64/ L'amour déraisonnable

1.8K 224 5
                                    

Camilla manque de crier tant elle heureuse de voir le Comte Grisham. Elle le dévore des yeux tandis qu'il lui sourit. Il porte un costume parfait, mais pas du tout adapté pour une réception. Ses cheveux sont un peu ébouriffés, et sa cravate est légèrement de travers.

— Vous n'êtes pas présentable, monsieur le Comte, dit-elle faussement sévère en lui remettant sa cravate d'aplomb.

— C'est que je suis venu directement du port jusqu'ici. Je ne voulais pas vous manquer.

Grisham est toujours direct avec Camilla. Il ne cache pas ses sentiments pour elle. Il est comme un adolescent trop heureux d'avoir pu trouver sa dulcinée et impatient de la voir.

Après le mariage d'Anna, il est venu à plusieurs reprises dans la maison familiale des Carver-Hill, officiellement pour parler à Marcus de leurs affaires, officieusement pour voir Camilla que sa mère n'aurait jamais autorisé à approcher sinon.

Il lui fait une cour assidue mais inhabituelle. Il est évident pour lui qu'elle sera un jour sa femme. Il ne prend pas la mesure de ce que cela implique, et ne s'est donc pas déclaré officiellement. Ce qui permet à Lady Carver-Hill d'œuvrer contre lui lorsqu'il s'absente. Trop occupé à ses propres problèmes de cœur, Marcus n'en avait pas conscience jusqu'à ce soir. Il va y remédier immédiatement.

— Puisque vous êtes là, Grisham, je vous autorise à danser avec ma sœur à la seule condition que vous passiez demain matin à la première heure à la demeure familiale. Il est plus qu'urgent que vous vous décidiez à officialiser ce penchant fâcheux pour la plus jeune de mes sœurs, si vous ne voulez pas la retrouver mariée à votre prochain retour de voyage, dit Carver-Hill avant de disparaître dans la foule.

Grisham sourit bêtement.

— Cessez d'avoir l'air idiot ! Êtes-vous un aventurier ou un simple d'esprit ? sourit Camilla qui n'a jamais été aussi heureuse d'avoir Marcus comme frère aîné.

— Je crois que je suis un idiot, mon impétueuse. Vraiment. Je ne vois que vous et n'imagine pas que vous puissiez envisager d'autres prétendants...

— Me trouvez-vous laide à ce point ?

— Laide... Voulez-vous vraiment que je vous déshonore en présence d'autant de convives ? Remarquez que dans certaines tribus sauvages, il paraît que c'est un gage d'union fructueuse.

Camilla rougit jusqu'à la racine des cheveux.

— Vous êtes impossible !

— Très certainement. Comme vous, il me semble ! Maintenant que ma cravate est parfaitement mise, voulez-vous danser à défaut d'autres activités plus compromettantes ?

Camilla sourit et pose sa main sur le bras qu'il lui présente.

— Je crois que j'aurais aimé ces activités dont vous me parlez, dit-elle simplement en arrivant sur la piste de danse.

Il tourne brusquement le visage vers elle. Son regard d'aigle la transperce de part en part. Son sourire est sans équivoque.

— Je pense aussi que vous allez les aimer. Beaucoup, mon impétueuse. Je vais faire en sorte que cela soit inoubliable et ... Non, je n'en dis pas plus. Le reste vous sera dévoilé en temps voulu.

— En temps voulu, dites-vous... J'imagine, après cet interminable laps de temps que l'on nomme fiançailles, et ce non moins éprouvant moment que l'on nomme mariage.

— Si vous le souhaitez, je vous enlève cette nuit... Vous savez que j'en suis capable.

— Comte Grisham, cessez de faire des promesses que vous n'honorez pas.

— J'ai fait une promesse que je n'ai pas honoré ?

— Dans la bibliothèque ? Vous avez oublié, j'imagine.

— Si j'ai oublié le moment où vous m'avez transpercé le cœur, mon impétueuse ? Non. Je ne crois pas. Et je n'ai pas oublié la promesse non plus. Mais je n'ai encore jamais eu un moment propice pour l'honorer. Nous ne sommes jamais seuls.... Mais peut-être que ce soir... votre frère nous offre une opportunité que nous ne pouvons ignorer... dit-il alors qu'il l'entraîne vers le jardin en continuant à danser.

Personne ne remarque leur disparition dans l'embrasure d'une porte-fenêtre. Tous les yeux sont fixés sur un autre couple.

Lord Marcus Carver-Hill vient d'inviter à danser Mlle Jane Stratton, héritière en titre du marquisat d'Ormondis. Et tandis qu'il l'entraîne dans une valse sous le regard attentif et fier de Lady Eugénia Stratton, Camilla connaît enfin son incroyable premier baiser grâce au Comte Grisham.

L'éducation de Jane ShawOù les histoires vivent. Découvrez maintenant