour dans le quartier. Et il est pas content. Il te cherche. Et vu que tu lui as dit que tu voulais aller rue Prior...

Jane s'est arrêtée au milieu du trottoir. Quelques passants la regardent, étonnés de ce brusque arrêt. Elle est blême. Ce que vient de lui dire Jo est la pire nouvelle qu'elle puisse avoir. Si une petite frappe la cherche, il y a fort à parier qu'il va la trouver. Et cette fois, elle ne s'en sortira pas aussi bien. Même entraînée et avertie. Jane sait très bien que seul l'effet de surprise lui a permis de le frapper efficacement. La prochaine fois, il sera sans doute beaucoup moins facile à éliminer.

D'un autre côté, cela veut aussi dire qu'il n'est pas mort. Ce qui était un sujet qui la taraudait depuis l'incident. Même si ce type lui voulait du mal, elle n'est pas prête à accepter de tuer quelqu'un de sang-froid.

— Jo. C'est sérieux ?

— Oui, Jane. Même que j'évite moi aussi le quartier, pour pas me faire prendre.

— Il faut que j'en parle à Mme Oliver. Viens avec moi.


Mme Oliver est ennuyée. Jane Shaw est une recrue vaillante et irréprochable. Elle travaille bien et vite. Et la perdre lui pose problème. Quant à la gamine. Et bien les derniers travaux de couture qu'elle lui a montré, prouve qu'elle est sur la bonne voie. Elle aurait bien pu faire une bonne repriseuse. Tout ceci est fort ennuyeux.

— Je vais repartir à Falken pendant quelques temps, Mme Oliver. Je vais emmener Jo avec moi. Je vais la mettre hors de portée de ce type.

— Et ma grand-mère ?

— Ne t'inquiète pas, dit Mme Oliver. Je lui ferai porter de quoi manger. Mais ça ne résout pas le problème. Vous ne pouvez pas fuir éternellement ! Est-ce que ça veut dire que vous ne reviendrez pas ? Parce que dans ce cas, il faut que j'avise. J'ai déjà deux livreurs en moins...

— Je sais, Mme Oliver. Croyez-moi, ça ne m'enchante guère. Je commençais à...

— À rien du tout, jeune fille ! Nous allons régler cela autrement ! s'exclame Mme Oliver en claquant ses grandes mains sur ses cuisses avant de se relever avec un regard déterminé.

La blanchisseuse n'aime pas perdre son personnel. Et puis, elle n'aime pas non plus que ses filles vivent dans la peur. La misère est bien assez grande pour que des types comme Pete ne viennent en rajouter !

— Bien ! Toi, Joséphine, tu vas travailler chez une amie à moi. Elle est boulangère dans le quartier à l'opposé du nôtre. Il est pas près de te trouver là-bas, ce gars ! Et puis, ça t'apprendra autre chose. Quant à toi, Jane Shaw, tu vas aussi apprendre autre chose que la blanchisserie. As-tu déjà servi ?

— Servi ? Je ne comprends pas.

— Servi à table ! La sœur de mon défunt mari, Mme Chambers, travaille dans une sorte d'agence qui propose aux familles qui le souhaitent et qui ont les moyens, du personnel de qualité pour des évènements mondains qui nécessitent un service impeccable et rapide. Il faudra faire preuve de beaucoup de rigueur et être... plus présentable qu'à la blanchisserie. Mais je suis sûre que tu pourras t'en tirer. L'avantage. C'est que tu ne seras plus ici. Ni chez Mme Rose.

— Pardon ? Mais je vais vivre où ?

— Chez ma belle-sœur. Elle habite à deux quartiers d'ici. Tu y seras bien. Elle est pas très futée, mais pas méchante non plus. Son intérieur est impeccable... et tu n'as pas le choix.

— À pars si je rentre chez moi !

— Mais qu'est-ce que tu irais faire dans ta cambrousse ! Chez ton oncle ! Tu es à Londres, gamine ! Et tu veux partir ! Allons ! Sois raisonnable !

Jane n'a pas particulièrement envie d'être raisonnable. Elle a envie de revoir Emma. De la serrer dans ses bras. Elle a envie de sa mère. De M. Robertson. Elle a envie de se sentir en terrain connu. De se sentir en sécurité.

Jane, si combative d'ordinaire, n'arrive pas à reprendre pieds. D'abord, ce baiser volé. Ensuite son questionnement sur son existence. Et puis, maintenant cette menace sur sa vie ! Tout est très confus. Elle veut de la rigueur et des certitudes.

Mais, elle a promis à sa mère et à M. Robertson qu'elle arriverait à s'en sortir seule. Fuir chez Emma serait un constat d'échec cuisant. Ce serait laisser gagner tous ces mâles arrogants qui tels des planètes tournent autour d'elle sans qu'elle n'ait rien demandé ! Son oncle, Pete, le gentleman de Regent Park n'ont qu'à aller orbiter ailleurs tous autant qu'ils sont !

Jane se dresse soudain face à Mme Oliver, les mains sur les hanches, les jambes légèrement écartées, le visage batailleur, elle ressemble à ces femmes à qui il ne faut pas en conter.

La jeune femme est prête à se battre. Elle accepte la proposition de Mme Oliver.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant